500 foyers touchés en Vendée, au 18 mars 2022. Contre 187 au 10 mars. Plus de 7 millions de volailles abattues. Avec la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et les Deux-Sèvres, il faut ajouter au moins 100 foyers supplémentaires de grippe aviaire. C’est l’hécatombe !

« La maladie est foudroyante »

Même le Sud-Ouest exposé depuis six ans à la maladie n’a pas connu une telle vitesse de propagation. Des analyses sont en cours pour tenter de comprendre le phénomène. Différentes souches du virus de la grippe aviaire auraient d’ores et déjà été détectées sur les volailles contaminées. Les analyses sont en cours.

 

« Je ne connais pas d’agriculteurs autour de moi dont l’élevage n’a pas été touché par la maladie, raconte un exploitant. Seuls ceux qui se sont retrouvés par hasard en vide sanitaire dans cette période, ou qui sont parvenus à faire partir leurs bêtes avant, ne sont pas atteints. »

 

« C’était impossible que je ne l’attrape pas, mais je crois que j’espérais quand même passer au travers », poursuit un autre, qui, depuis le 17 mars 2022, sait son élevage contaminé. Tous ceux qui témoignent dans cet article ont choisi de rester anonymes en attendant les mesures d’accompagnement de l’État.

 

Tous sont abasourdis. Certains viennent juste de s’installer, d’autres ont mis en place il y a trente ans cet atelier complémentaire pour s’assurer un meilleur revenu. Il est devenu au fil du temps parfois majeur. Aucun n’a connu une situation aussi dramatique.

 

> À lire aussi : Grippe aviaire, des complications dans la gestion des abattages (16/03/2022)

Les élevages de canards touchés en premier

Les élevages de canards ont été les premiers touchés il y a une quinzaine de jours. Ont suivi ceux de dindes. Et depuis environ une semaine, les poulets tombent les uns après les autres. « La maladie est foudroyante, décrit un agriculteur parmi les premiers touchés. La veille, j’avais trouvé les canards un peu nerveux, le soir, ils s’alimentaient mal, le lendemain matin, une majorité avait déjà succombé. »

 

« Même nos collègues du Sud-Ouest n’en reviennent pas de l’agressivité du virus », poursuit-il. 17 000 tonnes de cadavres ont été comptabilisées en Vendée depuis le début de l’épidémie. « Je n’ose plus y aller, regrette l’agriculteur. Je viens d’apprendre qu’ils étaient tous positifs. »

« La priorité est de retirer les cadavres d’animaux au plus vite »

Face à l’ampleur de la catastrophe, l’État aurait dépêché quatre équipes supplémentaires chargées de l’euthanasie des animaux malades. Mais les services qui opèrent aujourd’hui ne suffisent plus, nombreux éleveurs doivent en effet faire face, seuls, à l’épidémie, en particulier pour le ramassage des cadavres.

 

« C’est terrible. Ça fait huit jours que j’attends de les voir venir. Je ne sais plus comment faire. » Les éleveurs patientent huit, dix, voire 15 jours pour au moins trois d’entre eux. « C’est très difficile à vivre. Je vois beaucoup de mes collègues flancher, même parmi les plus costauds. La priorité serait qu’au moins les cadavres soient retirés au plus vite », explique l’un d’eux.

 

Les capacités d’abattage des volailles et d’équarrissage déployées par la direction départementale de protection des populations (DDPP) sont dépassées. Et désormais, les éleveurs sont contraints d’enfouir eux-mêmes leurs animaux, après le passage d’un hydrogéologue pour ne pas risquer de contamination supplémentaire. « Je n’ai pas pu le faire, je n’y arrivais pas. Heureusement un voisin est venu m’aider à creuser une fosse, puis on a mis la chaux. »

 

« Il était hors de question que je m’en occupe, poursuit un autre. Faudrait en plus faire le sale boulot. J’ai vu comment ça a traumatisé mon voisin au début de la semaine. »

« Ma famille et des collègues sont venus m’aider à les enterrer »

« Tous les matins, il passe devant. Ça n’est pas humain », dénonce l’épouse d’un éleveur. « Ma famille et des collègues sont venus m’aider à les ramasser puis à les enterrer », poursuit un autre. Une solidarité entre agriculteurs s’est mise en place. Des éleveurs de bovins viennent notamment aider des collègues dont l’élevage a été touché par la maladie.

 

Les Cuma s’organisent aussi pour accompagner ceux dont les élevages sont atteints. Certains télescopiques servent notamment à ramasser les cadavres d’animaux. La chambre d’agriculture et les syndicats se relaient auprès des éleveurs. Certaines coopératives s’activent, d’autres ont traîné avant d’informer leurs adhérents. « Même la préfecture n’a rien dit les premiers jours alors qu’on voyait les élevages tombés les uns après les autres. Ce temps-là, du silence total, a été très long », explique un éleveur.

 

Les équipes locales de la MSA accompagnent aussi les éleveurs. « Le problème, en plus de voir nos bêtes mourir, c’est qu’on a du mal à se projeter. Comme pour le Sud-Ouest, on a aucune garantie que la maladie ne revienne pas… Comment faire sans vaccin, tout en sachant que certains marchés se fermeront si nos bêtes sont vaccinées ? s’interroge un agriculteur. Mon fils vient de s’installer, il ne fait que de la volaille. Je suis très inquiet pour lui. »

Manque d’informations sur les indemnisations

Pour les rares éleveurs qui n’ont pas été touchés par la maladie, la pression est aussi forte : « L’objectif est d’essayer d’aller jusqu’à la fin de la bande. Mais en Vendée à partir de la mi-avril, quoi qu’il arrive, on nous a dit que les élevages s’arrêteront pour assainir la situation. »

 

Du côté de l’indemnisation, « on ne sait pas grand-chose, regrette un éleveur. Alors on regarde ce qui se fait dans les Landes. La plupart aurait déjà touché un acompte. Pour le solde, c’est un peu plus compliqué. Et comment ça va se passer pour ceux qui n’ont pas eu la grippe aviaire mais qui vont être contraints comme les autres de laisser leur bâtiment vide pendant plusieurs mois ? A priori, tout ce qui concerne le vide sanitaire est un peu plus compliqué. »

 

La DDPP assure pour les éleveurs touchés, une avance de 75 % de la valeur des animaux puis le solde après transmission d’un dossier réalisé par l’éleveur et son groupement. Des discussions sont en cours concernant les aides pour les vides sanitaires. Les éleveurs de poules pondeuses devraient par ailleurs bénéficier d’un dispositif spécifique : les indemnisations porteront sur la destruction des lots et les pertes en cas de non-production ou non-valorisation de la production.

 

La reconnaissance de l’état de calamité agricole ne devrait pas être accordée par l’État sollicité sur ce point. En revanche, « un accompagnement sanitaire et économique » devrait être assuré. Des discussions sont en cours. Le ministre de l’Agriculture devrait se rendre le 22 mars 2022 en Vendée.

 

Le département de la Vendée est le plus gros producteur de volailles au sein des Pays de la Loire. La Région est elle-même l’un des principaux fournisseurs de reproducteurs et de canetons pour le Sud-Ouest.