«Nous avons des cultures, alors autant fabriquer notre aliment ! », lance Karine Millet. Cette éleveuse, installée à Crézancy-en-Sancerre (Cher), dispose de 100 ha de céréales, 55 ha de prairies et 4 ha de vigne. Avec un pied dans le vin et un dans la viande, elle élève 45 mères charolaises. « Le fumier des bovins sert pour fertiliser les vignes », explique l’agricultrice qui a repris la ferme, il y a cinq ans, après le décès de son père.
Un aliment « maison »
Deux ans après son installation, elle analyse le système d’exploitation pour diminuer les charges. Elle dispose de cultures (blé, orge, colza, triticale), et décide de se lancer dans la fabrication d’un aliment « maison », sans irrigation, ni équipement pour le broyage. Le conseiller de la chambre d’agriculture du Cher, Yvan Lagrost, l’appuie pour le rationnement, d’abord pour les vaches et les génisses. Elle sème 7,5 ha de luzerne et 4 ha de pois protéagineux qui conviennent aux sols argilo-calcaires. Puis elle s’attaque à un aliment plus technique, celui des broutards en implantant 2 ha d’épeautre, 5 ha d’avoine et 5 ha de triticale.
Les céréales sont réceptionnées sur une plateforme, sous un bâtiment, séparées par des ballots de paille. Karine emprunte le bol mélangeur d’un voisin et stocke son mélange dans une seule cellule. Au printemps, elle fait appel à la Cuma pour écraser les graines avec un aplatisseur mobile. « Il faut bien une demi-journée pour tout aplatir et les mettre en big-bag. L’organisation progresse avec les années », ajoute-t-elle. Les big-bag sont apportés au champ, dans les nourrisseurs, en fonction des besoins. Karine garde 1,2 t d’épeautre seul pour en distribuer une poignée par jour dans l’auge des veaux.
Croissances maintenues
Lors de la mise à l’herbe, l’exploitante commence à complémenter les mâles avec un mélange : 39 % d’épeautre, 10 % d’avoine, 10 % de triticale, 20 % de pois, 20 % de correcteur azoté à 40 % de matière azotée totale (MAT) et 1 % de minéraux. « La première année, j’ai suivi des recommandations des fermes expérimentales. Aujourd’hui, je limite à 30 % d’épeautre et mets davantage de triticale (19 %). » Le complément azoté limite la quantité d’amidon et diversifie les sources de protéines.
L’éleveuse est satisfaite de son mélange. « Je n’ai pas eu de problème sur mes veaux lors du passage à l’aliment fermier. Leurs croissances se sont maintenues aux alentours de 1 450 g/j à l’âge de huit mois lors de la pesée de fin août, avec des pics jusqu’à 1 600 g/j lors de la période estivale. » En outre, elle estime à environ 20 € l’économie par rapport à un aliment acheté (250 €/t), avec la prise en compte de la main-d’œuvre pour les céréales. Cela donne à l’agricultrice de la flexibilité pour la commercialisation de ses bovins. « Mes achats se limitent à 3 t de complément azoté par an et à un peu de minéral. Comme j’ai du stock, je peux attendre que les prix du marché soient corrects pour vendre mes bêtes. Je connais la qualité de mon aliment et je peux le tracer très facilement. C’est un bon argument pour la vente directe ! », conclut Karine.
Aude Richard