L’idée d’un projet de méthanisation a germé sur les bancs de son lycée. À 33 ans, Loïc Detruche se souvient aussi de cette année de BTS agricole, dans le Rhône, qui fut décisive pour son orientation. « Mes premières réflexions sur la méthanisation remontent à 2009. J’avais opté, dans mon cursus, pour un module consacré aux énergies renouvelables. Cela m’a tout de suite plu. »

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Trois ans plus tard, quand il s’installe avec ses parents, éleveurs de poules pondeuses plein air et de bovins viande, à Veigy-Foncenex, en Haute-Savoie, il continue d’alimenter sa réflexion grâce à des visites de sites et des échanges avec des professionnels de la filière. Il fait la connaissance de Laurent Pauchard, fondateur de Méthalac, un constructeur spécialisé dans la méthanisation agricole, labellisé Qualimétha. « On ne s’est plus jamais lâché. Avec lui, j’ai ‘déroulé’ la totalité du projet », indique Loïc Detruche.  L’agriculteur commence par créer en 2013 sa société, SAS Meuhvelec, un projet atypique car mené de manière individuelle. « Mes parents, qui sont aussi mes associés, m’ont suivi. Ils m’ont donné carte blanche. L'objectif premier était de valoriser nos effluents d'élevage pour obtenir un engrais naturel et réduire notre consommation d'engrais de synthèse. »

Mesurer la faisabilité de son projet

« Quand je me suis lancé, la première étape a consisté à évaluer, dans mon prévisionnel, les intrants disponibles sur la ferme et sur le territoire, poursuit le polyculteur-éleveur. C’est la partie la plus importante d’un projet. » 45 % de ses intrants sont constitués de soupe déconditionnée et de graisse provenant de la restauration collective et d’abattoirs. Ces biodéchets représentent donc la quasi-moitié de la ration du méthaniseur, mais, surtout, 70 % du gaz produit. « Il faut bien considérer les pouvoirs méthanogènes de ses intrants, pour éviter les grandes variations. » L'autre part de la ration est constituée de matières agricoles : du fumier et du lisier des bovins d'éleveurs voisins, du fumier fourni par un centre équestre, des fientes des poules de l'exploitation, des résidus de céréales après triage d'une coopérative et des cultures intermédiaires à valeur énergétique (Cive). Concernant la production de digestat, « son incidence sur le plan d’épandage est aussi à bien évaluer dès le départ », poursuit l’exploitant agricole qui dispose d’une SAU de 150 hectares.

Analyser la capacité du réseau en biométhane

Loïc Detruche a opté d’emblée pour un projet de méthanisation agricole par injection.  « J’avais besoin de me sentir implanté au cœur de mon territoire ». L’étude détaillée, menée par GRDF, avec Méthalac, l’a renseigné sur les capacités du réseau qui passe à proximité immédiate de sa ferme. « J’ai très rapidement entamé les démarches auprès de GDRF pour mesurer la faisabilité de mon projet. » À partir des gisements d’intrants envisagés, il a pu déterminer le débit de biométhane susceptible d’être injecté.

Déterminer son financement

L’agriculteur méthaniseur a consulté son banquier dès 2012. « J’y suis allé avec un budget prévisionnel. » D’un coût d’environ 3 millions d'euros, le projet a été financé en très grande partie par sa banque. Il a aussi bénéficié de subventions de la part de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, du département de la Haute-Savoie et de l'Ademe. Sur la partie réglementaire, Loïc Detruche, adhérent de l’association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), a procédé, avec Méthalac, à la demande de permis de construire auprès de sa commune, après détermination de son régime ICPE, à la demande d’autorisation qui en découle, ainsi qu’à celle de son agrément sanitaire. Le terrassement de son unité a débuté en juillet 2016. Un an plus tard, Loïc Detruche la mettait en service.

Communiquer sur son projet

En parallèle, dès son installation en 2012, l’agriculteur a aussi consulté la mairie de sa commune. « C’est un autre volet très important du projet : le faire accepter par sa collectivité et les riverains. J’y ai consacré beaucoup d’énergie. J’ai organisé des réunions publiques et des portes ouvertes sur la ferme. » Situé dans un milieu périurbain, à dix kilomètres du centre-ville de Genève, le site est entouré de plusieurs voisins, dont les premiers à 255 mètres. « Veigy-Foncenex compte 4 500 habitants. Il était très important pour nous de bien communiquer. Et tout s’est très bien déroulé. »

Une installation réussie

« Finalement, j’ai fait le bon choix d’intrants. De 65 Nm3/h de biométhane injecté dans le réseau de GRDF, je suis passé à 80 Nm3/h. » Sa production correspond à la consommation de gaz annuelle d'environ 600 foyers. « C’est une diversification gagnante pour la ferme et le territoire », estime Loïc Detruche. « Depuis cinq ans, j’ai la chance aussi de bénéficier de ce digestat qui m’apporte beaucoup au regard de mon activité céréalière importante. » Sur céréales et colza, ses volumes d'ammonitrate ont ainsi diminué de 60 %.