Il fallait bien, un jour, que les ambitions deviennent concrètes : il faudra retenir que ce jour-là était le mercredi 14 juillet 2021. La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a mis sur la table son paquet climat. Ce dernier trace la feuille de route pour atteindre les objectifs, déjà annoncés, de réduction des émissions de gaz à effet de serre des Européens.

 

Le pacte vert pour l’Europe (« Green deal ») prévoit de réduire en 2030 de 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre de l’Union européenne par rapport à celles de 1990. L’objectif ultime reste la neutralité carbone en 2050. Le paquet climat présenté le mercredi 14 juillet 2021 est la traduction législative de ce régime, décliné en douze textes plus ou moins inédits. L’agriculture s’y retrouve à plusieurs endroits.

 

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L’agriculture est un puits de carbone

« La Commission reconnaît que l’agriculture et la forêt sont les seuls secteurs capables de stocker naturellement du carbone dans les sols tout en garantissant la chaîne alimentaire », se réjouit le Copa-Cogeca, représentant au niveau européen les principaux syndicats agricoles, en prenant connaissance du paquet climat de la Commission.

 

Le paquet climat augmente considérablement les objectifs de captation du carbone puisqu’ils passent de 268 millions de tonnes à 310 millions de tonnes d’équivalents CO2. L’agriculture se voit assigner un objectif de neutralité carbone dès 2035. « Restaurer la nature et permettre à la biodiversité de prospérer à nouveau constitue une solution rapide et peu onéreuse pour absorber et stocker le carbone », avance le document de la Commission européenne.

 

À ce stade, la seule mesure concrète citée consiste à planter trois milliards d’arbres d’ici à 2030. Notant aussi l’absence d’autres mesures concrètes, le Copa-Cogeca attend des précisions dans la publication du plan Carbon Farming Intiativ (une partie de l’autre stratégie structurante de ce mandat européen, Farm to fork) d’ici à la fin de l’année 2021.

Les promesses de la biomasse agricole

La Commission européenne voit dans la bioénergie, dont celle issue de la biomasse agricole, une solution pour éliminer progressivement les combustibles fossiles et « décarboner » l’Union. « À condition qu’elle soit utilisée de manière durable », précise le paquet climat.

La raréfaction des moteurs thermiques

La Commission européenne mène une action pour la transition vers les moteurs électriques ou les moteurs à hydrogène : taxation des moteurs thermiques et équipement du territoire en bornes de recharge. Le document parle essentiellement des véhicules individuels.

 

Les tracteurs semblent écartés de ce système, mais pas les véhicules utilitaires légers neufs. Malgré la demande de la France, les véhicules hybrides ne bénéficieront pas d’un délai supplémentaire avant de voir tomber le couperet. Le Copa-Cogeca a demandé que les biocarburants ne soient pas exclus des mesures permettant de réduire l’empreinte carbone du secteur du transport.

Des changements dans les engrais

La Commission affiche sa volonté de protéger les efforts des industriels européens en appliquant un mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières pour les engrais, au même titre que quatre autres secteurs « les plus polluants » (ciment, acier, électricité, aluminium). Ce dispositif doit monter en puissance entre 2026 et 2036.

 

C’est le moyen d’inclure les entreprises étrangères dans le marché du carbone sans faire de l’Europe le seul continent vertueux. Le Copa-Cogeca avait demandé que les produits agricoles soient inclus dans cette mécanique de « frontières carbone ». La Commission ne l’a pas fait bien qu’elle ait inclus les engrais. « Cette double peine injuste sera insupportable pour les agriculteurs », réagit le Copa-Cogeca.

Un effet sur le transport des produits agricoles

Une bonne partie du paquet climat se penche sur le transport des marchandises. L’aviation est clairement le secteur le plus concerné mais le transport par bateau, par lequel transite l’essentiel des produits agricoles, intègre le mécanisme de tarification du carbone dès 2023. Les gros navires (supérieurs à 5 000 tonneaux de jauge brute) qui ne se seraient pas convertis aux combustibles durables seraient l’objet de sanctions financières dissuasives.

 

Les entreprises étrangères seraient soumises à un paiement du carbone équivalent à leur présence en Europe. De façon assez mécanique, la Commission compte ainsi renforcer son mécanisme de marché du carbone et enchérir le prix du carbone. Mis en place en 2005 dans certains secteurs, ce marché avait été trop timide pour faire rapidement bouger les industries.

 

Ce paquet de propositions de la Commission doit maintenant faire l’objet d’une négociation entre le Parlement et le Conseil des gouvernements des États membres. L’issue de cette négociation constituera un paquet législatif qui s’imposera aux États. Une première loi sur le climat avait déjà acté en juin 2021 l’ambition de la neutralité carbone du continent en 2050.