Nous les avions rencontrés en avril 2016, lors de l’inauguration de la bergerie communautaire de Campagnac-lès-Quercy. Émeline Vadrot était installée en production ovine avec un cheptel mixte lait et viande de 200 têtes sur une quinzaine d’hectares en location. Son compagnon, Steven Ponama, devait la rejoindre.
Trois ans après, le jeune couple est en difficulté. « Nous avions 5 hectares par conventions de mise à disposition. Ces terres ont été reprises par leurs propriétaires. Il ne nous reste plus qu’une dizaine d’hectares loués à la collectivité, témoigne Steven. Cette perte de surface nous contraint à acheter le fourrage à l’extérieur pour un coût élevé. Nous avons dû réduire notre cheptel à 130 brebis et une quarantaine de chèvres. Ce problème de foncier met en péril notre activité. Nous allons sans doute arrêter. »
Le découragement est le même chez Vivien Ampoulange. Jusqu’à l’année dernière, ce jeune homme de 27 ans incarnait la nouvelle génération de bergers tentés par l’aventure du pastoralisme en Périgord noir : « De 2015 à 2018, j’étais salarié de l’entreprise de mes parents, qui ont une activité agricole et un hôtel-restaurant. Nous avions constitué un troupeau d’une centaine de brebis pour produire de la viande sous label. » Il a jonglé pendant trois ans avec une quinzaine d’hectares répartis sur plusieurs communes. « J’ai aimé ce travail. Le pastoralisme va dans le bon sens pour la biodiversité et la préservation des paysages. Nous avons dû arrêter car la production ovine n’était pas rentable. L’activité touristique finançait le cheptel. Pour dégager un salaire, il faut 400 brebis. » Pour ce fils d’agriculteur, devenu chauffeur salarié d’un groupement agricole, « le vrai coupable, c’est la Pac. Elle engendre une pression foncière à laquelle de plus en plus de jeunes exploitants sont confrontés. En indexant les aides européennes sur le nombre d’hectares, la Pac encourage les agriculteurs à les accumuler ».
Nouveaux projets
Pourtant, Stéphanie Gressier, la directrice départementale de la Safer, estime que la production ovine et le pastoralisme ont encore leur place en Dordogne. Elle cite plusieurs exemples : l’installation d’Olivier Tinle en 2019 sur 22 ha en périphérie de Périgueux, avec 400 brebis de race lacaune, dont une partie de la production laitière sera valorisée en fromages.
Dans le Montignacois, l’association foncière pastorale libre Le Randal est parvenue à racheter un peu plus de 400 ha de terrain sur les communes de Condat-sur-Vézère et Coly-Saint-Amand. Deux couples de bergers sont en cours d’installation.
Claude Hélène Yvard