Les ministres européens de l’Environnement se sont entendus le jeudi 16 mars 2023 à Bruxelles pour restreindre drastiquement le nombre d’élevages auxquels s’appliquera une loi de l’Union européenne imposant des seuils maximaux d’émissions polluantes. Cette position des Vingt-Sept fera l’objet de négociations avec le Parlement européen en vue de finaliser le texte.

Un périmètre jugé trop large pour une partie des Vingt-Sept

La Commission européenne avait proposé en avril 2022 de durcir sa directive sur les « émissions industrielles », qui impose à 30 000 usines et 20 000 élevages porcins et volailles des normes strictes de rejets de polluants néfastes (oxyde d’azote, méthane, ammoniac via le lisier…).

Elle proposait d’étendre cette réglementation aux élevages de bovins, de porcins et de volailles comptant plus de 150 « unités gros bétail », soit 150 vaches adultes, 10 000 poules, 500 porcs ou 300 truies environ. Bruxelles assurait alors que cela concernait 185 000 exploitations, responsables de 60 % des émissions d’ammoniac et 43 % des émissions de méthane du secteur.

Une partie des États membres était opposée à un périmètre aussi large.

Une « flexibilité nécessaire » pour la souveraineté alimentaire

Le jeudi 16 mars, la secrétaire d’État française Bérangère Couillard a mis en garde contre le risque d’affaiblir la « souveraineté alimentaire » en imposant aux éleveurs de l’Union européenne des « contraintes telles qu’elles favorisent in fine ceux de pays tiers » aux normes moins strictes.

Dans leur position, les ministres de l’Environnement relèvent donc les critères, proposant d’appliquer le texte aux élevages d’au moins 350 « unités gros bétail » pour les bovins et les porcs, et 280 pour les volailles. À cela s’ajoute une mise en œuvre très progressive pour les plus grandes exploitations et une exemption complète pour l’agriculture extensive.

Les États acceptent par ailleurs d’étendre la législation au secteur minier, mais plaident pour qu’elle ne soit pas contraignante pour les sites industriels déjà soumis au marché carbone européen (ETS).

Plus généralement, le compromis accorde aux États « la flexibilité nécessaire pour adapter les dispositions sur les sanctions et indemnisations pour atteinte à la santé », prévoit des dérogations « en cas de grave perturbation des approvisionnements en ressources ou équipements essentiels », et « réduit les charges administratives », selon un communiqué.

« Seuls 3 % des élevages bovins » seraient concernés

« C’est un bon équilibre entre les différents intérêts, avec un niveau élevé de protection environnementale tout en garantissant des règles du jeu équitables » et « en assurant la croissance de nos économies », a estimé la ministre suédoise Romina Pourmokhtari, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union européenne.

À l’inverse, le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, a fustigé l’édulcoration du projet : la position des États « réduit sensiblement l’ambition […] sur les sanctions et indemnisations, ainsi que sur la lutte contre les pollutions des plus gros élevages. Avec ce texte, seuls 3 % des élevages bovins de l’Union européenne seraient concernés », sur la base des chiffres de 2020, s’est-il indigné.

« Certains des gros élevages ne seront pas couverts, alors qu’ils sont une source majeure d’émissions d’ammoniac », a-t-il déploré.