Les prix repartent à la hausse cette semaine en lien avec des chargements importants, quelques inquiétudes climatiques et l’avancée des négociations Chine-US.
L’activité d’exportation tire enfin les prix du blé
Les chargements de blé vont bon train actuellement entraînant des goulots d’étranglement logistique à Rouen. Des bateaux sont en cours de chargement pour le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, la Côte d’Ivoire, Cuba, l’Espagne, le Portugal. Par ailleurs, les statistiques douanières françaises de février viennent d’être publiées et confirment une hausse par rapport à celle du mois de janvier.
Cette situation a soutenu le prix du blé cette semaine et a permis au blé rendu Rouen de gagner entre 3 et 4 €/t (à 184,25 €/t rendu Rouen et 182,75 €/t rendu La Pallice en base juillet) en ancienne récolte alors que la nouvelle récolte s’affaissait modérément (–0,5 €/t, à 172 €/t rendu Rouen et 172,5 €/t à La Pallice).
Sur le marché mondial, les blés français se sont ainsi renchéris de 2 $/t environ alors que les blés argentins gagnaient 5 $/t et les blés US SRW (blé meunier de qualité basse) 3 $/t. Les blés argentins sont en train de rebondir modérément après a douche froide d’il y a quinze jours faisant suite à la possibilité ouverte par le Brésil d’importations sans taxe de 750 000 tonnes de blé provenant de pays non-Mercosur.
Une nouvelle campagne bien inversée
Les blés US, quant à eux, ont d’abord réagi en baisse au début de la semaine à la suite de l’impact de la publication de l’USDA le 29 mars qui annonçait des stocks pléthoriques de maïs et de soja et une prévision de semis de maïs très supérieure aux attentes. Le plongeon du maïs et du soja a alors tiré le blé à la baisse aussi. Ensuite, le blé est reparti à la hausse à Chicago en raison des inondations du Midwest, d’une surface de blé de printemps inférieure à ce qui était escompté et aussi de l’espoir d’un dénouement des négociations entre les USA et la Chine.
En effet, les USA et la Chine ont débuté de nouvelles discussions en cette fin de semaine. Cette remontée des prix US, accompagnée d’un chiffre soutenu concernant les ventes US à l’exportation cette semaine, a aussi contribué au soutien des prix français. L’achat de 120 000 tonnes par l’Algérie, pour du blé français largement, a aussi constitué un facteur explicatif de la reprise.
Tirés par un fort décompte en mer Noire entre les prix nouvelle et ancienne campagne (prix de la nouvelle récolte de blé russe inférieurs de 30 $/t à ceux de l’ancienne), les blés français nouvelle récolte, quant à eux, voient plutôt leur prix s’affaisser malgré les inquiétudes (encore modérées toutefois) liées à la situation sèche dans l’est et le sud de l’UE. Cela est conforme avec les perspectives lourdes et baissières qui s’annoncent pour la campagne de 2019-2020 à condition toutefois que des pluies régulières viennent confirmer les potentiels de rendement.
Soubresaut de l’orge
Comme pour le blé, les cotations de l’orge ont repris des couleurs cette semaine à Rouen (+4 €/t, à 168 €/t rendu Rouen en base juillet). Peu de bateaux chargés ces derniers jours mais il reste encore des chargements à effectuer vers la Chine et peut être vers l’Arabie. La situation est moins soutenue en revanche à l’intérieur des terres, le Fob Moselle étant resté stable cette semaine à 165 €/t.
La Jordanie vient de lancer un nouvel appel d’offres pour 120 000 tonnes à livrer sur septembre-octobre. Ce pays a déjà lancé cinq appels d’offres depuis mars sans rien pouvoir acheter. En effet, le risque de rejet à l’arrivée (contrôles qualitatifs tatillons) et les risques de paiement dissuadent beaucoup d’offreurs potentiels.
Le marché de l’orge fourragère bascule à l’heure actuelle sur la nouvelle récolte (une partie de l’achat récent de l’Arabie pourrait être servie par des orges de la nouvelle récolte de la mer Noire). Pour l’orge fourragère comme pour le blé, la situation s’annonce assez lourde pour la nouvelle récolte en Europe avec des prix qui tirent actuellement vers le bas ceux de l’ancienne.
Stabilité sur le segment brassicole en ce qui concerne les orges de l’ancienne récolte mais progression en nouvelle récolte de 2 à 3 €/t (à 180 €/t pour les orges d’hiver et 193 €/t pour les orges de printemps) à cause du manque de pluies dans plusieurs régions françaises.
Le maïs indifférent
Le maïs français a encore perdu un peu de valeur sur le Rhin (–3 €/t cette semaine à 154 €/t en base juillet) mais il a vu ses prix s’étoffer légèrement sur la façade atlantique (+1 €/t, à 162,5 €/t Fob Bordeaux).
