Les députés ont rendu leur copie le 16 février 2022. Le rapport de la mission parlementaire sur le secteur coopératif en agriculture des députés Stéphane Travert (LREM) et Fabien Di Filippo (LR) formule 23 propositions.
« Le modèle coopératif reste d’actualité par rapport aux enjeux de l’agriculture française, tels que le renouvellement des générations, la compétitivité de l’agriculture et la rémunération des agriculteurs, l’autosuffisance et la souveraineté alimentaire. C’est un outil qu’on peut faire évoluer et auquel on peut donner des marges de souplesse supplémentaires », a déclaré Fabien Di Filippo, lors de la présentation du rapport à la presse, le 16 février 2022.
Selon les données fournies par La Coopération Agricole, il existe 2 200 coopératives sur le territoire français (chiffres de 2019). Trois agriculteurs sur quatre adhèrent à au moins une coopérative.
Les coopérateurs sèchent les assemblées générales…
Pour autant, le modèle coopératif n’est pas exempt de tout reproche, selon les rapporteurs. Il n’est « pas à l’abri de la crise de défiance qui traverse nos sociétés contemporaines », écrivent-ils. « Le lien entre les associés coopérateurs et les coopératives se distend, en particulier dans les grandes coopératives. » Ces dernières prennent de plus en plus de place dans le paysage. « Les cent premières coopératives agricoles représentent environ 85 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des coopératives françaises (71,5 milliards d’euros pour les 98 premières coopératives en 2018) », souligne le rapport.
Pour illustrer cette défiance, la mission relève la faible participation en assemblée générale en reprenant une étude de La Coopération Agricole. « Seuls 40 % des associés coopérateurs ont participé aux assemblées générales statutaires obligatoires sur les 12 derniers mois. » Dans les coopératives agricoles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 300 millions d’euros, le taux de participation moyen tombe à 20 % alors qu’il est de 50 % dans les coopératives réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions d’euros.
À ce défaut de participation se rajoutent les difficultés rencontrées par les conseils d’administration pour se renouveler et pour susciter des vocations chez leurs coopérateurs. Les administrateurs des coopératives agricoles sont à 90,3 % des hommes, dont l’âge moyen est de 51 ans selon le rapport.
… et se sentent déconnectés
Cette absence de participation des associés coopérateurs à la gouvernance de leur coopérative est sans doute la conséquence « d’un sentiment de déconnexion entre leurs intérêts et ceux de la coopérative », précise la mission parlementaire. Le rapport souligne notamment un risque de « décrochage » des administrateurs par rapport aux organes de direction de la structure. Au point que « certains syndicats agricoles vont jusqu’à déplorer une prise de pouvoir les directeurs et l’exécutif », ajoutent les rapporteurs. La faute à un manque de formation. « 43 % des administrateurs n’en ont jamais suivi » et « seules 39 % des coopératives ont organisé au moins une formation des administrateurs au cours des trois dernières années ».
Des tensions du côté des associés coopérateurs sont aussi mises en exergue. Le cœur des critiques exprimées se concentre sur la masse d’informations difficiles à décrypter, des choix de gestion parfois incompris et sur la création et la répartition de la valeur. Même si ce dernier point concerne plus largement l’ensemble du monde agricole qui est « traversé par un problème de rémunération insuffisante des agriculteurs ». « Un certain nombre d’associés coopérateurs peuvent avoir le sentiment d’être mieux traités dans le cadre d’une relation commerciale avec un fournisseur ou un négoce, qui garantit également une relation plus libre (modalités plus souples de résiliation du contrat, pas de règles d’apport total) mais aussi plus incertaine (pas d’engagement de collecte, perte de l’ensemble des bénéfices propres au modèle coopératif) », ont observé les rapporteurs.
Miser sur les assemblées de sections
Pour répondre à ces problématiques, les propositions des deux rapporteurs font état de trois objectifs principaux : « rénover la gouvernance et les outils de régulation » des coopératives, les rendre plus attractives auprès des agriculteurs et de leur permettre d’être plus compétitives sur les marchés « afin d’assurer la pérennité du modèle coopératif ».
De manière plus concrète les députés suggèrent notamment de développer les instances de dialogue locales comme les assemblées de section, de mettre en place des outils qui rendent les assemblées générales plus attractives, par exemple par une meilleure communication en amont ou une dématérialisation permettant de faire participer davantage de coopérateurs.
Les députés veulent favoriser le renouvellement et la représentativité, notamment des femmes et des jeunes, au sein des conseils d’administration par un système de mentorat d’administrateurs stagiaires et en instaurant l’obligation de réserver un certain nombre de sièges à des femmes. Ils suggèrent aussi de généraliser la formation des administrateurs.
Un autre point touche en particulier les relations entre le coopérateur et sa coopérative. Les députés proposent d’assouplir la contrainte liée à la durée limite d’engagement initial d’un coopérateur (qui n’est aujourd’hui pas précisée dans le code rural) la fixant par exemple à dix ans et aussi de plafonner les sanctions possibles en cas de retrait anticipé d’une coopérative, « qui peuvent s’avérer particulièrement dissuasives » actuellement.
Un gendarme plus fort
Les députés estiment par ailleurs que le rôle du Haut-conseil de la coopération agricole (HCCA) doit être renforcé, pour en faire une « véritable autorité de régulation », en lui donnant davantage de moyens, notamment humain. Les députés appuient aussi pour que le HCCA ait un pouvoir de sanction plus, mais aussi dans son pouvoir de sanction. Ils considèrent aussi que le rôle du médiateur de la coopération agricole doit être mieux connu et qu’il faut améliorer la communication sur son rôle.
La Coopération Agricole estime que c’est un rapport « objectif, équilibré et constructif » et déclare s’être déjà plus particulièrement emparée de deux sujets : identifier des solutions pour une plus grande participation des adhérents notamment lors des assemblées générales et dynamiser le renouvellement des conseils d’administration.
En réaction à ce rapport, la Fédération nationale bovine (FNB) a concentré son regard sur le respect des obligations de transparence vis-à-vis des adhérents. « En 2021, 37 % seulement des coopératives ayant envoyé leur dossier annuel de contrôle au HCCA avaient communiqué des indicateurs de référence à leurs associés coopérateurs. Une obligation qui découle, pourtant, de l’ordonnance de 2019 prise en application de la loi Egalim 1 », note la FNB, qui ajoute que la loi Egalim2 impose de surcroit aux coopératives d’informer, en fin de campagne, leurs adhérents sur la « pondération » faite de ces indicateurs. Pour Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine : « Dans le contexte de marché inédit que nous connaissons, propice à la création de valeur pour les éleveurs et à un changement de pratiques vers plus de transparence, il serait incompréhensible que nos outils coopératifs soient les derniers à appliquer la loi. »