C’est un record inquiétant pour la sécurité alimentaire de certaines régions de la planète : l’indice des prix des produits alimentaires mondiaux de la FAO a atteint en mars son plus haut niveau depuis sa création en 1990, avec une progression de près de 13 % en un mois. Cette hausse s’explique principalement par la flambée du prix des céréales (+ 17 %) et des huiles végétales (+ 23 %) due à la réduction des disponibilités à l’exportation liée à la guerre en Ukraine. Kiev et Moscou sont en effet de gros exportateurs sur le marché mondial de ces denrées. Et cette flambée ne devrait pas s’arrêter, sauf fin rapide du conflit, peu probable à ce stade. En Ukraine, les semis sont perturbés et les prévisions de production future largement revues à la baisse, tandis que les exportations sont paralysées. Côté russe, Vladimir Poutine a annoncé « surveiller » les livraisons alimentaires vers les capitales « hostiles » au Kremlin. Et alors que la Russie est un intervenant important sur le marché mondial des engrais et du gaz, le prix des fertilisants explose. Ce qui peut obérer la production agricole de certains pays. Au Pérou, des agriculteurs ont ainsi manifesté contre cette flambée des prix.
Or, de nombreux États, du bassin méditerranéen et d’Afrique notamment, sont dépendants de l’Ukraine et la Russie pour leur approvisionnement en blé (voir le graphique page 14). Mais à 350-400 €/t, celui-ci est inabordable pour beaucoup de pays où le pain est un aliment important. Un niveau de prix bien plus haut que ceux enregistrés à l’époque des émeutes de la faim et du printemps arabe. La Banque mondiale évoque d’ailleurs des troubles possibles en Afrique et au Moyen-Orient. Et elle avertit que pour chaque augmentation d’un point de pourcentage des prix alimentaires, 10 millions de personnes sont plongées dans l’extrême pauvreté. La Banque mondiale, le FMI, le PAM et l’OMC ont d’ailleurs lancé un appel à une action d’urgence pour la sécurité alimentaire.
L’initiative Farm pour la sécurité alimentaire des pays les plus vulnérables, annoncée fin mars par le président français lors du sommet du G7, va dans ce sens avec un pilier commercial pour apaiser les tensions sur les marchés, un pilier solidarité et un pilier production pour renforcer les capacités agricoles des pays concernés. Une initiative que Paris voudrait concrétiser d’ici juin, date de la fin de la présidence française de l’UE. Mais pour que ce programme réussisse, il faudrait y associer certains pays importants du G20, comme l’Inde et la Chine, qui disposent de stocks de céréales importants. Ce qui n’est pas acquis. Pékin détient la moitié des stocks mondiaux de blé, soit un an de sa consommation. Ce qui, au-delà de la nécessité de produire plus, peut faire réfléchir l’UE qui ne dispose en stock que d’un seul mois !