L’agriculture bas carbone a le vent en poupe. Elle fait régulièrement l’objet d’interventions ou de colloques, jusqu’à constituer le thème du conseil informel des ministres de l’Agriculture européens, tenu début février en Alsace. Julien Denormandie, qui préside actuellement ce conseil, est, en tant qu’agronome, convaincu par l’intérêt de cette question sur laquelle la France est en avance. À l’issue de cette rencontre, les États membres ont d’ailleurs montré un « intérêt unanime » dans la démarche initiée par notre pays. Cependant, il faut encore avancer sur un cadre réglementaire commun, alors que certains points méthodologiques font débat. En mars, Paris espère faire adopter par les ministres des conclusions donnant des orientations à la Commission européenne, qui doit faire une proposition législative fin 2022.
L’idée est, heureusement, de ne pas aller vers une contrainte réglementaire, mais de rémunérer le carbone capté par les agriculteurs. Ce qui est le meilleur moyen pour enclencher une dynamique. Julien Denormandie espère convaincre les grandes entreprises ou institutions qui veulent acheter des crédits carbone agricoles de le faire sur le marché volontaire en France. Reste que ceux-ci sont plus chers que les crédits sud-américains (environ 38 €/t, contre 7 €/t), compte tenu d’un référentiel bien plus exigeant. Aussi, le ministre juge-t-il essentielle la structuration de l’offre. Alors que la Confédération paysanne dénonce « un nouveau business du carbone », la FNSEA annonce la création d’une structure commerciale visant à rassembler l’offre de toutes les productions agricoles et être ainsi « plus forts » pour convaincre les acheteurs d’acquérir des crédits français. Car le marché de la compensation carbone volontaire est appelé à croître fortement.
Un niveau de prix correct des crédits carbone est toutefois nécessaire pour amplifier la démarche sur les exploitations. Mais une transition bas carbone peut aussi être vertueuse sur le plan économique. Lors d’un colloque à l’Académie d’agriculture, l’Idele expliquait ainsi que les fermes laitières ayant optimisé leur empreinte carbone ont des charges plus faibles. Et en système bovin viande naisseur, les exploitations ayant réduit leur empreinte ont vu leur EBE progresser. Côté grandes cultures, Agrosolutions y pointait cependant du doigt la nécessité de financer la transition bas carbone par des crédits carbone, mais aussi des primes de filière et des aides Pac (lire aussi en page 14).
L’entrée d’une exploitation dans une démarche bas carbone est évidemment volontaire. Mais au-delà d’une rémunération complémentaire, la captation du carbone est aussi un moyen pour notre secteur de communiquer positivement.