Les actions des organisations anti-élevage ne provoquent pas un raz de marée de conversions vers le végétarisme. La France ne compte en effet que 2,2 % de personnes adoptant un régime sans viande, dont 0,3 % de végans (1). Mais les critiques contre l’élevage portant sur le bien-être animal, le respect de l’environnement ou les émissions de gaz à effet de serre – critiques qui méritent d’être contre-argumentées –, finissent par infuser dans les esprits, notamment chez les jeunes. Des études montrent ainsi le désir de nos concitoyens de consommer moins, mais « mieux » de viande. Et parmi les alternatives à celle-ci, leurs intentions se portent bien davantage sur les légumes secs que sur la viande in vitro. Le côté « naturel » des aliments compte beaucoup pour les Français. Mais la France n’est pas le monde et les Chinois ou les Brésiliens seraient nettement plus réceptifs que nous à cette viande in vitro, cultivée dans des bioréacteurs à partir de cellules musculaires (2).
La nécessité de nourrir près de 10 milliards d’habitants sur la planète en 2050, avec une demande croissante de viande liée à l’élévation des niveaux de vie, tout en intégrant la prise en compte par les citoyens des critiques évoquées plus haut, aiguisent l’appétit des investisseurs et de grandes entreprises alimentaires. Ceux-ci voient dans les alternatives à la viande d’élevage un marché prometteur, même si pour l’instant, il reste confidentiel (voir page 16). Des milliards de dollars commencent à se déverser, surtout dans le secteur des substituts protéiques végétaux, bien plus avancé que celui de la viande in vitro, avec des start-up qui fleurissent ici ou là. Dans les deux cas, il s’agit de « singer » au mieux la viande d’élevage, tant au niveau du goût, de la texture que de l’apparence pour plaire au consommateur. Ce qui techniquement n’est pas simple, y compris pour les substituts issus du pois ou du soja. Pour atteindre le Graal et s’approcher de l’imitation la plus aboutie, il reste donc beaucoup de progrès à faire. Sans oublier le prix final qui devra aussi être abordable.
Dans le secteur de la viande in vitro, on n’est encore le plus souvent qu’au stade de la production en laboratoire. Et même si des acteurs se montrent optimistes – l’Israélien Aleph Farms annonce la production en unité industrielle en 2025 –, il faudra patienter de nombreuses années pour atteindre des volumes significatifs et arriver à un modèle économique viable. Quant à l’impact environnemental de la viande in vitro, présentée comme « propre », il est rediscuté au fur et à mesure que les études s’affinent.
La viande d’élevage a donc encore de beaux jours devant elle, d’autant qu’elle est la seule à être naturelle et pas ultra-transformée, conservant un lien direct avec les paysans !
(1) Étude Ifop.
(2) L’Académie d’agriculture a consacré un colloque à la viande in vitro en novembre 2021.