« On entend régulièrement des éleveurs se dire satisfaits des performances de leurs animaux mais déçus des index associés, relate Sébastien Fritz, ingénieur au service de la génétique chez Allice, l’union des coopératives d’élevage et d’insémination artificielle. Par cette remarque, ils font le constat du biais existant dans l’évaluation génétique actuelle. » Le lancement de l’indexation « Single Step » a pour but de corriger ce biais, sous-évaluant le potentiel génétique des bovins sélectionnés grâce à la sélection génomique.
Les races régionales laitières seront les premières à se convertir à ces nouveaux index, dès mars 2022. Les races laitières à grands effectifs (prim’holstein, montbéliarde et normande) suivront en avril 2022. Les brunes attendront cet été. La transition se fera l’an prochain (2023), en bovins allaitants. Cette révolution est le fruit d’un travail multipartenarial, lancé en 2017 (1).
Un biais à corriger
Dans le système actuel, deux évaluations génétiques se succèdent. La première livre des index polygéniques calculés sur pedigrees et performances (évaluation polygénique). La seconde complète et précise l’analyse avec de potentiels typages (évaluation génomique).
Mais il y a un hic. « L’évaluation polygénique part du principe que les performances moyennes de la descendance d’un bovin sont centrées sur le niveau génétique dudit parent, explique le généticien. Avec le développement de la sélection génomique, les filles et les fils voués à faire carrière sont régulièrement sélectionnés sur la base d’informations génomiques. Leurs performances moyennes dépassent donc nettement le potentiel génétique de leurs parents. L’évaluation polygénique n’intègre pas cette information et minore alors les index. Le biais ainsi créé se propage, puisque ces index polygéniques sont repris au cours de l’évaluation génomique. » Un cercle vicieux.
Changement de référentiel
Avec le « Single Step », tous les index sont calculés en une seule étape, à partir de toutes les informations disponibles à un instant donné (performances, généalogies, données génomiques). Problème réglé.
Mais alors, quelle conséquence à court terme ? « Les index vont être revalorisés, et seront plus en phase avec les performances réelles des animaux, résume Sébastien Fritz. Certains taureaux confirmés vont potentiellement passer de +900 à +1 100 kg sur l’index lait par la correction d’un biais de 200 kg, du jour au lendemain. Cela peut être perturbant, le référentiel évolue. »
La correction du progrès génétique sera d’autant plus importante que les animaux sont proches d’une population typée. « Pour les animaux non génotypés ou issus de races ne faisant pas de sélection génomique, l’évolution des index sera moindre », indique le spécialiste.
Cette nouvelle méthodologie facilite également l’accès à la sélection génomique pour les races intéressées. « GenEval pourra utiliser cette méthodologie dans les deux filières bovines et dans toutes les races. L’intégration progressive de données génomiques ne demande aucune préparation. La sélection génomique pourrait se mettre en place d’elle-même, au fil du temps, avec l’accumulation de génotypages. »
(1) Les travaux de recherche de l’UMT eBIS sur le sujet du « Single Step » ont démarré en 2017. Le déploiement de cette nouvelle méthodologie est réalisé en concertation avec les organismes et les entreprises de sélection dans le projet UniGéno (2020-2023) impliquant les trois partenaires de l’UMT eBis (Institut de l’élevage, Inrae, Allice), GenEval, Races de France, le Herd-Book Charolais, Valogène, Ingénomix et les établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) de Limoges et du nord de la Haute-Vienne. Avec la contribution du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.