Sur le marché mondial, la plupart des cotations se retrouvent sous leur niveau de la semaine dernière. Les prix ont pourtant rebondi légèrement ces derniers jours en raison des inondations et des pluies aux USA qui risquent de repousser et de faire chuter les semis de maïs US par rapport aux très fortes intentions des producteurs. Néanmoins, ils n’ont pas pu gommer le plongeon de vendredi 29 mars en soirée.
Ce plongeon a découlé des chiffres de l’USDA affichant des stocks de maïs et de soja très élevés au début de mars ainsi que des intentions de semis en hausse – ce qui n’était pas une surprise – mais bien supérieure à la moyenne des prévisions. En effet, les producteurs US accroissent leur semis en raison de la situation incertaine du soja (différend Chine-US), en raison aussi de prix jugés trop bas pour le blé.
Cette situation a maintenu la pression sur les valeurs françaises. Les semis de maïs grains ont débuté dans le Sud-Ouest : surface et production françaises sont attendues en forte progression pour la récolte à venir après les lourds déboires climatiques de 2018.
Légère progression en colza
Le colza européen progresse légèrement cette semaine. En France, il gagne 3 €/t à 4 €/t rendu Rouen, Fob Moselle et sur Euronext. Au Canada, le canola enregistre aussi une légère progression. Il progresse de 4 $/t exprimé en dollar US et 1 $/t exprimé en dollar canadien.
Malgré un contexte lourd sur le marché mondial du colza, et en particulier au Canada, les cours semblent profiter d’une remontée du pétrole, et surtout de l’huile de palme dont les stocks sont estimés au plus bas depuis cinq mois en Malaisie. Une prévision de recul marqué des surfaces de canola au Canada faisant suite à l’arrêt des importations de cette origine par la Chine et des doutes quant aux conditions de floraison dans l’UE apportent par ailleurs un soutien supplémentaire aux cotations.
Tournesol : des conditions sèches aux semis en Europe du Sud-Est
Les cours du tournesol sont inchangés à Saint-Nazaire (325 €/t) comme en mer Noire (355 $/t). Les semis pourraient pâtir de conditions plutôt sèches dans l’UE, notamment en Roumanie, en Bulgarie et en Hongrie, ainsi qu’en Ukraine.
L’avancée des négociations commerciales Chine-USA arrive encore à soutenir les cours.
Le soja progresse de 6 $/t sur l’échéance de mai du marché à terme de Chicago. Il bénéficie avant tout de nouvelles avancées des négociations commerciales entre la Chine et les USA, bien que celles-ci ne soient pas encore annoncées en détail par les gouvernements des deux pays. Il faudra probablement encore attendre au moins un mois pour connaître le contenu de l’accord attendu depuis maintenant un an.
Du côté des cultures, les conditions de semis semblent globalement encourageantes en Argentine où les premiers lots récoltés présentent des rendements supérieurs aux attentes. Au Brésil, la récolte est pour le moment sans surprise, avec un rendement moyen inférieur aux deux dernières campagnes du fait des conditions sèches qui ont prévalu de décembre à février.
Aux USA, les récentes inondations et variations de prix compliquent les prévisions concernant les surfaces qui seront semées ce printemps. Pour le moment, il semble probable que la surface de soja pourrait être supérieure à ce qui était envisagé il y a peu en raison d’une rentabilité intéressante et de conditions de semis difficiles en maïs dans les zones inondées.
Le tourteau de soja profite de la hausse de la fève et voit sa cotation gagner 5 $/t sur le CBOT et 6 €/t à Montoir. La compétitivité du tourteau de soja dans les rations reste élevée dans l’UE comme au niveau mondial et indique une demande ferme pour les mois à venir chez les principaux consommateurs, hormis en Chine ou la fièvre porcine continue de décimer le cheptel porcin.
Le manque de viande en Chine pourrait toutefois vivement stimuler les élevages porcins et avicoles des principaux pays exportateurs de viande dans les prochains mois et ainsi partiellement compenser la baisse de la demande chinoise en tourteau. On ne peut toutefois s’attendre à un jeu à somme nulle. À moins d’une forte rétention par les producteurs de fève de soja en Amérique du Sud, la croissance de la demande mondiale en tourteau de soja va certainement fortement ralentir dans les prochains mois et peser sur les cours du complexe soja.
Le pois profite de la progression du tourteau de soja et gagne 6 €/t depuis la dernière publication.
À SUIVRE : crise sanitaire en Chine, inondations et situation hydrique aux USA, météo en Europe et au Maroc, semis de printemps en Russie et Amérique du Nord, récolte en Argentine.