Le foncier, support de base de la production agricole, a toujours suscité les appétits, provoquant conflits et frictions. « Denrée » limitée, la terre est, en effet, une source de convoitise, pour ne pas dire de pouvoir. La régulation du marché foncier (avec toutes les critiques dont elle peut faire l’objet) a permis de maintenir dans notre pays des exploitations familiales qui se veulent transmissibles, avec des prix à l’hectare bien moindre que chez la plupart de nos voisins européens. Certains propriétaires-cédants rêveraient des 34 000 euros en moyenne à l’hectare libre en Italie, voire des 70 000 euros aux Pays-Bas (plus de 10 fois la moyenne française). Des prix inabordables pour de jeunes installés. La transmissibilité des exploitations est d’autant plus importante que de nombreux agriculteurs passeront la main dans les années à venir, avec de plus en plus de repreneurs non issus du milieu agricole.

C’est justement pour lutter contre l’accaparement des terres et leur concentration excessive via le marché des parts de sociétés qu’une loi a été concoctée (lire p. 19). Car cette évolution se fait au détriment de l’installation. Le nombre des transactions sociétaires s’est ainsi accru au fil du temps, pour représenter 7 % des transactions mais 20 % de la valeur du marché foncier (1). Avec un dispositif de contrôle des structures et de surveillance des Safer qui étaient jusqu’à présent facilement contournés dans le cadre sociétaire alors que les exploitants individuels doivent en supporter toutes les contraintes. Si la nouvelle loi vise les agrandissements excessifs, restera à voir comment s’appliquera cette sorte d’usine à gaz. Certains y voient aussi le renforcement du pouvoir et de l’activité des Safer…

Au-delà de ce texte, une grande loi foncière, intégrant notamment la modernisation du statut du fermage et l’encadrement du travail à façon, était ambitionnée. Toutefois vu l’encombrement du calendrier parlementaire, il faudra attendre la prochaine mandature. Un peu de patience est également requise pour la présentation officielle du projet de portage du foncier, annoncée pour ce début décembre par le président de la République.

L’essentiel est cependant connu (lire p. 18). Ce dispositif vise à faciliter l’installation d’agriculteurs n’ayant pas les moyens d’acheter immédiatement les terres en leur permettant d’être locataires sur une durée de dix à trente ans. Assurément, 150 à 200 opérations sur une période de cinq ans reste un chiffre limité par rapport au nombre d’installations. Mais le soutien apporté sera déterminant pour les jeunes concernés.

Et à l’avenir, il faudra aussi surveiller l’évolution de l’artificialisation des sols qui a fait disparaître près de 23 000 ha de terres agricoles en 2019 (1). Autant de surfaces disponibles en moins pour les agriculteurs. La loi climat vise certes à réduire de 50 %, d’ici à dix ans, le rythme d’artificialisation. Mais ce n’est pas une raison pour relâcher la vigilance.

(1) Selon les Safer.