Ancien président de Jeunes Agriculteurs, le député européen Jérémy Decerle, accompagné d’une douzaine d’eurodéputés, interpellent la présidente de la Commission européenne dans un courrier daté du 15 avril 2020.

 

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Selon vous, face à la crise liée au coronavirus, la Commission n’apporte pas assez de réponses au secteur agricole…

On craint que les commissaires aient le sentiment que, puisque le secteur agricole n’est pas à l’arrêt, c’est qu’il n’a pas besoin d’aide urgente. Or il y a quand même des marchés déstabilisés, et des productions perturbées.

 

Je pense par exemple au secteur laitier. On est en saison de haute production, avec un risque de surproduction, donc de baisse des prix… Certains producteurs pourraient ne pas s’en sortir.

En viande bovine, la consommation a évolué avec le confinement : les parties arrière consommées au restaurant ne trouvent plus preneur alors que la demande en steak haché explose : mais on ne vend pas des steaks hachés au même prix que des entrecôtes, donc on ne paye pas les producteurs pareil. D’autres secteurs comme le vin, l’horticulture sont gravement touchés.

 

Que demandez-vous précisément à la Commission ?

On souhaite tout d’abord que tous les verrous administratifs ou réglementaires qui empêchent les producteurs de s’organiser puissent sauter. C’est le cas par exemple des verrous du droit de la concurrence.

On demande aussi que les mesures de gestion de crise existantes soient déclenchées, et qu’elles soient déclenchées à temps ! La Commission veut prendre le temps d’évaluer l’impact potentiel de ces mesures sur les marchés, mais si les professionnels des filières, qui se réunissent une à deux fois par semaine, les réclament, c’est qu’ils savent qu’ils en ont besoin !

 

Vous pensez notamment au mécanisme de réduction volontaire de la production, pour le secteur laitier ?

Bien sûr, il y a des mesures de régulation de la production à activer, même si le terme de régulation a mauvaise presse depuis quelques années ! On demande aussi des aides au stockage privé. Et à crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles : c’est l’occasion de réfléchir et d’inventer de nouvelles mesures, auxquelles on n’aurait encore jamais pensé.

Par ailleurs, il y a des produits étrangers qui arrivent sur nos marchés et bloquent la commercialisation des nôtres. On demande que la Commission soit vigilante, et que les négociations commerciales internationales soient suspendues pour le moment.

 

Le commissaire européen à l’Agriculture évoque le manque de budget. Souhaitez-vous que la réserve de crise (financée sur le budget de la Pac) soit débloquée ?

On sait que cette réserve existe, pourquoi pas l’utiliser… Mais on veut aussi que le secteur agricole ne soit pas oublié dans les aides financières plus générales qui seront débloquées par l’Union européenne. Tout ne peut pas être supporté par le budget de la Pac.