« En 2019, un sondage de Kantar montre que 86 % des Français sont adeptes d’une consommation responsable, explique Benoît Rouyer de l’interprofession laitière (Cniel), lors de la conférence “Grand Angle Lait”, organisée par l’Institut de l’élevage le 26 juin 2020. On assiste à un réel boom des allégations naturelles et éthiques sur les emballages des produits laitiers. » En plus du bio et des AOP, les démarches privées et interprofessionnelles fleurissent. La plupart se positionnent comme équitables, de quoi conforter le revenu des producteurs concernés.

 

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Lait de pâturage sans OGM, le combo gagnant

Le lait de pâturage et le lait sans OGM figurent parmi les segmentations les plus courantes. Les deux mentions sont le plus souvent combinées au sein d’un même cahier des charges. C’est le cas chez Lactalis (L’appel des prés), la Prospérité fermière (Via Lacta), Sodiaal (Les laitiers responsables), Bel ou encore Les maîtres laitiers du Cotentin.

 

« Le bien-être animal, l’utilisation raisonnée des antibiotiques et les réductions des émissions carbone font partie du socle commun du plan de filière, il n’est pas question d’en faire des démarches segmentées », précise Benoît Rouyer.

 

Concernant le pâturage, « le seuil minimal est de 120 jours par an, comme le recommande le Cniel, note Benoît Royer. Mais cela peut aller jusqu’à 200 jours chez Triballat Noyal. » Sur le volet du sans OGM, quelques collectes se mettent en place depuis 2017. Les laiteries Ermitage, Alsace lait, Agrilait et Pamplie sont récemment passées sur une collecte 100 % sans OGM.

 

En termes de plus-value pour le producteur, « les démarches qui combinent pâturage et sans OGM proposent généralement des primes comprises entre 13 et 20 €/1 000 litres », chiffre l’économiste. Chez Lactalis ou la fromagerie Milleret, c’est un prix réel minimum de 400 €/1 000 litres qui est garanti aux éleveurs.

Local et solidaire

Après la crise laitière de 2009, les démarches locales et solidaires connaissent également un bel essor. « L’équitable n’est plus réservé aux produits exotiques », souligne Benoît Rouyer. Les marques C’est qui le patron et Les éleveurs vous disent merci (Intermarché) représentent les plus gros volumes : plus de 20 millions de litres de lait par an chacune. À l’inverse, les initiatives plus locales comme Mon lait dans le Massif central, Vachement normand et Mon lait ardennais oscillent entre 1 et 8 millions de litres par an.

Jouer l’atout AOP en zone de plaine

D’après une étude d’Agreste, le service de la statistique du ministère de l’Agriculture, publiée en juin 2020, le lait de plaine pourrait également trouver une meilleure valorisation au travers des filières sous AOP, moins exposées à la volatilité des marchés. Dans les départements de l’Yonne et de la Côte-d’Or, le différentiel de prix entre le lait non-AOP et le lait produit pour les AOP Chaource et Époisses approche les 40 €/1 000 litres.

 

« Le niveau des produits des ateliers lait AOP se démarque du conventionnel, sans pour autant nécessiter des charges au litre de lait produit beaucoup plus élevées comme en bio, note l’étude. La préservation d’une meilleure marge en AOP exige néanmoins une grande maîtrise technique pour maintenir un niveau de charges proche de celui du conventionnel. »

 

Une fois cette condition remplie, cette « source de valeur » génère également une attractivité pour les nouvelles installations. « S’engager dans une filière AOP permet d’avoir une meilleure image auprès du consommateur. Ces éleveurs sont également moins isolés, ils font partie d’une communauté de producteurs de lait sous AOP », conclut l’étude.

 

Dans le contexte économique actuel, fragilisé par la crise sanitaire, la pérennité de ces produits au prix de vente plus élevé pose question. « On attend un repli du PIB français de 7 à 9 % cette année », appuie Benoît Rouyer. Pour le spécialiste, les démarches solidaires, avec pâturage et sans OGM doivent absolument se développer en dehors du lait conditionné, en perte de vitesse, pour « créer davantage de valeur. »