Après plusieurs semaines de baisse, les prix des céréales sont tombés à un niveau qui a éveillé l’intérêt des importateurs et a déclenché des achats qui ont fait rebondir les cours. Mais les turbulences sur les marchés financiers suscitées par l’effondrement de plusieurs banques internationales ont fortement limité la hausse des prix des céréales et ont entraîné une chute des cours du complexe oléagineux.

Timide rebond des prix du blé

Après une baisse de près de 30 €/t depuis le mois dernier le blé s’est renchéri cette semaine. Le blé meunier rendu Rouen (base : juillet) est en hausse de 4 €/t, à 263,5 €/t, tandis que le rendu La Pallice enregistre un gain de 5 €/t à 267 €/t.

Les marchés ont enrayé leur mouvement baissier à la faveur d’un retour aux achats de l’Algérie et de la Tunisie au début de la semaine, pour respectivement 540 000 tonnes et 234 000 tonnes de blé. Le retour de ces pays aux achats, perçu comme précoce par le marché, intervient alors que persiste un climat très sec. Cela pourrait avoir un impact sur le niveau de production de l’Afrique du Nord.

En parallèle, les discussions sur le prolongement du corridor sécurisé d’exportations de grains de la mer Noire se poursuivent entre les autorités russes, ukrainiennes, turques et les Nations unies. Même si la perspective d’un prolongement paraît s’éclaircir au vu des intérêts de chacun, des écueils subsistent concernant la durée de ce prolongement et les contreparties d’abandon de sanctions réclamées par la Russie.

En Allemagne, la première estimation officielle de production de la campagne de 2023-2024 est parue cette semaine et montre une baisse de 2 % par rapport à l’année dernière, essentiellement due à une diminution des surfaces semées. Cela a aussi contribué au petit rebond des prix enregistré cette semaine. Enfin, le déficit hydrique de plus en plus important sur la péninsule Ibérique, ainsi que sur les régions céréalières de l’Europe de l’Est, pourrait se transformer en facteur haussier. Il faudra le surveiller attentivement durant la suite de la campagne.

Toutefois, ces éléments ont été en partie contrebalancés par d’autres aspects qui continuent de faire pression sur les prix. En effet, sur les dernières ventes, les blés en provenance de l’Ukraine et de la Russie ont représenté une part importante des volumes achetés, à l’image de l’approvisionnement égyptien de 120 000 tonnes ce jeudi, de nouveau remporté par la mer Noire, aux dépens des origines européennes.

D’autre part, FranceAgriMer continue d’estimer que 95 % des blés français sont dans de bonnes à très bonnes conditions pour la récolte à venir. Enfin, la tonalité baissière des marchés financiers cette semaine à la suite de la faillite de la Silicon Valley Bank fait craindre une panne de la demande en produits agroalimentaires, et conduit les acheteurs de certains secteurs à la prudence.

Les prix du maïs repartent à la hausse sur la scène mondiale

Après avoir fortement baissé ces dernières semaines, le maïs Fob Bordeaux a amorcé une hausse ces derniers jours (+4,5 €/t, à 270 €/t). Il a ainsi suivi les prix sur la scène internationale. Le maïs Fob Rhin n’est, quant à lui, pas encore reparti à la hausse ; il a plutôt reculé (–6,5 €/t, à 267 €/t sur la semaine) sous l’effet d’une faible demande du secteur de l’amidon mais aussi de l’offre abondante en maïs ukrainiens et polonais en Allemagne.

La très récente remontée des prix sur la scène mondiale fait notamment suite au retour des achats chinois de maïs origine américaine. En effet, la dernière publication des « Export sales » de l’USDA témoigne d’une reprise des exportations et d’un regain d’attractivité des maïs américains à destination de l’Asie. En outre, la hausse de la production hebdomadaire d’éthanol annoncée par l’US Energy Information Administration (EIA) dans sa dernière publication a aussi contribué à cette hausse.

En Argentine, les conditions continuent de se dégrader avec des températures très élevées qui viennent affecter encore une fois le potentiel de production. Les dernières estimations de production des Bourses de Rosario et Buenos Aires ne sont guère optimistes, avec seulement 35 et 36 millions de tonnes respectivement. Il s’agit du plus bas niveau depuis la campagne de 2017-2018.

