Lors d’une conférence en ligne autour du bien-être animal organisée par La Coopération Agricole pour la septième année consécutive, des experts de tous horizons sont intervenus tour à tour pour tenter de décrypter la relation très « ambigüe » qui s’est installée entre éleveurs et consommateurs.

 

Devant la montée en puissance des mouvements abolitionnistes, l’élevage est souvent placé sur le banc des accusés. D’où la nécessité de « communiquer sur la qualité et la sécurité sanitaire de notre alimentation pour dissiper les craintes des consommateurs », appuie La Coopération Agricole.

 

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« Expliquer le métier d’élevage et toute sa complexité »

Antoine Thibault, producteur laitier en Normandie, suivi par plus de 20 000 abonnés sur sa chaîne YouTube et son compte Twitter, constate à travers son expérience sur les réseaux qu’il y a une « réelle méconnaissance du monde de l’élevage, explique-t-il. Je tente de lever le voile sur les clichés et j’explique que j’ai tout intérêt à favoriser le bien-être animal au sein de mon élevage pour avoir une activité rentable. »

 

« On ne peut pas évoquer le bien-être animal sans parler des éleveurs, qui côtoient au quotidien leurs bêtes, renchérit Luc Mounier, docteur vétérinaire et représentant des écoles vétérinaires au Centre national de référence pour le bien-être animal (CNR BEA). Des progrès restent encore à faire mais contribuer au bien-être de ses animaux constitue toujours un pari gagnant pour les éleveurs. Cela sous-entend des animaux qui produisent plus, en meilleure santé et qui valorisent davantage les ressources alimentaires. »

Combattre les mensonges diffusés par les « extrémistes »

Si les consommateurs ont une vision parfois éloignée de la réalité de l’élevage, c’est parce qu’il est souvent « rendu responsable de tous les maux », constate Bernard Vallat, inspecteur général de santé publique. « Certains groupuscules urbains avancent des données très contestables voire totalement fausses, explique-t-il. Sans aucun fondement scientifique, les idéologies diffusées par les groupes extrémistes anti-élevage sont relayés en masse par les médias, relativement contaminés par cette propagande très subtile. »

 

Le spécialise, qui a rédigé une tribune dans le journal l’Opinion rappelant que l’élevage n’est pas responsable du Covid-19, appelle les organisations agricoles à s’unir pour mieux communiquer. « Nous devons avoir les moyens au moins équivalents à nos adversaires anti-élevage pour contrer les accusations environnementales, nutritionnelles ou encore sanitaires », indique-t-il.

 

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Les exigences des consommateurs s’affirment

Anti-élevage ou non, les attentes des citoyens sur leurs modes de consommation évoluent à toute vitesse. Inquiets vis-à-vis du réchauffement climatique et de la perte de biodiversité, « 60 % des français déclarent qu’il est urgent d’agir », rapporte Laure Blondel, directrice Conseil chez GreenFlex.

 

À partir d’une étude barométrique réalisée en partenariat avec l’Ademe en mai 2019 puis en avril 2020, elle tente d’apporter un éclairage sur les attentes spécifiques des français envers l’alimentation. « Les préoccupations quant à l’urgence écologique se sont amplifiées depuis la crise du Covid-19, appuie-t-elle. 84 % des Français [dans un sondage de 2 000 répondants] déclarent que l’alimentation est le premier poste dans lequel ils essaient d’adopter un comportement responsable. » La notion de « local » est également une demande forte.

 

« Seulement le facteur du prix reste déterminant », observe Gérard Cladière, le président du groupe viande de la Fédération du commerce et de la distribution. Alors que « 54 % des Français déclarent finir leur fin de mois avec un compte en banque en négatif », des arbitrages sont forcément à faire face à la pression économique. « Une montée en gamme doit nécessairement être accompagnée d’une segmentation des rayons et d’une meilleure visibilité auprès des consommateurs », complète-t-il.

 

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Bien que les attentes des consommateurs en termes de bien-être animal soient grandissantes, Antoine Thibault appelle également à « ne pas oublier le raisonnement économique ». Faisant allusion au Référendum pour les animaux, il estime que l’« on ne peut pas nous imposer des modifications drastiques de nos pratiques d’élevage si nous n’avons aucune garantie de rentabilité derrière ».

 

« Ce RIP ne s’incrit pas dans une démarche constructive, il ne contribue ni à une amélioration des pratiques, ni à une amélioration des modes de consommation. Les propositions manquent de clarté : aucune définition n’est donnée à l’élevage intensif par exemple, rebondit Luc Mounier. De plus, les dispositions ne sont à aucun moment contrebalancées par une baisse des importations françaises. »

 

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