Inutile de rappeler que depuis la diffusion des vidéos de l’association L214, l’abattage, comme si la pratique était nouvelle, suscite de vives polémiques émotionnelles. Pour en parler, autour de la table, c’est une autre association en quête d’un monde meilleur pour les animaux qui est venue s’exprimer : l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir (OABA).
Frédéric Freund, son directeur, estime que le séisme provoqué par les images chocs de L214 ne sont que la conséquence d’une prise de conscience du consommateur, qui jusqu’alors peinait à faire le lien entre un agneau et un gigot. « Ils ont pris la réalité en pleine figure, et ont compris que dans les abattoirs, on tue des animaux », ironise-t-il.
Si Frédéric Freund fait la distinction entre les idéologies de L214, association jugée « abolitionniste », pour un monde sans élevage, et celle de l’OABA, « welfariste », dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des animaux, il admet que sans cette polémique, la commission d’enquête parlementaire n’aurait jamais vu le jour. « C’est dommage qu’il ait fallu attendre la diffusion de plusieurs vidéos pour que le ministère de l’Agriculture réagisse », regrette-t-il.
Proposer d’autres modes d’abattage
Pour Jocelyne Porcher, chargée de recherche à l’Inra, ces modes d’abattage douteux ne sont que la conséquence d’un amont ayant fait abstraction de toute empathie envers l’animal. Elle oppose les « productions animales », qu’elle juge « intensives et industrielles », à l’élevage qui a conservé le lien entre l’homme et l’animal.
« Aujourd’hui les abattoirs sont davantage des entreprises de transformation de matière animale que des lieux de mise à mort, dénonce-t-elle avant de proposer des solutions d’abattage à la ferme, qui redonneraient du sens à la mort des animaux. Il y a plus d’éleveurs qu’on croit, pour qui l’idée d’amener un animal à l’abattoir est insupportable. Certains sont prêts à tuer dans l’illégalité. »
Cet avis, Étienne Gangneron, éleveur bio dans le Cher, ne le partage pas. « Je vous rappelle qu’en France, il y a 12 millions d’hectares de prés, et que l’essentiel dès exploitations sont encore familiales, avec 60 vaches en moyenne, lance-t-il, bien loin d’un schéma industriel banalisé. Sur nos fermes, nous avons aussi mille choses à gérer, et il faut savoir déléguer certaines tâches. L’abattage en fait partie. »
« Les animaux ne sont pas des boulons »
Luc Mirabito, chef de projet bien-être animal à l’Institut de l’élevage, s’oppose également aux propos de Jocelyne Porcher, assurant que « les animaux ne sont pas des boulons qu’on trimballe jusqu’au poste d’étourdissement ». Il rappelle que, depuis 30 ans, les opérateurs sont formés, et que la base pour assurer leur sécurité, c’est qu’ils connaissent l’animal et ses émotions.
Jocelyne Porcher rebondit : « ce ne sont pas les hommes eux-mêmes qui ne considèrent pas les animaux en tant que tel, mais l’organisation de leur travail qui fait comme s’ils n’étaient pas sensibles, insiste-t-elle. D’ailleurs, ces hommes aussi souffrent de ce système. »
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