Les prix des céréales repartent à la baisse cette semaine alors que, pourtant, les chargements accélèrent fortement dans les ports. Le colza, quant à lui, résiste, mais il risque de subir bientôt l’influence baissière du soja.

Le blé bloqué sous les 190 €/t sur Euronext

Déception cette semaine du côté de l’exportation puisque la France n’a pas réussi à accrocher de demande égyptienne ; c’est le blé américain qui a remporté le dernier appel d’offres avec 120 000 tonnes de blé de qualité meunière (SRW). Cet épisode illustre la compétition frontale entre les origines française et américaine sur cette destination alors que l’origine russe est maintenant hors jeu. L’Égypte vient de remettre en place un délai de paiement de 180 jours sur ses achats si bien que les opérateurs ont dû intégrer dans leur prix une prime liée à ce délai.

 

Un autre facteur marquant de la semaine est l’aggravation de la situation aux États-Unis, avec la poursuite des inondations dans le Midwest (blé d’hiver) et des quantités de neige encore importantes dans les États du nord du pays où est cultivé le blé de printemps. Cette situation risque d’y retarder les semis de printemps et d’endommager aussi les blés d’hiver.

 

Malgré tout, les blés américains ont vu leur prix s’affaisser cette semaine car les sorties hebdomadaires à l’exportation sont faibles par rapport à l’objectif encore affiché par l’USDA, le ministère américain de l’Agriculture. Il en est de même dans l’Union européenne où malgré l’attractivité des blés du Nord, allemands entre autres, pour l’Arabie, les déclarations hebdomadaires des douanes restent très timides.

 

Cette situation a pesé sur les prix cette semaine si bien que les blés rendu Rouen ont perdu 4 €/t à Rouen et 3 €/t à La Pallice (à 180 €/t pour les deux places, en base juillet). En revanche, les prix de la nouvelle récolte ont gagné 1 €/t en raison de la situation sèche dans plusieurs régions françaises.

 

Il n’en reste pas moins que les ventes bouclées précédemment vont se traduire par de gros volumes de chargement au départ des ports français au cours des prochaines semaines et que cela devrait stopper la baisse à court terme.

Dégonflement en orge

Les prix de l’orge retombent aussi cette semaine et plus nettement que ceux du blé. Ils abandonnent 6 €/t rendu Rouen, à 163-164 €/t base juillet, et 1 €/t en Moselle, à 163 €/t. L’orge a probablement subi l’influence du blé, mais surtout, après la forte hausse de la semaine dernière, les prix retombent car il apparaît que les chargements français, et européens, dans le cadre de l’achat récent de l’Arabie, ne seront pas nombreux.

 

Nous pensons que l’on ne peut exclure un ou deux bateaux car les orges françaises étaient compétitives avant leur montée de la semaine dernière. Toutefois, ce serait plutôt les expéditions en cours vers l’Iran et la Chine qui ont le plus poussé les prix vers le haut et la pression redescend maintenant.

 

Cette pression retombe aussi pour les orges d’hiver brassicoles de l’ancienne récolte qui viennent de perdre 3 €/t, à 165 €/t Fob Creil, mais elle se maintient pour toutes les variétés brassicoles sur la nouvelle campagne. Pourquoi ? À cause de la forte demande concentrée sur l’ouest de l’Union européenne, les ventes du Royaume-Uni étant bloquées par les incertitudes du Brexit.

Le maïs toujours comprimé

Le maïs français a encore perdu de la valeur cette semaine : –2 €/t, à 157 €/t Fob Rhin et 162 €/t Fob Bordeaux. Il est obligé de suivre le prix des autres céréales, d’une part, et la tendance mondiale, d’autre part. Or, cette dernière était de nouveau baissière cette semaine avec :

  • Les bonnes perspectives de production en Amérique du Sud, 12 % de la récolte argentine étant déjà réalisés et les rendements sont bons ;
  • La chute du peso, les maïs argentins viennent de perdre 7 $/t ;
  • La retombée de la bouffée d’air apportée la semaine dernière par les achats chinois de maïs américains.

Seul facteur haussier en vue : les inondations dans le Midwest américain qui pourraient entraîner un retard des semis de maïs américain pour la récolte de 2019. Il conviendra de bien suivre les premières estimations de semis que l’USDA va publier ce soir.

Le colza français résiste mais jusqu’à quand ?

