Les prix des céréales s’effondrent cette semaine et ceux des oléagineux suivent, poussés par des interrogations concernant les négociations US-Chine d’une part, les grèves en France et la perspective des importations de biodiesel argentin.

Rechute en blé cette semaine

Le rebond amorcé à la fin de la semaine dernière – après la vente à l’Égypte – a été de courte durée. De nouveau, les prix ont diminué au cours de cette semaine et cela a concerné aussi bien les cotations sur le marché physique (–5 €/t, à 184 €/t base juillet rendu Rouen) qu’Euronext (–5 €/t, à 191 €/t sur l’échéance de mai). Les prix ont plongé aussi à l’intérieur des terres, abandonnant 7 €/t à Creil (à 176 €/t).

 

Ce plongeon français ne s’est pas produit seul. Les blés russes, malgré la diminution de leurs disponibilités, ont perdu 5 $/t cette semaine de même que les blés argentins. Les blés US de bonne qualité meunière (HRW) ont perdu encore plus, 13 $/t, à 216 $/t Fob Gulf. C’est le point important de la semaine : alors que les blés US avaient plutôt résisté à la baisse généralisée des prix jusqu’à maintenant, ils se sont effondrés cette semaine au point qu’ils valent maintenant 10 $/t de moins que leurs homologues allemands ou baltes et 7 $/t de moins que les blés français.

 

A ce niveau, les blés US sont en train de gagner en compétitivité et il est probable qu’ils remportent une part de l’appel d’offres en cours lancé cette semaine par l’Arabie (blé). Toutefois, il faut probablement qu’ils chutent encore relativement à leurs concurrents pour capter beaucoup de demande à l’exportation.

 

Parmi les achats rapportés cette semaine, on note plusieurs affaires qui seront chargées sur le début de la campagne prochaine : c’est le cas de la Jordanie et de la Thaïlande qui viennent d’acheter pour chargement sur août et septembre.

 

Une situation qui ne tient pas assez compte de la chute des stocks en fin de campagne.

En janvier et le début de février, le passage de relais qui était attendu entre la Russie et les autres exportateurs s’est pourtant bien produit : les prix russes ont augmenté, les chargements russes ont diminué au profit des chargements argentins puis des ventes européennes et US.

 

Néanmoins, le mouvement n’a pas été perçu comme suffisant par l’ensemble des opérateurs sur le marché mondial. Beaucoup de firmes avaient construit des positions « longues » (achat de marchandise) et n’ont pas trouvé acheteur aussi vite que prévu. Cela a créé beaucoup d’inquiétude et un mouvement de panique sur les prix, mouvement renforcé par la chute du rouble il y a une dizaine de jours et la ré-évaluation du disponible exportable par les autorités russes.

 

Il est vrai que les échanges mondiaux de blé tendre ne seront pas aussi élevés sur le semestre de janvier à juin 2019 qu’ils ne l’ont été sur le semestre de juillet à décembre 2018 (–11 %). Toutefois, une plus large part de ces échanges repose sur l’UE et les USA d’une part. Par ailleurs, ces échanges vont conduire à des stocks bas en Europe, au Canada, en Australie, en Russie et à des stocks assez élevés mais en nette chute par rapport à l’an dernier aux USA.

 

Or, tout se passe actuellement comme si cette situation de réduction des stocks n’était pas du tout prise en compte par le marché. Deux constatations face à cette situation : soit l’offre est plus ample qu’estimé (peut-être en Russie), soit les achats de la seconde moitié de campagne qui sont en train de prendre place vont finir par écluser les disponibilités et stopper cette baisse des prix.

 

Certes, les perspectives demeurent lourdes pour la prochaine campagne (et le retour des pluies en France cette semaine est de bon augure), mais il reste encore beaucoup de demande à servir en ancienne campagne même si quelques pays commencent à acheter de la nouvelle récolte.

L’orge repart à la baisse

L’effondrement s’est poursuivi en orge en zone portuaire : le prix à Rouen a perdu 9 €/t cette semaine à 158 €/t alors que les prix à l’intérieur du pays chutaient plus modérément (–2 €/t Fob Moselle). Les valeurs brassicoles ont suivi le mouvement abandonnant 5 €/t à Creil (à 164 €/t) pour les orges d’hiver et 2 €/t (à 176 €/t) pour les orges de printemps.

 

L’Arabie n’a toujours pas relancé d’appel d’offres et la situation est très tendue entre la Chine et l’Australie. L’orge est remplacée par du maïs, l’Australie doit trouver des débouchés alternatifs pour son orge et la France, au contraire du blé, fait face à une perspective de gros stocks d’orge désormais en fin de campagne.

