Avoir de quoi se nourrir chaque jour est primordial. Les habitants de l’Ukraine, aujourd’hui en guerre, le savent mieux que quiconque. Mais dans un pays comme le nôtre, peu aujourd’hui craignent de manquer. Même pendant la période de confinement, la chaîne alimentaire a fonctionné sans rupture. Pour que cela perdure, il faut néanmoins que chaque maillon, agriculteur, transformateur et distributeur, gagne correctement sa vie au risque sinon de disparaître. La course aux prix bas menée depuis des années par les grandes surfaces a fragilisé les deux premiers niveaux. Pour la première fois depuis huit ans, les négociations commerciales se sont terminées avec des prix en hausse (lire p. 14), même si les augmentations restent inférieures à celles demandées par les industriels. Mais cette année encore, les discussions ont été rudes. Et ce n’est pas la philanthropie des distributeurs qui a fait inverser la donne, mais plutôt la loi Egalim 2 qui les a contraints à prendre en compte le coût de la matière première agricole.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine met en évidence le rôle fondamental de l’agriculture et de l’alimentation, mais aussi une certaine fragilité, avec des conséquences qui vont bien au-delà des frontières de ces deux pays. Le conflit a des répercussions pour les producteurs français. Car avec la paralysie des exportations de la mer Noire, le cours des céréales a explosé, ce qui alourdit encore plus le prix de l’alimentation animale pour les éleveurs, de porcs et de volailles notamment. Il faudra bien que ces surcoûts soient intégrés par la grande distribution, avec la mise en œuvre de clauses de révision des prix. Car sans rémunération correcte, la souveraineté alimentaire est menacée. La guerre en Ukraine a aussi de fortes conséquences sur le prix des engrais et de l’énergie. Le gouvernement a prévu un plan de résilience avec « un soutien ciblé et massif aux secteurs les plus critiques », estimant que le secteur agricole est le plus touché. Ce soutien est fondamental.

Reste qu’au-delà de la France se pose aussi la question de la sécurité alimentaire d’autres zones du globe car la Russie et l’Ukraine représentent 30 % des échanges mondiaux de blé. La situation s’annonce ainsi critique pour les pays très dépendants des importations pour nourrir leur population, comme ceux du pourtour méditerranéen qui doivent trouver des disponibilités ailleurs. Alors que les prix atteignent des niveaux records, on peut encore craindre des émeutes de la faim. Pour réalimenter le marché, l’Union européenne doit remettre en culture ses jachères. Il faudra aussi revoir la stratégie « Farm to fork » de la Commission européenne, un projet de décroissance qui entraînerait une baisse de la production dans l’UE (lire p. 21). La guerre en Ukraine remet en avant le rôle stratégique de l’agriculture que beaucoup avaient oublié.