Scrutée sous tous les angles, l’agriculture fait régulièrement l’objet d’études. Au-delà de la publication des comptes prévisionnels 2021, cette fin d’année a vu celle des premiers résultats du recensement agricole qui a lieu tous les dix ans. Des données qui permettent de mieux cerner l’évolution de notre secteur, d’autant que derrière les chiffres, il y a des êtres humains, les femmes et les hommes qui assurent la souveraineté alimentaire de notre pays.

Au cours des dix dernières années, cette « armée de l’ombre » a vu le nombre d’exploitations baisser de 21 %, certes à un rythme moins élevé qu’entre 2000 et 2010 (- 26 %) et 1988 et 2000 (- 35 %). La diminution touche surtout les plus petites fermes. La concentration dans le secteur agricole semble être un mouvement inéluctable et le slogan des années quatre-vingt-dix « Des voisins plutôt que des hectares » a fait long feu. Car le nombre de personnes occupant un emploi permanent dans les exploitations a diminué de 12 % (1) en dix ans. La proportion des chefs d’exploitation reste stable (59 %) et celle des salariés permanents non familiaux augmente. Pour autant, on ne peut pas parler d’industrialisation de l’agriculture française avec une taille moyenne de 69 ha (14 ha de plus qu’en 2010), très loin des standards rencontrés sur d’autres continents. Notre agriculture reste familiale et à taille humaine. Un élément interpelle cependant : les exploitations spécialisées en productions végétales sont devenues majoritaires, alors que les effectifs de celles d’élevage se réduisent le plus fortement avec une surface moyenne en nette progression. Difficile de ne pas penser à la récente lettre ouverte des présidents des chambres d’agriculture de Bretagne qui s’inquiètent du choix des nouvelles générations concernant l’élevage et parlent d’« usure économique et morale ».

Un autre point interpelle : la part des agriculteurs de plus 60 ans (25 %) a gagné cinq points en dix ans, tandis que celle des plus de 50 ans atteint 58 %. Pour assurer le renouvellement des générations, il faudrait installer 20 000 personnes par an au lieu des 14 000 actuelles, explique le ministre de l’Agriculture.

Si l’on veut attirer des candidats, le revenu reste primordial car la passion ne suffit pas, surtout dans un secteur où le travail est souvent difficile, avec une durée hebdomadaire longue. Reconnaissons que les dossiers repris ou ouverts par Julien Denormandie, comme la loi Egalim 2 et la réforme de l’assurance récolte, devraient contribuer à améliorer ou sécuriser le revenu. Mais rien n’est jamais gagné. Il suffit de voir les tensions actuelles sur les négociations commerciales. Quant à l’inflation de règles, normes, contraintes et autres obligations paperassières, elle constitue aussi un frein à l’attractivité du secteur. Une étude pourrait d’ailleurs dresser un bilan de cette complexification croissante, de quoi fixer des objectifs de simplification ou au moins un moratoire pour un gouvernement futur !

(1) En équivalent temps plein.