Vivescia, EMC2 et d’autres coopératives céréalières, réunies au sein de CRD (1), ont missionné ARD (2) pour mettre au point des biointrants, et notamment des biofongicides à partir de champignons ou de bactéries du sol issus de prélèvements effectués dans le Grand-Est. « Ces souches sont déjà adaptées au climat de la région et à ses pratiques phytosanitaires, explique Alix Rousseau, chef de projet R & D, chez ARD. Donc, ce sont celles qui ont le plus de chance de se développer en tant que biofongicide. »
Tests en conditions contrôlées
Après plusieurs étapes de « screening » sur boîte de Pétri, des tests ont eu lieu en conditions contrôlées pour étudier différentes doses des souches présentant une efficacité, le positionnement du traitement, l’intégration dans un programme fongicide… « Ces souches doivent être compatibles avec l’emploi de fongicides chimiques. »
Le mode d’action est également scruté. « Plus une souche en combinera de différents, plus elle sera performante et moins il y aura de risques de contournement par le champignon pathogène », poursuit l’expert. En parallèle, un procédé de production de ces souches d’intérêt, économiquement viable, est élaboré, de même qu’une formulation, avec la difficulté de maintenir la souche d’intérêt vivante.
Suite au test des souches les plus intéressantes au champ, un candidat a été retenu. C’est un champignon avec plusieurs modes d’action : mycoparasitisme, antibiose et compétition spatiale. « 2020 sera la troisième année d’essai dans les coopératives de CRD avec ce champignon formulé et stabilisé, précise Mathias Sexe, d’EMC2, président du comité technique de CRD. Cette année, des essais seront aussi réalisés par Arvalis au niveau national. » Ce champignon procure de bons effets sur fusariose, avec une réduction du taux de DON significative, inférieure à celle obtenue avec la dose d’homologation de Prosaro, mais équivalente ou supérieure à celle de la dose d’usage de ce dernier, sauf en cas de forte infestation.
Champignon à plusieurs modes d’action
Sur septoriose, les résultats significatifs en termes de dégâts sur feuilles (même efficacité que la référence à pleine dose, ou intermédiaire entre la demie et la pleine dose) ne se traduisent pas toujours en matière de rendement. Par ailleurs, cette solution a également montré un comportement intéressant sur rouille brune en 2017, année où la maladie s’est bien exprimée. « Nous réussissons à la mélanger avec des fongicides chimiques sans trop perdre de souches, poursuit Mathias Sexe. Nous progressons aussi sur le nombre d’applications optimales et la concentration à utiliser. »
Aujourd’hui, CRD recherche un partenaire pour mettre en marché (d’ici cinq à six ans, si tout va bien) ce nouveau biofongicide. « Notre objectif est d’obtenir des produits moins chers que les biofongicides actuellement proposés, c’est-à-dire un prix en rapport avec son efficacité. »
Des habitudes à modifier
Ce biofongicide aura une date limite d’utilisation optimale de quelques mois seulement, ce qui nécessitera une logistique un peu particulière et différente de celle des produits chimiques. Il en sera de même pour le stockage car il est plus stable à 4 °C qu’à température ambiante. « L’itinéraire technique devra peut-être être repensé, même si nous essayons de coller le plus près possible aux habitudes des agriculteurs pour que le biofongicide ne soit pas trop compliqué à utiliser », précise Alix Rousseau, chef de projet R & D, chez ARD.
À savoir
CRD est ouvert à associer d’autres coopératives sur ce sujet car elle dispose d’autres micro-organismes pouvant être exploités. Or cela nécessite des moyens financiers et expérimentaux. Le champignon actuel, efficace sur céréales, peut l’être sur d’autres cultures.