Les prix des carburants tutoient en ce moment les sommets et c’est semble-t-il parti pour durer (lire notre analyse page 14). Professionnels comme particuliers en font durement les frais, à l’heure où la question énergétique conjuguée à celle du pouvoir d’achat sont redevenues centrales.
Dans la quête aux bonnes astuces pour faire baisser la facture du plein d’essence, il ne se passe désormais pas une semaine sans que les médias grand public vantent les vertus de l’éthanol, un biocarburant, dont il n’y a pas si longtemps, ils disaient « pis que pendre », en s’appuyant sur l’argumentaire assassin des ONG et le scepticisme des politiques. Pour trace de cette défiance passée, largement partagée à l’époque, rappelons qu’en 2013 les parlementaires français avaient débaptisé les « biocarburants » en « agrocarburants »…
Aujourd’hui, tout est pardonné ou presque par les médias, pour ce qui apparaît comme le seul « carburant du pouvoir d’achat » ! Autant la critique était auparavant excessive, autant leur enthousiasme actuel devient parfois dithyrambique, au point d’omettre de mentionner dans leurs comparatifs que le superéthanol E85 entraîne une surconsommation de 20 à 25 % (du fait d’un PCI inférieur aux essences) !
Il reste qu’en dépit de cet inconvénient, cette solution s’avère, au final, avantageuse avec un prix à la pompe de 0,75 €/l contre 1,72-1,75 pour le SP 95, la moins chère des essences. Avec les données du mois de janvier, l’économie est de l’ordre de 660 € pour 13 000 km parcourus, surconsommation de 25 % incluse (à 7 l/100 km). De quoi amortir le coût d’un boîtier de conversion (entre 700 et 1 000 €), si le véhicule n’est pas flex-fuel d’origine. Cette dernière technologie reste, en effet, limitée à certains modèles de Ford et de Jaguar/Land Rover. Les autres constructeurs restent, pour l’instant, à l’écart car la France et la Suède sont les deux seuls pays de l’UE à distribuer de l’E85 et cela freine leurs ardeurs. Ce qui fait dire à certains journalistes sceptiques, de la presse auto, que l’E85 ne sera qu’un feu de paille.
Pour le moment, ce ne sont pas, en tout cas, les signaux qu’envoient non seulement le marché (1) mais aussi les pouvoirs publics français (défiscalisation avantageuse, abattement sur le malus, gratuité de carte grise dans de nombreuses régions, etc.). Ceux-ci semblent avoir admis qu’ils n’avaient pas d’autres alternatives décarbonées à portée de main, applicables à grande échelle pour les moteurs thermiques, même si le manque à gagner fiscal est important (seulement 11,83 cts/l de taxes contre 68,29 cts/l pour le SP95).
C’est plutôt à l’échelon européen que la stratégie n’est pas très claire : la filière française de l’éthanol attend toujours une mutualisation européenne du plafond d’incorporation de 7 % de biocarburant alors que la France en est déjà à 6,8 %. Et dernièrement, le règlement « Taxonomie » qui vise à diriger les capitaux vers les activités vertes a « superbement » ignoré les biocarburants. La météo de l’éthanol n’est donc pas qu’au beau fixe…
(1) 2 725 stations-service (30 % du réseau) distribuent l’E85 en France (+ 18 % en un an). 6 000 véhicules flex-fuel vendus en 2021, 30 000 nouvellement équipés d’un boîtier. Au total, 180 000 aptes à rouler à l’E85. Le plus gros des volumes d’éthanol est consommé dans le SP95-E10 (10 % d’éthanol ; 51,3 % des essences françaises).