Le « chèque alimentation », destinée à permettre aux plus modestes d’avoir accès à des produits alimentaires français de qualité, est une mesure inscrite dans le programme d’Emmanuel Macron. Cette idée n’est pas nouvelle puisqu’elle a été repêchée parmi les propositions de la Convention citoyenne, et même déjà inscrite dans la loi Climat et Résilience à l’été 2021.

 

Le 17 avril 2022 dans l’émission Dimanche en politique sur France 3, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a assuré que ce chèque sera mis en place « dès après l’élection » en cas de reconduction du président en poste.

Des barrières pour la mise en œuvre

Mais si cette mesure est un sujet récurrent, elle n’a pourtant jamais été mise en œuvre et ce pour une bonne raison : « C’est très compliqué, je ne vous le cache pas. Une solution de ce type, il faut s’assurer qu’elle puisse fonctionner », avait expliqué le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en septembre dernier, repoussant ainsi l’exécution de la mesure.

 

Sauf que depuis, les barrières techniques n’ont pas été levées, alors que l’inflation des prix alimentaires rend le besoin plus pressant (+2,9 % en mars, après + 2,1 % en février selon l’Insee).

 

Il faut en effet répondre à deux ensembles de questions : à qui adresser ce chèque ? Et comment veiller à ce qu’il soit dépensé conformément à l’esprit d’origine, c’est-à-dire dans des produits locaux, issus de l’agriculture biologique ou durable ?

 

Sur le premier point, « l’objectif est d’abord d’aller aider ceux qui sont les plus en difficulté : les personnes aux minima sociaux, les familles qui ont les revenus les plus faibles, les étudiants », résume le député LREM Grégory Besson-Moreau, qui a travaillé sur le sujet pour la campagne d’Emmanuel Macron.

8 millions

de personnes concernées par le chèque alimentation promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne à l’élection présidentielle.

 

« L’idée, c’est de dire (que) vous avez aujourd’hui près de 8 millions de nos concitoyens qui ont du mal à avoir accès aux productions locales, aux productions de qualité, à nos productions françaises en réalité et donc il faut leur donner un coup de pouce pour les aider à acquérir cela », a déclaré Julien Denormandie.

 

Selon le premier syndicat agricole français, la FNSEA, qui soutient activement cette proposition, cela pourrait en effet concerner 7 à 8 millions de personnes qui vivent actuellement sous le seuil de pauvreté. Le dispositif pourrait être confié aux centres communaux d’action sociale (CCAS).

 

« C’est une mesure très impactante (pour les finances NDLR). Quand on parle d’un chèque de 50 à 60 euros par mois, cela représente un budget de 4 à 6 milliards d’euros (par an) », précise Gregory Besson-Moreau. L’identification du public concerné ne constitue cependant pas la principale contrainte.

Un « problème de tuyauterie »

« Ce qu’on sait faire, c’est verser en fonction du revenu pour faire face à la hausse des prix », confirme à l’AFP le Premier ministre Jean Castex. Mais s’assurer du juste emploi de l’aide, « c’est potentiellement une usine à gaz car on a un problème de tuyauterie », ajoute-t-il.

 

« Là où on a un débat », c’est sur « quels réseaux de distribution » s’appuyer, abonde Yannick Fialip, le président de la commission économique de la FNSEA. En évoquant « les réseaux des marchés, de producteurs, d’épiceries locales mais aussi de grande distribution à laquelle on demanderait de faire un effort pour matérialiser sur les plateformes de ventes les produits éligibles au chèque alimentaire avec un panier prédéfini ».

 

Dans ce cadre pourrait être instaurée une carte sur laquelle la somme sera créditée, à l’image des tickets restaurant. « Ça peut paraître le plus compliqué à mettre en place mais c’est le plus judicieux. Cela veut dire qu’on a besoin d’avoir de partenaires, dont des banques et la grande distribution », observe Grégory Besson-Moreau.

 

Ce qui nécessite un travail préparatoire important, alors que l’objectif est de faire voter et appliquer dès 2022 la mesure en cas de réélection. « On le fera », assure Jean Castex, « mais du coup l’option est que ce chèque alimentaire devienne un chèque de pouvoir d’achat », sur le modèle de l’indemnité inflation de 100 euros versée au début de l’année. Avec une portée moins vertueuse qu’envisagée.