Une Pac pas assez incitative
« Depuis les années 1960, les surfaces en prairies permanentes ont nettement diminué », fait savoir Luc Delaby, ingénieur de recherche à l’Inrae Bretagne-Normandie lors d’un webinaire le 16 septembre 2020. L’Europe des 27 a perdu près de 5 millions d’hectares de prairies permanentes en l’espace de 60 ans, associé à une pratique moindre du pâturage pour l’alimentation des ruminants.
Depuis la dernière réforme de la politique agricole commune (Pac), une des règles de l’éco-conditionnalité consistait à maintenir la surface de prairies permanentes de plus de cinq ans. Cette mesure a seulement permis un « ralentissement fragile de la diminution des surfaces en prairies permanentes ».
Les stratégies portées par le pacte vert sont « une occasion d’essayer faire mieux », estime Luc Delaby. Pour y parvenir, la Pac doit « passer d’une approche contraignante à une approche incitative perçue par les éleveurs comme positive et valorisante », recommande-t-il.
Deux niveaux d’intervention
Selon les chercheurs de l’Inrae, il convient de revoir la définition d’une prairie permanente en la portant à dix ans d’âge. L’idée serait d’accroître le montant des aides par hectare afin de les rendre plus attractives.
« La présence des prairies est d’autant plus pertinente que leur durée de vie est élevée et que leur diversité floristique est importante », explique Luc Delaby. Encore faut-il que le chargement soit adapté et cohérent avec le milieu.
Comme seconde piste pour encourager une « approche motivante », les chercheurs suggèrent une attribution d’aides moindres pour les prairies jeunes (moins de 5 ans), mais ciblées en regard du panier de services associés aux types de prairies.

Au-delà de leur fonction de production, les prairies permanentes présentent des « atouts indéniables » pour répondre aux nombreux défis posés à l’agriculture. « Elles ne justifient quasi jamais le recours aux produits phytosanitaires et jouent un rôle dans l’équilibre des rotations. Les prairies aident à la réduction des fuites de nitrates et contribuent, dans les zones de marais par exemple, à l’épuration des eaux, énumère Luc Delaby. Elles sont également un frein à l’érosion et un facteur de biodiversité. Enfin, c’est au travers des prairies que les sols pourraient retrouver la fixation de carbone. »
Adapter le chargement
Les prairies sont un levier de taille pour tendre vers des systèmes à bas intrants plus économes et autonomes, mais leur gestion n’est pas sans difficulté. Avec les sécheresses à répétition, « il va nous falloir apprendre à gérer, en plus de la période hivernale, une deuxième pénurie dans l’année », rapporte Luc Delaby.
Cela passera peut-être par l’absence de production fourragère directement récoltable par l’animal et davantage de stocks, mais cela se traduira surtout par « l’adaptation du chargement aux potentialités du milieu en fonction des conditions climatiques ».