Le développement du numérique, mis en avant par le ministre de l’Agriculture avec la « 3e révolution agricole », permettra-t-il à notre secteur de mieux négocier le virage de l’agroécologie et d’être en même temps performant ? Une équation pas si simple. Car plus que jamais, l’agriculture doit relever le défi de nourrir une population de plus en plus nombreuse, tout en limitant son impact sur l’environnement et en intégrant les effets du réchauffement climatique.
Force est de constater que le numérique est déjà bien présent dans les exploitations, avec des capteurs au champ, au sein des troupeaux ou dans les bâtiments, des robots de traite ou désherbeurs (lire p. 14), des machines connectées ou des stations météo. ll le sera encore plus dans le futur. Sans oublier l’utilisation largement développée des smartphones et des réseaux sociaux avec les échanges d’informations. Le panel est vaste. La masse des données collectées et les capacités pour les traiter rendent plus précises les interventions, en optimisant par exemple la gestion des cultures et de l’eau ou en améliorant le suivi et la traçabilité des troupeaux, mais servent aussi à gérer les relations au sein des filières. Les outils d’aide à la décision permettent ainsi d’anticiper les décisions à prendre et d’apporter la bonne dose d’intrant, au bon endroit, au bon moment. Quant aux robots de désherbage, ils réduisent la pénibilité du travail ou pallient le manque de main-d’œuvre, tout en évitant d’utiliser des produits phytosanitaires. Au-delà de l’efficacité technique et de la réduction potentielle des coûts, les effets positifs pour l’environnement sont donc réels.
Mais si ces outils sont utiles, encore faut-il qu’ils restent abordables et rentables pour les agriculteurs. Et que ceux-ci sachent facilement les utiliser et ne deviennent pas trop dépendants des sociétés les ayant conçus. Reste aussi à clarifier l’utilisation et la valorisation des données collectées, notamment par les firmes. L’Académie d’agriculture n’a-t-elle pas intitulé une de ses récentes séances « La guerre des données agricoles aura bien lieu » ? Or, si le RGPD (1) protège les données personnelles, il ne s’applique pas aux renseignements professionnels qui dépendent du droit des contrats. Une solution : signer un contrat labellisé Data-Agri dont la charte porte sur la valorisation et la sécurisation des informations des exploitations. Mais encore faut-il que les sociétés l’aient signée. Car, dans l’avenir, la collecte de données ne fera que s’amplifier avec le développement des solutions offertes par le numérique. Le gouvernement a d’ailleurs présenté au Sia une feuille de route « Agriculture et numérique » ambitieuse. Souhaitons que les avancées qu’elle permettra profiteront en premier lieu aux paysans.
(1) Règlement général sur
la protection des données.