En Ukraine, les préoccupations sur le renouvellement du corridor maritime sont au cœur des discussions, même s’il semble être sur de bons rails. Du côté de la demande, le contexte économique joue un rôle clé dans les perspectives de croissance et plaide en faveur d’une demande déprimée. La fragilité de certaines banques, mise en lumière cette semaine par la faillite de plusieurs d’entre elles aux États-Unis ces derniers jours, a fait passer les signaux au rouge.

De plus, l’inflation en Europe continue d’alimenter les risques de récession, avec des conséquences néfastes pour la consommation. Finalement, les prix du maïs sont tiraillés entre chute de la production mondiale et demande timorée.

Les stocks élevés pèsent sur le prix du colza

Les cours de la graine oléagineuse continuent de dévisser, avec un recul de plus de 25 €/t sur la semaine, que ce soit sur le marché physique (–26 €/t rendu Rouen, à 461 €/t) ou le marché à terme (–26,5 €/t pour l’échéance mai sur Euronext). Les prix de la nouvelle récolte sont aussi en baisse : la cotation août 2023 a perdu presque 25 €/t en sept jours.

D’une part, la demande de colza ralentit en Europe, avec un regain d’intérêt des triturateurs pour le soja, en raison des bonnes marges de trituration de la fève, permises par les cours élevés du tourteau. De plus, des flux très importants de canola australien continuent d’arriver dans les ports de l’ouest de l’Union européenne. Nous estimons désormais que les importations européennes devraient dépasser le chiffre de sept millions de tonnes sur la campagne de 2022-2023.

Par ailleurs, les conditions de culture des colzas sont plutôt bonnes dans l’ensemble de l’Union européenne. Si le mois de février a pu être très sec dans certaines grandes régions de production, le retour des pluies en mars a été généreux : les pluies cumulées sur deux mois pourraient dépasser les normales de saison sur une grande partie de l’Union européenne. À noter la persistance d’un climat sec en Hongrie et en Roumanie.

Enfin, la chute du prix du pétrole de plus de 13 % sur la semaine, en raison des soubresauts qui agitent le secteur bancaire et financier en Europe et aux États-Unis, a pesé sur les cours des huiles et du colza. En définitive, l’offre abondante et la demande restreinte entraînent les prix français à leur plus bas niveau depuis deux ans.

Tourteaux de soja : la tempête sur les marchés financiers plombe les prix

Cette semaine, les cours des tourteaux de soja ont perdu du terrain entraîné par la baisse du prix du pétrole, en lien avec la fébrilité des marchés financiers. Cette agitation alimente les craintes de récession et en conséquence fait redouter une chute de la consommation de viandes et produits laitiers en Europe et outre Atlantique.

Ainsi, le prix du tourteau de soja sur le CBOT a baissé de 27 $/t en une semaine, pour s’afficher à 523 $/t. À Montoir-de-Bretagne, le cours a perdu 21 €/t en sept jours pour s’établir à 599 €/t. De plus, les températures devraient chuter et les précipitations s’améliorer au cours de la semaine prochaine en Argentine, favorisant les cultures affectées par la chaleur et la sécheresse. Par ailleurs, les ventes hebdomadaires à l’exportation de soja US ont été en dessous des attentes du marché, ce qui a aussi contribué à faire pression sur le prix de la fève et par ricochet sur celui du tourteau.

De nouveaux cas de peste porcine africaine sont apparus récemment en Chine, ce qui aurait entraîné des abattages dans certaines régions. À l’échelle du pays, la situation serait loin d’être aussi sévère que la crise sanitaire qui a touché les élevages porcins chinois à 2018. Cela reste néanmoins à surveiller.

À noter également que la production de soja brésilienne est toujours attendue à un niveau record. Les températures plus élevées et les pluies désormais plus éparses permettent actuellement une avancée plus rapide de la récolte au Brésil que sur les semaines précédentes.

Toutefois, le repli des prix des tourteaux se voit atténué par les perspectives de réduction considérable de l’offre mondiale en tourteaux de soja à cause de la sécheresse en Argentine. La production de soja en Argentine est en effet attendue à son plus bas niveau depuis les années 2000.

À suivre : conditions météorologiques en Europe (colza, blé), en Amérique du Sud (soja, maïs), en Amérique du Nord (blé d’hiver), situation économique mondiale, prix du pétrole, inflation, situation sanitaire au Brésil (grippe aviaire) et en Chine (peste africaine porcine).