Si le génome fait l’objet d’innombrables études, l’exploration de l’épigénome en est à ses balbutiements. Mais alors, l’épigénétique, quèsaco ? La genèse de la reine des abeilles en est la plus célèbre illustration. « L’apport de gelée royale au cours du développement larvaire distingue le devenir d’une reine et d’une ouvrière », mentionne l’Inra aux Rencontres autour des recherches sur les ruminants (3R) en 2013. L’ingestion précoce de ce mets empêche la méthylation de certaines régions de l’ADN, ce qui fait que les gènes concernés vont s’exprimer différemment d’un individu à l’autre.
Ainsi, l’épigénétique consiste en la modulation de l’expression génique endogène ou induite par l’environnement. Ceci pilote la différenciation cellulaire et explique certaines variabilités entre individus. « Cette sélection de l’information génétique est orchestrée par l’apposition de marques épigénétiques, activatrices ou inhibitrices de gènes, constituant l’épigénome cellulaire », précise l’étude. Ces marques peuvent être réversibles, héritables et avoir des conséquences à plus ou moins long terme. L’épigénome apparaît comme un élément majeur dans l’expression du potentiel génétique des bovins.
Prédire le phénotype
« De nombreuses études montrent que l’alimentation, les stress biotiques ou abiotiques (liés au milieu), ainsi que le comportement [N.D.L.R. : durant la gestation de la mère ou chez le sujet] peuvent modifier les épigénomes de certaines cellules », note l’Inra dans un dossier dédié au sujet. Bien que de nombreuses inconnues persistent sur le nombre, les mécanismes et l’interaction des modifications épigénétiques, plusieurs cas ont été mis à jour. Chez les bovins laitiers, les mammites et la monotraite ont des effets à long terme sur le développement mammaire et la lactation « dus à des altérations des profils de méthylation de l’ADN ». Autre exemple recensé par l’Inra, « la sous-nutrition des vaches au cours du premier trimestre de gestation induit une diminution de la réserve ovarienne de la descendance, associée à des perturbations du système cardiovasculaire ». Sur la gestation aussi, il apparaît que les vaches conçues hors lactation maternelle ont un niveau de productivité plus élevé. « Il est raisonnable de penser qu’un bilan énergétique négatif peut avoir des conséquences épigénétiques sur l’embryon. » On parle de mémoire de l’information environnementale.
L’environnement, que ce soit pendant la vie fœtale ou après la naissance, peut changer les performances attendues en fonction du profil génétique sélectionné. D’où l’intérêt de mûrir la connaissance de cette « nouvelle » discipline, afin de l’intégrer dans les schémas de sélection, d’autant plus dans un contexte climatique changeant.A. Courty
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