584 000 vaches allaitantes de moins, c’est ce que la filière française des bovins à viande pourrait compter « en l’absence de toute évolution dans les exploitations pérennes », dévoile une étude de l’Idele, financée par l’interprofession du bétail et des viandes (Interbev) et la Confédération nationale de l’élevage (CNE).
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Une érosion jusqu’à 2 % par an
Lors du congrès d’Elvea France, Christophe Perrot, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele), a présenté les évolutions possibles du cheptel de vaches allaitantes en France à partir de la démographie agricole.
« Si on ne parvient pas très vite à trouver des solutions de remplacement des actifs dans les exploitations individuelles et sociétaires, le nombre de vaches de races à viande pourrait continuer de s’éroder jusqu’à 2 % chaque année », a-t-il prévenu.
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50 000 chefs d’exploitation d’ici à dix ans
« À l’horizon de 2030, il pourrait rester environ 50 000 chefs (et coexploitants) dans les exploitations non laitières élevant au moins 20 vaches, relate l’étude. Un effectif en baisse de 14 % par rapport à l’estimation pour 2021. »
« On remarque une concentration relative des actifs et du cheptel dans les zones de montagne ou sèches, territoires où la conversion à des activités agricoles autres que l’élevage allaitant n’est pas possible », explique Christophe Perrot.
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Des disparités régionales
Dans ses projections de 2021 à 2030, l’Idele table sur une augmentation du nombre de chefs d’exploitation à hauteur de 4 % en zones de haute montagne tandis qu’il reculerait partout ailleurs dans les grandes zones d’élevage, de façon plus ou moins marquée.
La baisse serait par exemple de 22 % (23 % en nombre de vaches) dans la zone intensive du Grand Ouest alors qu’elle pourrait être de 16 % dans la zone herbagère du nord du Massif-central en nombre de chefs et 19 % en nombre de vaches (voir les infographies ci-dessous).
« Cette baisse de cheptel inédite pour cette grande zone d’élevage allaitant proviendrait d’arbitrages défavorables dans les nombreuses formes sociétaires (Gaec) dans lesquels une partie des associés ne sera pas remplacée », explique Christophe Perrot.
« Ces trajectoires d’évolution confirment bien le ressenti des éleveurs sur le terrain. Ceux qui ont la possibilité de se tourner vers les cultures arrêtent leur atelier bovin », concède Philippe Auger, président d’Elvea France.


Les 50 000 éleveurs restants sont-ils susceptibles de mettre en place des trajectoires d’évolution permettant de compenser ce déficit projeté à près de 584 000 vaches allaitantes ? « A ce stade, la relève n’est pas assurée pour le cheptel allaitant », confie Christophe.
D’après la BDNI (1), « les exploitations pérennes entre la fin de 2017 et la fin de 2020 ont perdu en moyenne 0,7 vache. La proportion d’exploitations en croissance ne cesse de chuter. Elle est aux alentours de 60 % actuellement sur six ans. Au maximum de 2006 à 2016, les exploitations présentes avaient augmenté leur cheptel de 11,5 vaches par exploitation », indique le rapport.
« Pour stabiliser le cheptel à l’horizon de 2030, il faudrait rééditer cette performance non plus par exploitation mais par coexploitant (2). Cela paraît très improbable, notamment avec des chefs plus âgés qu’en 2006 et une force de travail salariée qui stagne dans les exploitations. »
Un taux de remplacement faible
Si les installations annuelles de nouveaux chefs d’exploitations en bovins à viande sont relativement stables depuis 2010, elles restent « insuffisantes pour remplacer les nombreux départs consécutifs au vieillissement. Au niveau national, 83 % des départs ont été compensés en moyenne de 2016 à 2018 », calcule l’Idele.
« Ce taux de remplacement est plus faible dans de grands bassins de production allaitants comme les Pays de la Loire ou la Bourgogne (deux tiers) ou même le Limousin (trois quarts). Il est plus élevé dans les zones difficiles sans alternative agricole ou dans des zones de polyculture-élevage plutôt laitières dans lesquelles les conversions lait-viande se poursuivent (également par défaut de main-d’œuvre), en général avec une réduction de la place de l’élevage », analyse Christophe Perrot.
Les faibles revenus perçus dans ce secteur et les capitaux élevés à immobiliser restent la principale barrière à l’installation. La combinaison avec une activité non agricole (souvent salariée) est une option retenue pour résoudre ces difficultés par 45 % des nouveaux installés en individuel, avec des cheptels de 15 à 55 vaches suivant la place de l’activité agricole.
« Néanmoins, l’avenir reste à écrire. La baisse de la production qui se dessine pourrait favoriser une hausse des prix et des revenus et un scénario de type « moins mais mieux » au niveau de la consommation à condition que les importations se fassent dans des conditions équitables », reprend le spécialiste.
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(1) Base de données nationale d’identification animale (BDNI).
(2) En moyenne, l’Institut de l’élevage dénombre 1,32 coexploitant par exploitation non laitière de plus de 20 vaches.