« Les grandes firmes mondiales au niveau matériel étaient plus en avance que nous sur la data, et ça nous inquiétait », rappelle Claude Cochonneau, le président de l’APCA, pour expliquer la fondation d’Api-Agro à laquelle l’APCA a pris part en 2016. C’est Sébastien Picardat, directeur d’Api-Agro, qui explique les missions de cette jeune entreprise : « Nous sommes une plateforme d’échange de donnée. »

Un lieu de partage

Echange ou lieu de partage : Api-Agro permet aux acteurs qui possèdent des données agricoles, qu’ils soient des instituts techniques, des coopératives ou des instituts de recherche, de les commercialiser. Mais la plateforme n’a pas pour mission de créer elle-même des jeux de données.

 

Les clients de la plateforme seront donc des entreprises, qui utiliseront les données afin d’améliorer leurs offres, par exemple des logiciels d’aide à la décision, ou du matériel. Pour Sébastien Windsor, président de l’Acta et d’Api-Agro, ce n’est qu’avec ces utilisateurs que la plateforme prendra d’ailleurs tout son sens. « Api-agro ne sera utile que si des entreprises l’utilisent pour développer des choses derrière », estime-t-il.

Des données agricoles au service des agriculteurs

Ce que les instituts techniques ont souhaité faire avec Api-Agro, c’est avant tout protéger les données des agriculteurs. « Nous voulons porter l’intérêt collectif », lance Sébastien Windsor. Objectif : éviter l’appropriation par des entreprises de jeux de données dont les agriculteurs n’auraient plus aucune maîtrise.

 

« Aux États-Unis par exemple, un agriculteur qui achète une moissonneuse-batteuse John Deere signe un papier, qui stipule que John Deere reste propriétaire des données des capteurs de la machine, mais qu’il les met à disposition de l’exploitant », raconte Sébastien Windsor. Avec cette stratégie, le fabricant s’assure d’avoir des éléments sur les rendements, avant les agriculteurs eux-mêmes. Or les données, dans ce cas, se monnayent chèrement sur les marchés des matières premières.

 

Du côté du syndicat majoritaire, on se réjouit de voir les instituts veiller sur les utilisations des données. « Jusqu’ici, l’agriculteur devant ces données avait deux choix, soit il était contraint de devoir abandonner ses données aux constructeurs sans avoir la maîtrise, ou alors, s’il n’y était pas contraint, il restait très méfiant », lance Henri Biès-Péré, président de la FDSEA des Pyrénées Atlantiques. Api-agro, en sécurisant les transactions de données, devrait permettre d’y voir plus clair.

Système d’abonnement

Près de 188 jeux de données se trouvent actuellement sur le site. Pour y accéder, ou pour proposer de nouveaux jeux de données, les structures doivent payer un abonnement, qui est au cœur du modèle économique d’Api-Agro. Api-agro n’est d’ailleurs pas propriétaire des données publiées, et n’a donc aucun regard sur leur fiabilité. « On ne regarde pas ce qui passe dans les tuyaux », confirme Sebastien Picardat.

 

« On a levé 1,4 million d’euros pour créer cette plateforme », rappelle Sébastien Windsor. Une levée réalisée collectivement par les actionnaires, dont l’Acta, l’APCA, Arvalis, Terres Inovia, Isagri, Syngenta ou le Geves. Toujours dans un esprit d’échange et de bénéfices mutuels, la plateforme sera gérée par trois collèges : les membres fondateurs, les acteurs privés et les acteurs publics. « Ça évite que quelqu’un embarque le système pour son intérêt propre », se réjouit Sébastien Windsor.

 

Cet agriculteur connecté, qui exploite 300 hectares en grandes cultures en Seine-Maritime, est particulièrement impatient de voir des solutions émerger à partir de la nouvelle plateforme. Chez lui, tout est surveillé grâce à des puces rfid : le niveau de ses cuves de fuel, la fertilisation azotée, comme ses utilisations de produits phytosanitaires. Or les connexions entre ces capteurs et les logiciels d’aide à la décision ne sont pas encore automatiques. « Actuellement, je dois demander un transfert de données au technicien de la chambre. Mais le jour où Api-Agro sera en route, le logiciel pourra lui-même aller chercher les données sur la plateforme. »