Les prévisions des stocks mondiaux de blé dur à la fin de juin 2023 font état de niveaux faibles, "au plus bas depuis quinze ans", autour des 8 millions de tonnes, a introduit Yannick Carel, ingénieur du pôle d'économie chez Arvalis, le 1er février 2023 à la journée de la filière du blé dur. Le ratio stock/consommation recule ainsi à 24%, contre une moyenne de 31 %, "ce qui explique la situation de forte tension sur les marchés".

Cours élevés

Les prix Fob atlantique sont ainsi restés « relativement élevés » cette année, supérieurs à ceux de l’automne 2014, où ils avaient particulièrement progressé, a-t-il retracé. Même si les cours restent hauts, le marché fait aujourd’hui face à un tassement des prix, que Yannick Carel explique par plusieurs facteurs :

  • Un manque de dynamisme, courant à cette époque de la campagne,
  • La remontée de l’euro et l’évolution du dollar canadien face au dollar américain, qui font perdre en compétitivité les blés français et européens,
  • Le coût du fret maritime, qui a tendance à reculer, améliorant ainsi la compétitivité des blés plus lointains.

Production mondiale dans la moyenne

La récolte mondiale de 2022 (campagne de 2022-2023) atteindrait les 33,7 millions de tonnes, équivalente à la moyenne quinquennale mais en hausse sur un an. Les bons rendements observés en Amérique du Nord, en Turquie et au Mexique notamment, ainsi que les surfaces mondiales à leur quasi plus haut (12,4 millions d’hectares), en sont à l’origine.

Dans l’Union européenne (UE), la production se situerait légèrement au-dessus des 7 millions de tonnes, "en pente descendante", a commenté Yannick Carel. "Cette année, ce n’est pas forcément un problème de surface, mais plus de rendements très mauvais chez les pays du pourtour méditerranéen européen", explique-t-il. La récolte marocaine dégringolerait quant à elle, pour la seconde fois sur les trois dernières campagnes.

Pour la récolte de 2023, (campagne de commercialisation de 2023-2024), les surfaces sont attendues en hausse de 1 %. En progression au Mexique (+1,5%) mais en repli au Canada (–4%), aux États-Unis (–5%) et dans l'Union européenne (–2%). La concurrence avec le blé tendre et le prix de l'azote pourrait expliquer ce repli. "En étant optimiste sur le niveau de rendement, on pourrait malgré tout voir une reconstitution des stocks l'année prochaine, ce qui limiterait la tension sur le marché. Mais ces chiffres restent très prévisionnels", prévient Yannick Carel.

Les surfaces françaises s’érodent

En France, la récolte de 2022, à 1,34 million de tonnes, se classe comme la deuxième plus faible sur les dix dernières années. En partie due au rendement, de 53 q/ha contre une moyenne à 56, mais surtout à l'érosion des surfaces. Celles-ci ont chuté à quelque 250 000 hectares, "soit 100 000 de moins qu'il y a trois ou quatre ans", rapporte l'expert. Pour la récolte de 2023, les chiffres du ministère et des enquêtes d'Arvalis tablent sur un repli de 5 à 10 % supplémentaire.

L'écart de prix entre le blé tendre et le blé dur au moment des choix d'assolement pourrait en être l'une des causes. "En moyenne depuis le début de la campagne de 2022-2023, on a un écart de 100 euros, ce qui laisse normalement un avantage au blé dur. Mais il s'est réduit, entre 50 et 60 €/t en septembre. Il y a aussi des craintes sur les prix et la disponibilité de l'azote, et un besoin de visibilité pour les producteurs", explique-t-il.