« Le développement des produits d’origine végétale est très rapide, mais leur poids dans le panier des ménages français est encore limité », constate Myriam Ennifar, chargée d’études économiques pour la filière du lait de vache chez FranceAgriMer. Alexander Anton, secrétaire général de l’European Dairy Association (EDA), n’imagine pas la tendance se renverser. « Le lait est un standard de l’alimentation humaine, les jus végétaux ne dépasseront pas les 10 % de parts de marché », avançait-il au congrès de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), le 11 mars dernier.

 

Le lait est un standard de l’alimentation humaine, les jus végétaux ne dépasseront pas les 10 % de parts de marché.Alexander Anton, secrétaire général de l’European Dairy Association

Au rayon des « laits », les jus végétaux pèsent pour 3,6 % des quantités achetées par les consommateurs français en 2019. Dans leurs segments respectifs, les crèmes et desserts végétaux représentent 2 % et 2,2 % des volumes vendus. Des chiffres en progression quasi constante, même si les quantités par acte d’achat ont tendance à diminuer. En valeur, l’écart se resserre légèrement.

 

« Les produits d’origine végétale présentent tous la même caractéristique d’afficher un prix plus élevé que leurs homologues laitiers, note Myriam Ennifar. Un prix qui a de plus tendance à progresser. » En l’espace de quatre ans, le prix de l’ultra-frais végétal a grimpé de presque 20 %, la crème végétale de 7 % et les jus d’un peu plus de 3 %.

Les Français se laissent séduire

Des performances commerciales encore en retrait mais en croissance soutenue, notamment sur le recrutement de nouveaux adeptes. En 2019, « un quart des ménages français achète des produits ultra-frais d’origine végétale et des jus végétaux et un peu plus de 10 % de la crème d’origine végétale », poursuit Myriam Ennifar, en reprenant les données du panel Kantar. Par rapport à 2016, ce taux de pénétration affiche une progression allant de 27 %, pour les jus végétaux, à plus de 44 % pour l’ultra-frais d’origine végétale, alors qu’il « est à peine stable pour les produits laitiers ».

 

Pour le docteur en sociologie Olivier Lepiller, cité dans le cahier des produits laitiers de l’interprofession laitière (Cniel), la montée en puissance du végétal n’est pas seulement associée à la recherche de naturalité. « Les produits laitiers sont affectés par le questionnement de l’élevage en général, qui mêle des enjeux éthiques, environnementaux et sanitaires. Cela favorise les aliments de substitution à la viande comme au lait, estime-t-il. D’autre part, la consommation des produits laitiers est aussi régulièrement questionnée sur le plan diététique et nutritionnel. »

Des industriels jouent sur les deux tableaux

Néanmoins, certains signaux confortent le positionnement des produits laitiers. Plus de 95 % des ménages suivis par Kantar consomment encore du lait, de la crème et de l’ultra-frais laitier, avec une fréquence d’achat annuelle 2 à 7 fois supérieure à celle de leurs équivalents végétaux. De plus, l’année 2019 « marque un coup d’arrêt du végétal sur l’univers des produits laitiers », rassure Amandine Guy, consultante en marketing chez Kantar.

 

Elle évoque un taux de pénétration en recul de 0,5 point sur un an pour les produits « laitiers » végétaux, hors margarine. « Les piliers comme Sojasun, Alpro et Bjorg stagnent tandis que les nouveaux venus peinent à percer. » Par ailleurs, certaines de ces marques appartiennent à des industriels laitiers comme Danone et Triballat, misant davantage sur la complémentarité de l’offre que sur leur opposition.

Mésinformation du consommateur

D’après une enquête commandée par le Cniel en 2017, un Français sur deux pense que les boissons végétales apportent les mêmes nutriments que le lait. Plus inquiétant encore, un Français sur cinq considère que ces boissons répondent aux besoins des bébés. La ressemblance des produits au niveau des dénominations et des packagings porte sa part de responsabilité (voir l’encadré) dans ce phénomène.

 

« Les jus végétaux sont naturellement très pauvres en calcium et vitamine B12, et la plupart contiennent peu de protéines, appuie le Cniel. C’est au cours de leur fabrication qu’ils sont enrichis. » Pour Alexander Anton, de l’EDA, les méthodes de notation nutritionnelles comme le Nutriscore faussent également le débat : « Il ne faut pas bouder les produits laitiers transformés, comme le fromage. »