Le 13 juillet dernier, le ministère présentait ses arbitrages faisant suite au Conseil supérieur d’orientation de l’agriculture (CSO). Si l’ambiance de travail était « très bonne, avec une vraie écoute mutuelle des parties prenantes », selon le Cabinet de Julien Denormandie, les différents syndicats n’ont pas tardé à exprimer leur satisfaction ou leur mécontentement. Cependant, tous auraient salué les avancées sociales de la future Pac, avec le droit à l’erreur et la conditionnalité sociale, selon le ministère.
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La FNSEA et l’AGPB globalement satisfaites
La FNSEA, qui prônait une Pac « équilibrée » entre « transition agroécologique et capacité d’adaptation des exploitations agricoles » a salué les décisions prises pour les écorégimes. Ces dispositifs seront « inclusifs et progressifs », même si le syndicat regrette « le choix de deux niveaux d’écorégime, conduisant à moins accompagner financièrement les agriculteurs en phase d’adaptation ».
Même écho à la section spécialisée des céréaliers, l’AGPB se réjouit de la reconnaissance de la certification environnementale HVE et CE2 + qui « permet de proposer des solutions pour le plus grand nombre ». Elle regrette néanmoins le différentiel de 22 €/ha entre le niveau standard (54 €/ha) et supérieur (76 €/ha) qui lui semble « trop important par rapport aux efforts demandés pour chacun de ces niveaux ».
La FNSEA et l’AGPB préviennent qu’elles seront « vigilantes » quant à la définition des règles de conditionnalité, « pour ne pas exclure de la production agricole des surfaces productives ».
Satisfecit enfin sur l’introduction du droit à l’erreur et l’intention du ministre de réserver les aides aux agriculteurs véritables, « avec une limite d’âge correspondant à l’âge de liquidation de la retraite à taux plein ».
L’ouverture des programmes opérationnels est également saluée par la FNSEA. Elle restera « très vigilante » quant aux dernières décisions attendues en matière de conditionnalité pour ne pas exclure de la production agricole des surfaces productives.
Les éleveurs allaitants sont les « perdants », alerte la FNB
Avec un prélèvement de 78 millions d’euros sur leurs aides couplées animales en faveur des protéines végétales, « les éleveurs allaitants seront bien les perdants de la future Pac », dénonce la Fédération nationale bovine (FNB), section spécialisée de la FNSEA.
Elle estime une baisse des soutiens au revenu du premier pilier supérieur à 20 % selon les systèmes et les territoires, et craint une « déprise de la production sans précédent, alors que 2 000 éleveurs de bovins disparaissent déjà chaque année ».
Rien ne change, se désole le Modef
Syndicat défenseur d’une agriculture rémunératrice et familiale, le Modef ne trouve pas son compte dans la nouvelle Pac : non-plafonnement des aides directes, paiement redistributif conservé à 10 %, absence d’aides aux petits producteurs, ou encore égalité entre HVE et bio, énumère le syndicat. Seuls progrès relevés dans cette réforme : l’aide couplée aux maraîchers de 0,5 ha à 3 ha, le soutien renforcé aux protéines et la nouvelle aide à l’UGB bovine.
Cela aurait pu être pire, selon la Coordination rurale
Les arbitrages du ministre « préservent globalement les équilibres en ne bouleversant pas les exploitations », et maintiennent l’enveloppe d’ICHN, salue Bernard Lannes, président de la Coordination rurale (CR). Pour autant, tempère-t-il, « cette programmation est bien loin de répondre aux attentes en matière de protection des agriculteurs et leur revenu ».
« Les choix du ministre limitent le décrochage total des fermes, mais il y aura un décrochage quand même, alerte Alexandre Armel, secrétaire général du syndicat. Ce n’est pas une Pac idéale, ni celle souhaitée par la CR, mais le résultat et les contraintes auraient pu être bien pires au regard des exigences des ONG, des institutions européennes et même de certains syndicats agricoles ».
Concernant les écorégimes et la voie de la diversification, 79 % des agriculteurs seraient éligibles, estime la CR, et 63 % auraient accès au niveau supérieur. 13 % ne seraient pas éligibles à ce stade, mais pourraient l’être en modifiant 5 % de l’assolement. 8 % ne seraient pas du tout éligibles.
Fort mécontentement de la Confédération paysanne
Les arbitrages du ministre de l’Agriculture ne trouvent pas grâce aux yeux de la Confédération paysanne, qui dénonce le manque de prise en compte des attentes sociétales exprimées dans les débats publics.
Même sur les mesures qu’elle avait défendues, la Confédération paysanne n’est pas satisfaite. L’aide couplée bovine à l’UGB, plafonnée à 120 UGB ne permettrait pas de dégager « un montant satisfaisant par animal ». Et quant à l’aide au petit maraîchage, si l’abaissement du plancher de 1 ha à 0,5 ha est une victoire, le syndicat reproche une enveloppe insuffisante et l’exclusion de l’arboriculture.
La Confédération paysanne dénonce enfin l’intégration de l’agriculture de précision dans la certification CE2 +, qui permettrait d’émarger à l’écorégime. En revanche, elle est prête à être « force de propositions » dans le futur travail de la définition de « l’agriculteur actif ».
Pour une autre Pac dénonce une réforme « irresponsable »
Le collectif Pour une autre Pac, regroupant une quarantaine d’associations environnementales, citoyennes et paysanne, dont la Confédération paysanne, dénonce « l’irresponsabilité sociale, environnementale et économique de l’orientation choisie » malgré les revendications de la société civile. Seule source de satisfaction : le bonus pour les haies, et l’accès à l’aide au maraîchage dès 0,5 ha au lieu de 1 ha.
Le collectif compte sur la Commission européenne, qui évaluera le plan stratégique national français, pour veiller à sa « cohérence avec les recommandations scientifiques, les attentes citoyennes et le pacte vert ».
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