Comme mentionné la semaine dernière, le mouvement de baisse du canola canadien s’est amplifié : ce dernier a perdu 4 US $/t cette semaine sous l’effet de l’arrêt des importations de la Chine en provenance du Canada, faisant suite à la récente interdiction imposée par la Chine à deux des principaux exportateurs canadiens, Richardson International et Viterra.

 

Les autres exportateurs peuvent encore théoriquement avoir accès au marché chinois, mais les acheteurs ont arrêté tout achat auprès de leurs partenaires canadiens par crainte que les bateaux ne puissent arriver à bon port, ou soit bloqués au déchargement. Par ailleurs, les prix ukrainiens ont chuté aussi, suite à des bonnes perspectives pour la récolte à venir.

 

Malgré tout, les colzas français ont plutôt bien résisté : leur prix est resté assez stable cette semaine, à 352 €/t rendu Rouen et 359 €/t Fob Moselle. Les prix français ont été soutenus par la baisse de l’euro face au dollar mais aussi par le maintien d’une prévision en nette chute de la récolte de colza française cet été. La reprise de l’activité dans plusieurs usines de trituration de Saipol après une période d’arrêt due à des grèves a aussi soutenu les prix, les outils fonctionnant à pleine capacité désormais.

 

D’ici à la fin de la campagne, la situation européenne s’annonce plutôt confortable si bien que, dans un contexte mondial de baisse des prix du colza et de lourdeur extrême en soja, il apparaît difficile que les colzas français puissent échapper encore longtemps à la tendance baissière qui s’est développée ailleurs. Sauf bien sûr, si le temps sec perdurait trop longtemps ou si la Chine poursuivait des achats d’huile européenne pour pallier sa chute de trituration, faute d’approvisionnement.

Une trituration élevée de tournesol

Le tournesol standard est encore resté stable cette semaine à 325 €/t à Saint Nazaire, alors que les graines ukrainiennes ont continué de pousser leur prix en baisse de 5 $/t à moins de 360 $/t. Les prix dans l’Union européenne sont tiraillés, d’une part, par la forte demande industrielle confirmée par les dernières statistiques de trituration et par la tendance baissière en mer Noire, d’autre part.

 

Néanmoins, le bilan européen étant assez fragile, avec des stocks inférieurs à ceux de l’an dernier, il est probable que les prix français restent soutenus, voire augmentent d’ici à la fin de campagne (sauf trop forte pression baissière du colza ou du soja).

Tendance baissière en soja

Après la petite hausse de la semaine dernière, le soja reperd du terrain cette semaine à Chicago (–6 $/t, à 327 $/t). Il retombe après le soutien exercé la semaine dernière par des achats chinois. Le marché est anxieux concernant les négociations sino-américaines qui n’en finissent pas. Par ailleurs, les prix argentins se sont effondrés au cours des derniers mois et la baisse récente du peso argentin face au dollar est venue renforcer cette baisse.

 

Au Brésil, la prévision de production remonte légèrement suite à la prise en compte de l’effet bénéfique des pluies du mois de mars sur les cultures qui souffraient d’un déficit hydrique au Paraná et dans le Mato Grosso. En Argentine, la situation des cultures reste globalement encourageante à l’échelle du pays, malgré un déficit hydrique dans le centre et le sud-ouest de la région de Buenos Aires ainsi que dans le sud-est de La Pampa. La récolte vient juste de débuter dans la région de Buenos Aires.

 

Le bilan mondial du soja était déjà très lourd et il s’alourdit encore plus à cause de la réduction de la consommation de tourteaux en Chine, faisant suite à l’effondrement des cheptels porcins dû à la peste porcine africaine. Le prix des tourteaux de soja a justement abandonné 10 $/t cette semaine à Chicago.

 

La baisse des prix a été modérée dans l’Union européenne (stabilité à Montoir à 323 €/t) faisant suite à l’appréciation du dollar face à l’euro mais les cotations européennes continueront de varier en fonction des cours mondiaux des tourteaux et de la fève de soja, c’est-à-dire plutôt à la baisse, sur le court et le moyen terme.

 

Tiré par le blé et un environnement baissier en soja, le pois a perdu 5 €/t cette semaine (à 190 €/t départ Marne).

À suivre : crise sanitaire en Chine, les surfaces américaines publiées par l’USDA ce soir, inondations et situation hydrique aux États-Unis, météo en Afrique du Nord