L’actuel pataquès sur la question des additifs nitrés dans la charcuterie et de leur éventuelle carcinogénicité (lire page 19) n’est finalement que le petit bout de la lorgnette d’un sujet beaucoup plus vaste, qui mériterait en soi une expertise officielle : les nitrates ingérés sont-ils bons ou mauvais pour la santé ? Car aussi surprenant que cela puisse paraître, la recherche médicale s’est retournée à l’égard de ces diables de nitrates alimentaires. C’est lié à la découverte récente de leur métabolite, l’oxyde nitrique, dans les années 1980. Une molécule qui gouverne beaucoup de processus physiologiques dans l’organisme.

Nombre de publications scientifiques émanant de grands centres de recherche l’attestent sans ambiguïté mais le dogme de leur nocivité absolue, installé depuis 50 ans, persiste. D’ailleurs, il n’est même pas discuté en France malgré une saisine de l’Anses qui remonte à 2015 et qui est restée sans réponse. « Une étude clinique randomisée montre qu’un apport élevé en végétaux riches en nitrates diminue la pression artérielle chez des patients hypertendus », rapportait encore dernièrement le site pressesante.com, sur la base d’un essai réalisé par le centre de recherche médicale de l’Université de Maastricht auprès de 77 personnes (1). Après seulement 12 semaines d’un régime alimentaire enrichi en nitrates via la consommation de légumes verts, la pression artérielle des volontaires avait diminué de 7 mm Hg comparativement à celle du groupe contrôle. Cela s’approche de ce que fait un médicament antihypertenseur… Certes, il peut être objecté qu’on ne conclut jamais après une seule étude. Mais dans le cas présent - sous l’angle de l’hypertension - des publications de cet acabit foisonnent. Pour le constater, il suffit de se rendre sur le site de la Bible mondiale des scientifiques : PubMed. Certaines d’entre elles ont du reste été publiées dans Hypertension, la revue prestigieuse de l’American Heart Association. Traduit en termes pratiques, cela revient à dire que l’on a trouvé une autre bonne raison de manger des légumes verts : leur teneur en nitrates. Pas sûr que cela soit audible par le citoyen lambda !

On aimerait donc entendre, en juin prochain, l’Anses sur ce large sujet et pas seulement sur les additifs nitrés. Dans ce dernier cas, la controverse repose sur le fait de savoir si les sels de conservation (nitrate et nitrite de sodium) peuvent engendrer la formation de nitrosamines (cancérigènes) en présence de fer héminique venant de la viande. L’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) s’est déjà prononcée de façon rassurante en 2017.

On relèvera que, dans ce débat, il est constamment oublié que l’organisme humain dispose d’une voie interne (endogène) qui produit des nitrites en quantités relatives importantes. En l’occurrence, comme le rappelait dans nos colonnes le Dr Jean-Louis L’hirondel (La France agricole du 28 mai 2021), les nitrites ingérés provenant des additifs nitrés des viandes représentent moins de 1 % des nitrites présents dans l’estomac. Les 99 % restants sont donc hors d’atteinte d’une hypothétique loi…

(1) I n creasing nitrate-rich vegetable intake lowers ambulatory blood pressure in (pre) hypertensive middle-aged and older adu lts ; (T he Journal of Nutrition, septembre 2021).