Les Anglais se projettent
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Bien que divisés sur la question du Brexit, les syndicats et le ministre de l’Agriculture entendent proposer une nouvelle politique agricole.
«C’est un résultat historique qui va bouleverser la donne », a estimé Meurig Raymond, le président du principal syndicat agricole britannique NFU, favorable au camp du « Remain » (rester dans l’UE). « Nous allons appeler à un projet de loi agricole et à des négociations pour sécuriser des accords commerciaux avec le reste de l’Europe, a-t-il promis. La NFU travaillera avec le gouvernement pour trouver de nouveaux arrangements. Et ce aussi vite que possible ». Car Meurig Raymond redoute que les exportations britanniques vers l’UE (notamment l’agneau et le fromage) soient frappées par des droits de douane très importants. Il souhaite par ailleurs que la nouvelle politique agricole britannique puisse « garantir que les aides aux agriculteurs seront égales à celles dont ils bénéficient grâce à la Pac ».
« Déçu » par le résultat du référendum, le président du syndicat des agriculteurs du pays de Galles (Farmer’s Union of Wales), Glyn Roberts, a rappelé pour sa part qu’un « travail monumental » attendait à présent le monde agricole. « C’est pourquoi une sortie trop rapide, au cours des deux prochaines années, ne serait ni dans l’intérêt du Royaume-Uni, ni dans celui de l’UE », a-t-il estimé avec prudence. À l’inverse des syndicats, le ministre de l’Agriculture pro-Brexit, George Eustice, a accueilli le résultat du référendum avec enthousiasme. Il s’est félicité qu’une partie des agriculteurs ait rallié le camp du Brexit (60 % selon ses estimations). « Je suis certain qu’il s’agit de la bonne décision pour notre pays et nos agriculteurs. » Il a toutefois convenu qu’un accord de libre-échange devait absolument être conclu avant d’activer l’article 50 du traité de Lisbonne, alors que les Européens préconisent l’inverse…
Exit les normes
Contrairement à ce qu’affirme le camp anti-Brexit, le ministre est convaincu qu’un accord de libre-échange pourra être signé sans pour autant devoir respecter toutes les réglementations européennes. « Certes, il faudra s’entendre sur certaines normes communes, mais nous pourrons nous débarrasser de toute cette série de règles sur l’éco-conditionnalité. »
En désaccord total avec son collègue, la secrétaire d’État à l’Environnement, à l’Alimentation et aux Affaires rurales Elizabeth Truss (anti-Brexit), s’est contentée d’une déclaration lapidaire sur Twitter : « Les Britanniques ont parlé. Nous devons désormais y mettre du nôtre et nous assurer que nous quittons l’UE de la meilleure manière possible pour la Grande-Bretagne. » En février dernier, elle avait estimé qu’« à un moment de forte volatilité des prix et d’incertitude sur le marché international, ce serait une erreur que de faire un saut dans l’obscurité ».
Au total, 55 % des revenus totaux de la ferme britannique proviennent de la Pac. En 2015, le RU a contribué à hauteur de 6,8 Mds€ au budget agricole pour en recevoir 3,9 Mds€ (la France a reçu 8,9 Mds€). Le tout est ensuite divisé entre l’Angleterre, l’écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord. La majorité des agriculteurs gallois semble avoir voté en faveur du Brexit. Ils exportent pourtant 90 % de leurs bœufs et agneaux vers l’UE, et ont bénéficié de 240 M£ (290 M€) de paiements directs européens en 2014, auxquels s’ajoutent environ 136 M£ par an (164 M€) du programme de développement rural. De l’autre côté de la mer, beaucoup d’agriculteurs nord-irlandais se sont également prononcés pour le Brexit alors que le secteur agroalimentaire produit un quart des produits manufacturés et que 87 % des revenus annuels des agriculteurs dépendent de la Pac.
Les partisans du « Leave » espèrent que les soutiens de Westminster équivaudront à ceux de Bruxelles grâce au « Chèque Brexit » de 10 Mds£ sur lequel reposent tant de promesses (11,3 Mds€ en 2014). Seule contre tous, l’Écosse a voté en majorité pour le « Remain » et réfléchit désormais à adhérer seule à l’UE. Une solution qui passerait par un nouveau vote sur son indépendance vis-à-vis de la Couronne britannique. Des Lowlands au Loch Ness, 75 % des terres sont agricoles. À l’automne 2014, les soutiens de la Pac avaient été au cœur des débats sur l’indépendance. L’Écosse n’en est pourtant que le troisième bénéficiaire au RU.
