Rouler avec un carburant propre, local et 30 % moins cher, c’est ce que proposent des agriculteurs à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée. Polyculteurs-éleveurs, puis méthaniseurs et maintenant producteurs de carburant, ils ont développé une station en libre-service de bioGNV (biométhane), alimentée par leur méthaniseur.

Leur installation de méthanisation, AgriBioMéthane, est implantée quelques centaines de mètres plus haut. Elle a ouvert ses vannes en 2014. Créée par dix agriculteurs répartis sur quatre exploitations de polyculture-élevage, l’unité de biogaz a été l’une des premières à se tourner vers l’injection dans le réseau. L’installation est alimentée à 100 % par des déchets, avec 75 % d’effluents­ d’élevage des différentes exploitations et 25 % de sous-produits agroalimentaires. L’injection dans le réseau de distribution de GRDF, à raison de 110Nm3/h, est notamment possible grâce à une usine de viennoiserie industrielle qui consomme une partie de la production via des fours fonctionnant au gaz. Le reste alimente la ville de Mortagne-sur-Sèvre.

Producteurset distributeurs

« Le problème, c’est que l’été et les week-ends, la consommation de gaz diminue, et atteint un cap où l’injection dans le réseau n’est plus possible, constate Damien Roy, l’un des agriculteurs à l’origine du projet. Une partie de la production part alors dans la torchère. Produire du biogaz pour qu’il soit brûlé, c’est dommage. Nous voulions donc ne plus avoir à allumer la torchère et pérenniser notre production en la commercialisant nous-mêmes. » Depuis septembre 2017, c’est chose faite. Une partie du gaz produit est utilisée pour alimenter des moteurs thermiques de véhicules légers et poids lourds, avec l’installation d’une station-service. Le biométhane, qui arrive par une canalisation à 4 bars, est comprimé sur la station pour atteindre les 200 bars, pression nécessaire pour alimenter des véhicules. Les agriculteurs ont également installé un stockage équivalant à dix pleins de camions. « Il offre plus de flexibilité. Nous essayons de le vider le vendredi soir, ainsi, il peut se remplir durant le week-end, lorsque la consommation diminue et que l’injection n’est plus possible », explique Damien. La station possède une capacité de huit pleins de camion par heure avec trois postes de distribution : l’un est réservé aux véhicules légers, les deux autres sont pour les poids lourds.

0,999 centime/KG

De 20 000 kg/mois de biométhane à ses débuts, l’installation distribue aujourd’hui 27 000 kg/mois. Sous la marque AgriCarbur’, ce sont environ 20 % de la production de l’unité de méthanisation qui sont dédiés à la station de biocarburant. Ce chiffre augmente tous les ans, mais est dépendant de la demande. « Maintenant que nous avons l’offre, il faut la demande, souligne Damien. En effet, peu de véhicules sont encore équipés pour rouler avec ce carbu­rant. Nous avons une clientèle d’environ quinze véhicules légers et quinze poids lourds équipés pour le biogaz. Nous avons surtout la chance d’avoir plusieurs transporteurs sur la commune, et un gisement de près de 1 000 poids lourds sur 10 km à la ronde. »

Cependant, le coût d’une motorisation au gaz pour un poids lourd revient 20 à 25 % plus cher à l’achat. De plus, elle offre moins d’autonomie. L’argument principal, et pas des moindres, c’est le prix de vente : 0,999 centime par kg. Sachant qu’un kilo de biométhane est à peu près équivalent à un litre d’essence.

Pierre Peeters