Les députés ont adopté par 93 voix contre 1, et une abstention, une proposition de loi du MoDem en ce sens en première lecture. Le texte doit désormais être examiné par le Sénat dominé par la droite, ce qui paraît peu probable sous ce quinquennat compte tenu du calendrier parlementaire déjà chargé.

Une loi portée par Richard Ramos

Son auteur, le député centriste du Loiret Richard Ramos, s’est félicité de ce vote « historique » d’un texte « humaniste », constituant une « réponse concrète à la malbouffe, qui touche surtout les plus pauvres ».

 

« Je suis content que, ici, de façon presque unanime, on fasse le combat pour les pauvres, a-t-il lancé à l’issue du vote. Parce que c’est cela qu’on est en train de voter. Quand on voit que Les Républicains lorsque l’on parle de l’alimentation des pauvres sont absents et que nos amis là, de La France insoumise ne prennent pas le chemin de la bonne alimentation pour les pauvres, je le regrette. »

 

Richard Ramos, le député du Modem du Loiret, qui portait la proposition de loi. © Assemblée nationale
Richard Ramos, le député du Modem du Loiret, qui portait la proposition de loi. © Assemblée nationale

En soutien, le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, au nom du gouvernement, a aussi souligné le « risque d’une alimentation à deux vitesses », alors que les gammes sans nitrites, plus chères, se développent.

Les charcutiers satisfaits

Les charcutiers traiteurs, réunis sous la houlette de leur syndicat, la Fict, ont « salué » la décision de l’Assemblée. Le syndicat « se félicite que l’Assemblée nationale remette la science au cœur des décisions de santé publique ».

 

La Fict rappelle qu’« aucune évaluation scientifique n’est actuellement disponible pour pouvoir affirmer qu’une interdiction des nitrites ne condamnerait pas les consommateurs à des risques sanitaires graves, alors que leur usage est recommandé par l’Anses pour les protéger des maladies microbiennes ».

 

Historiquement, les charcutiers recourent aux composants nitrés pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes à l’origine notamment du botulisme.

 

À lire aussi : Interdire les nitrites ajoutés, une loi sans l’avis de l’Anses ? (20/01/2022)

Dans l’attente de l’avis de l’Anses

La proposition de loi prévoyait initialement une interdiction par étapes de ces additifs nitrés d’ici à 2025. Mais elle a été réécrite en commission, sous la houlette du ministre de l’Agriculture Julien Denormandie qui a souhaité avancer avec « méthode ». Il veut attendre l’avis de l’agence sanitaire Anses, qui était prévu en 2021 puis reporté à juin prochain.

 

Ainsi, un an après la promulgation de la loi, et en fonction de l’avis de l’Anses, un décret devra fixer « une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine ». Ce décret pourra aussi « fixer une liste et un calendrier » d’interdiction de commercialisation de produits incorporant ces additifs.

Un étiquetage spécifique en vue

En outre, dans les dix-huit mois, un étiquetage spécifique de ces produits sera élaboré.

« Nous veillerons à accompagner la filière », ont promis dans l’Hémicycle l’ensemble des orateurs.

 

« La France produit les meilleurs cochons du monde », a aussi affirmé Richard Ramos, qui fabrique en amateur sa propre charcuterie et dont « l’opiniâtreté » a été saluée par ses collègues.

Certains, comme la socialiste Cécile Untermaier, auraient souhaité aller « plus vite et plus loin » contre les additifs nitrés.

 

Mais « nous ne pouvons pas anticiper des avis scientifiques sans fragiliser nos décisions », a-t-elle relevé, soulignant que l’enjeu était de s’assurer que le texte « ne reste pas lettre morte ». « Nous ne jouerons jamais avec la santé des Français », a affirmé Célia de Lavergne pour le groupe LREM.

 

L’insoumis Loïc Prud’homme, qui a voté contre le texte, a mis les pieds dans le plat : « Qu’est-ce que c’est quelques cancers quand on peut se faire quelques millions d’euros ? » Il a dénoncé avec force le lobbying notamment de la Fict, et une expertise « biaisée » de l’Anses. La proposition de loi a été, selon lui, « complètement vidée de son contenu et de sa portée ».