« Je lave et désinfecte un seau de buvée en quinze secondes, sans effort », s’enthousiasme Jean-Michel Carlier. Sur son exploitation de Genech (Nord), il élève 120 vaches laitières, qu’il conduit pour les deux tiers en vêlages d’hiver. « Avec ces vêlages groupés, il peut y avoir jusqu’à 40 veaux et, donc, autant de seaux à laver, deux fois par jour », précise l’agriculteur. Bien démarrer les veaux, et surtout les futures productrices, en limitant les risques de diarrhée liée aux cryptosporidioses, Rota Coronavirus et E. Coli, est une priorité pour lui. Et ça passe par un nettoyage et une désinfection parfaits des seaux de buvée.

Or l’éleveur a un atout dans sa manche : c’est un inventeur-né. Du pont hydraulique pour faire passer les vaches sur le couloir d’alimentation à la lame repousse-fourrage qui s’oriente à 90°, l’exploitation regorge de ses créations. C’est par conséquent tout naturellement vers une solution d’autoconstruction que Jean-Michel s’est tourné.

Quatre postes de travail
Il a l’idée d’un manège à seaux divisé en quatre postes : pose et dépose du seau, lavage, rinçage et désinfection. Ces postes sont cloisonnés et étanchéifiés avec de larges bavettes. Le seau est placé verticalement et mis en rotation sur son axe. « Il est ainsi lavé et désinfecté à l’intérieur comme à l’extérieur, ce qui permet de l’empiler », souligne l’exploitant. L’éleveur se positionne au niveau du poste de chargement et déchargement des seaux et se contente de les placer et de les reprendre, puis d’appuyer sur le bouton de lancement pour déclencher la rotation suivante. Un automate gère ensuite toute la séquence. En moyenne, un seau ressort propre toutes les quinze à vingt secondes, et quatre seaux sont ainsi en permanence en rotation. Sur son premier prototype, l’agriculteur a opté pour une porte-guillotine au niveau du poste de chargement, « mais cela faisait perdre trop de temps », se souvient-il.

En constante évolution
« Sur ma solution définitive, j’ai opté pour des barres de détection de présence, qui protègent l’éleveur lors de la rotation mais lui permettent d’être toujours actif. Le temps qu’il enlève le seau propre et charge le nouveau, il est déjà temps de lancer le cycle suivant. »

Au niveau du poste de chargement, l’axe qui porte le seau est désormais monté sur une roue libre, ce qui facilite la mise en place. La case suivante réalise le lavage à l’eau à 55 °C et à 100, voire 120 bars de pression. Le poste d’après est celui du rinçage. La dernière partie du manège est consacrée à la désinfection. Jean-Michel a opté pour un traitement avec 10 lampes UV pendant trois secondes. « Mon objectif sanitaire est d’être au niveau log 3, c’est-à-dire de tuer 99,9 % des bactéries », annonce-t-il.

Entre les premières ébauches, le prototype et la version finalisée, l’éleveur-inventeur a consacré environ 2 000 heures au développement de son système de lavage et désinfection. Il cherche désormais à commercialiser son invention et a déjà développé un procédé de désinfection plus économique que les UV, basé sur de l’acide peracétique. « Une autre voie de développement est de jouer sur la polyvalence du système, par exemple pour traiter des moules à fromage », indique l’éleveur.
Corinne Le Gall