Système de production
Créer un verger-maraîcher
réservé aux abonnés

Associer légumes et arbres fruitiers offre de nombreux avantages agronomiques et un meilleur revenu, mais requiert plus de travail. La conception de ce système technique doit être mûrement réfléchie.
«La technique du verger-maraîcher explose depuis deux ans, notamment chez les agriculteurs déjà producteurs de légumes et les jeunes installés », note Nicolas Verzotti, agriculteur dans le Vaucluse (lire le témoignage ci-dessous). La forte progression des circuits courts, le foncier restreint, le souhait d’élargir sa gamme de produits, la recherche d’une stabilité économique en cas d’aléas climatiques, ou de variation des prix du marché expliquent cet engouement. Attention cependant, si « les pics et les creux de travail sont lissés, la charge globale a tendance à augmenter », précise-t-il.
Microclimat bénéfique
Parmi les bienfaits de ce système au niveau de la parcelle, on relève une plus grande biodiversité fonctionnelle – auxiliaires et pollinisateurs –, une meilleurs fertilité des sols et un effet microclimat qui permet de réduire les besoins en eau grâce à l’ombrage et à l’effet brise-vent, et d’offrir un meilleur confort de travail.
Autant de bénéfices confirmés par le projet Smart – Systèmes mixtes agroforestiers : création de références techniques & économiques –, mené entre 2014 et 2017 (lire À savoir ci-contre). Agriculteurs, conseillers et chercheurs donnent des clés pour concevoir et conduire « un système de production légumière associée à une production fruitière complémentaire, secondaire mais bien valorisée, sans pour autant créer un nouvel atelier spécialisé ».
Interrang de 8 à 10 m
Parmi les enseignements de ce programme, « l’orientation de la ligne d’arbres à planter sera différente selon la région et si l’objectif est la production fruitière ou la protection climatique », précise Nicolas Verzotti. Une orientation nord-sud sera privilégiée pour éviter l’ombrage sur les cultures annuelles et pour une récolte plus homogène des fruits. Mais dans les régions plus ensoleillées, elle pourra être ouest-est, « pour obtenir un gradient d’ombrage parallèle aux arbres et implanter des légumes en fonction de leur adaptation à l’ombre ». À titre d’exemple, les salades, asperges, radis, la rhubarbe ou le céleri branche tolèrent bien l’ombre.
Pour la conception, les rangées d’arbres peuvent être plantées plus serrées dans le Sud. La lumière y est plus forte, mais un minimum de 8 mètres est néanmoins à prévoir entre elles, afin d’éviter trop de concurrence et de gêne au travail avec le matériel. Au nord de la Loire, la distance minimale sera plutôt de 10 mètres. Pour un accès plus facile aux arbres, le double rang de fruitiers est également envisageable, avec une planche de 10 mètres de légumes et une bande de 10 mètres composée de deux rangées d’arbres, par exemple.
Concernant la conduite, une attention particulière devra être accordée à l’irrigation et à la fertilisation des arbres, pour leur permettre de bien s’installer et de prospecter en profondeur.
Les parcelles agricoles avec des arbres fruitiers sont éligibles aux aides du premier pilier de la Pac (DPB).
La limite de 100 arbres par hectare ne concerne que les arbres forestiers.
Pour les aides à l’installation de systèmes agroforestiers du deuxième pilier de la Pac, les dispositifs diffèrent selon les régions. Il faut se renseigner auprès de sa DDT et de sa chambre d’agriculture. Des appels à projet sont régulièrement proposés afin de soutenir une diversification, des investissements environnementaux ou des systèmes agroforestiers.
Le financement concerne les études, l’achat de plants, le paillage, les systèmes de protection et les travaux d’installation. Le financement participatif (par des particuliers ou des sociétés) est également envisageable.
« Je me suis installé hors cadre familial en 2012, avec l’idée d’associer les arbres au maraîchage sur une parcelle de 1,5 hectare. Nous connaissons, en Provence, plus de cent jours de mistral par an, ainsi que des pics de chaleur l’été et des gelées printanières. Les essences ont un effet brise-vent. Elles servent d’ombrières et tempèrent l’intensité du soleil l’été, tout en protégeant des gelées au printemps. Les arbres, notamment leurs feuilles, représentent également un atout fertilisant, car la matière organique permet d’enrichir nos sols légers et calcaires (limono-argilo-sableux).
Mes légumes – quatorze espèces différentes (1) – sont produits en bandes de 12 mètres, protégées d’un côté par une haie fruitière (noisetiers) et, de l’autre, par une rangée de pommiers, poiriers, figuiers et pruniers. Si c’était à refaire, j’en planterais deux ou trois rangs à côté, pour augmenter la production de fruits. Je choisirais davantage de figuiers et pruniers, plus adaptés à notre climat. Par ailleurs, je les mettrais en petits carrés, au lieu de grands linéaires, pour favoriser les auxiliaires. Au début, je pensais agrémenter le maraîchage par des arbres, alors qu’il faut réfléchir à une conduite de système global.
Concernant les haies fruitières, avec 6 à 7 mètres de large, outre le microclimat qu’elles créent (brise-vent et ombre), elles offrent aussi un bon abri pour la faune auxiliaire. Je n’ai pas de punaises sur les choux, contrairement à mes voisins. Lors de la récolte, je mets le véhicule à l’ombre, pour protéger les salades que je ramasse. »
(1) Plus de 50 % de la sole est réservée aux salades. Le reste se compose de poireaux, pommes de terre, cebettes, choux rouges, butternuts, tomates, potimarrons, aubergines, épinards, persil…