En préambule d’une table ronde consacrée à la création variétale et à l’agroécologie, Yves Madre, président de Farm Europe, a rappelé les termes du Pacte Vert. « Au titre du Green Deal, la commission européenne vise pour 2030, la neutralité carbone pour son agriculture. Il n’existe pas d’autre issue : cet objectif fait consensus aussi bien au niveau des Etats membres que du Parlement européen. Toutes les agricultures ont une marche de progrès à réaliser, aucune n’est à l’abri ».
« Un sac de semences ne suffira pas pour répondre à l’intégralité des défis de demain »
Quelles variétés pour faire face à cet objectif ? Le Green Deal propose en particulier une réduction de 50 % de l’usage des pesticides et de 20 % de celui des fertilisants. Le président du groupe RAGT, Laurent Guerreiro, s’est montré très prudent quant aux solutions à apporter : « Le bien-fondé de ce Green Deal est qu’il va nous forcer à bouger davantage, car les variétés que l’on inscrit aujourd’hui dans les réseaux, ne sont pas forcément celles qui viendront remplir le cahier des charges des besoins de l’agroécologie. Ces mesures nous poussent aux changements. Mais, dans tous les cas, la variété ne sera pas l’unique solution : elle devra être complétée par de la pratique culturale et des méthodologies alternatives ».
Pour le semencier, considérer la génétique comme « le miracle » serait bien « trop dangereux » face à l’ensemble des défis à relever. « Les semenciers travaillent aujourd’hui à construire « une solution » et pas uniquement des variétés en réponse à une problématique ponctuelle ». S’il cherche par exemple à identifier les variétés qui, à un même niveau de rendement, vont nécessiter un apport azoté plus faible que celles actuelles, ou à combiner plusieurs variétés, Laurent Guerreiro met en avant également les leviers agronomiques et techniques. « Tous les moyens sont à activer pour répondre aux enjeux agroécologiques, de souveraineté alimentaire et de rémunération de l’agriculteur ».
Les « NBT » aux côtés de l’agronomie
Parmi les outils, l’expert européen Yves Madre a présenté celui des nouvelles technologies d’édition génomique : « Si on n’a pas les NBT (New Breeding Technologies) dans le corpus réglementaire européen, on fera du sur place. Les consultations publiques ont été lancées et la commission devait mettre sur la table un projet de législation d’ici à la fin de 2023. La législation actuelle n’est plus cohérente avec l’évolution de la science. Partout dans le monde, les réglementations sont en train de s’ajuster. Certains vont plus vite que d’autres, c’est le cas de la Grande-Bretagne mais aussi des États-Unis. L’Union européenne a adopté une démarche séquencée plus lente, mais aussi plus sage pour ne pas revivre ce qu’on a vécu avec les OGM ».
Laurent Guerreiro de RAGT s’est dit circonspect : « Les nouvelles technologies, c’est bien d’en parler, mais c’est bien aussi qu’elles soient éprouvées. Les NBT n’ont pas encore démontré leur capacité novatrice par rapport à ce que l’on fait aujourd’hui. Je ne les condamne pas. Mais je ne suis pas convaincu que l’édition des génomes soit la solution à tous les problèmes que l’on a ». Par ailleurs, « ce qu’on a éludé dans ce débat sur les NBT, c’est le coût d’accès. Il y a des brevets derrière ces technologies, elles ne sont pas gratuitement accessibles et aujourd’hui pour ces brevets, le coût d’accès se porte à des millions d’euros ».
Tester avant d’écarter
Pour Christophe Boizard, polyculteur-éleveur dans la baie de Somme, depuis vingt ans, les NBT peuvent constituer un levier de la transition environnementale, au service des agriculteurs. « On nous dit qu’il faudra trouver plusieurs solutions pour réduire nos impacts environnementaux. Mais d’avance, on veut nous en supprimer une. Il faut d’abord la tester ! ».
Article rédigé par La France Agricole Factory et proposé par Semae.