 

La Tunisie et la Jordanie ont acheté de l’orge cette semaine (75 000 tonnes et 60 000 tonnes respectivement) pour chargement entre le 25 avril et le 5 juillet pour la Tunisie et entre le 15 et le 31 août pour la Jordanie. Les affaires portant maintenant sur la nouvelle récolte se font plus nombreuses, à un prix décompté de 10 à 15 $/t par rapport aux achats qui doivent être livrés en ancienne récolte.

 

Comme mentionné la semaine dernière, nous continuons de penser qu’un petit rebond des prix n’est pas à exclure si l’Arabie revenait au marché.

Le maïs suit le mouvement

Le maïs s’est lui aussi orienté en baisse cette semaine : il perd 4 €/t Fob Rhin (à 161,5 €/t base juillet) et 5 €/t à La Pallice (à 161,75 €/t). Cette baisse est tirée par l’évolution des prix mondiaux qui perdent 6 $/t au départ de l’Ukraine et de l’Argentine et 3 $/t au départ des USA.

 

Les négociations entre les US et la Chine semblent végéter cette semaine et les espoirs de résolution sont moins forts que la semaine dernière. Cela constitue plutôt un facteur baissier pour les maïs US (même si la Chine n’est pas un très gros acheteur de maïs). Par ailleurs, les ventes continuent au départ de l’Ukraine et la pression reste forte. A cela se rajoutent les bonnes perspectives de récolte en Amérique du Sud et la hausse attendue des surfaces de maïs aux USA pour la récolte de 2019. En conséquence, un cocktail qui demeure baissier et qui, de plus, subit l’influence baissière du blé et de l’orge.

Le colza encore plus bas

Les cours du colza chutent également. Leur baisse demeure plus modérée que celle du blé ou de l’orge mais la tendance reste baissière à la fois pour des raisons « européennes » mais aussi à cause d’un environnement mondial moins porteur que la semaine dernière pour le soja.

 

Les grèves chez Saipol entraînent une baisse de trituration d’une part. La perspective d’une remontée des importations de biodiesel avec l’accord passé récemment entre l’Argentine et l’UE est à l’arrière de tous les esprits d’autre part, avec un accroissement probable des importations dès le printemps (arrivée des nouvelles récoltes de soja en Argentine).

Un soja moins soutenu que la semaine dernière

Sur le créneau du soja, Chicago chute légèrement cette semaine après la hausse suscitée la semaine dernière par les espoirs de résolution du conflit US-Chine.

 

D’une part, les achats additionnels de 10 millions de tonnes de soja US annoncés par la Chine ne sont pas encore garantis (les sojas sud-américains restant plus attractifs). Par ailleurs, vu les achats de soja qu’elle a déjà effectués, la Chine est partie pour triturer nettement moins cette campagne. Cela était déjà prévu mais sa trituration prévisionnelle vient d’être revue en nette baisse. Nous l’estimons maintenant en chute de 11 % par rapport à celle de l’an dernier. Les difficultés d’approvisionnement en graines sont une des explications de cette réduction mais la très forte propagation de la peste porcine en est une autre.

 

La situation mondiale des graines de soja et des tourteaux se retrouve ainsi encore plus lourde que prévu auparavant : les prix le reflètent cette semaine, avec des graines de soja qui perdent 4 $/t à Chicago (à 331 $/t pour l’échéance rapprochée) et des tourteaux de soja qui abandonnent 3 €/t à Montoir, à 324 €/t. En Europe, les marges de trituration du soja sont bonnes et toutes les usines qui peuvent choisir leurs matières premières maximisent actuellement les utilisations de soja, renforçant ainsi la production de tourteaux.

 

Malgré la baisse des prix du blé et des tourteaux, le prix des pois est resté stable cette semaine à 201 €/t départ Marne.

Le tournesol résiste

Après le bond de la semaine dernière, le tournesol reste plus stable : les prix du tournesol ont été tirés par la demande industrielle et sont maintenant supérieurs aux prix de la campagne précédente sur la même période. Selon les dernières statistiques de Fediol, la trituration européenne a été très dynamique sur la première moitié de campagne avec des marges de triturations très intéressantes. La forte demande en huile de tournesol, notamment pour la consommation alimentaire, devrait maintenir un rythme de trituration soutenu dans les prochains mois, via notamment une hausse des prix des huiles. Cela devrait continuer de soutenir les prix de la graine de tournesol.

 

À SUIVRE : évolution des prix du blé US, achat ou non de la part de l’Arabie en orge, climat du printemps et son impact sur les céréales à paille, le colza et les semis de maïs dans l’hémisphère Nord, sur les récoltes de maïs et soja dans l’hémisphère Sud, poursuite des discussions entre Chine et USA, exportations US de soja.