Les prix des céréales continuent à ployer sous les perspectives optimistes en nouvelle récolte, malgré certaines alertes climatiques en Europe. C’est le contraire pour le colza dont le prix grimpe à la suite des perspectives de baisse de la récolte.
Pas de répit pour le blé tendre
En blé tendre, l’accélération des chargements français à l’œuvre depuis plusieurs semaines ne suffit pas à contrecarrer la pression exercée par les prévisions d’une ample production mondiale en 2019-20. Ainsi, malgré des expéditions très dynamiques à destination du Maroc (près de 450 000 tonnes sur le seul mois d’avril et près de 1,3 million de tonnes depuis le début de la campagne) et des perspectives qui restent optimistes sur avril-juin concernant les ventes à l’Algérie, le rendu Rouen s’érode de nouveau cette semaine, à 175 €/t (–3 €/t sur la semaine).
Le repli est légèrement tempéré par l’affaiblissement de l’euro face au dollar. En outre, le retour des pluies annoncé sur l’Hexagone allège les craintes liées à l’installation d’un temps trop sec. Il faudra toutefois surveiller la concrétisation de ces espoirs, notamment dans la Région Centre, où les cultures manquent d’eau. À l’inverse, la situation devient de plus en plus critique sur l’Europe centrale, et même sur certaines parties de l’Allemagne et de la Pologne.
À l’international, le bureau météorologique australien vient de publier des prévisions de pluies sur l’ouest de l’île-continent, qui en a bien besoin pour améliorer les conditions de début de cycle pour les cultures. C’est là aussi un élément baissier pour le marché, tout comme les dernières prévisions de surfaces en blé au Canada. Les chiffres officiels publiés par StatCan le 24 avril font état d’une forte remontée des surfaces en blé de printemps. Ces projections sont toutefois sujettes à caution car elles s’appuient sur des enquêtes réalisées auprès des agriculteurs en février. Or, l’évolution des prix depuis cette date pourrait avoir poussé les producteurs à revoir à la baisse leurs intentions de semis (les emblavements sont en cours).
Dans un tel contexte, l’appel d’offres de l’Arabie Saoudite pour 600 000 tonnes (livraison en juillet-septembre) n’est pas de nature à redresser les prix de la nouvelle récolte (et il est de toute façon peu probable que le blé français emporte un volume significatif de ce marché compte tenu des exigences qualitatives saoudiennes).
Le Fob mer Noire pour le blé russe à 12,5 % de protéines continue ainsi de tirer le complexe mondial à la baisse, avec des prix russes désormais à 188 $/t sur août. Le Fob Rouen est obligé de suivre pour ne pas se laisser trop distancer mais, malgré une nouvelle baisse, le blé français demeure plus cher que son concurrent de la mer Noire (à 194 $/t, soit 167 €/t en rendu Rouen), ce qui n’augure rien de bon pour l’exportation du début de la campagne.
L’orge continue à piquer du nez
À l’instar du blé, l’orge reste sur la pente descendante, tandis que toute l’attention se tourne maintenant sur la nouvelle campagne, et donc en particulier sur les conditions des cultures.
Pour les orges fourragères, en nouvelle récolte, le rendu Rouen cède 1,5 €/t, à 153,5 €/t, tandis que le Fob Moselle résiste mieux (–0,5 €/t). En orge brassicole, la baisse est plus marquée (–3 €/t pour le Fob Creil en variété d’hiver, à 175 €/t, et –3 €/t pour le Fob Creil variétés de printemps, à 190 €/t). Les variétés d’hiver cèdent ainsi le terrain gagné la semaine dernière.
Cet affaissement survient malgré la légère dégradation des notations pour l’état des orges dans la dernière publication de FranceAgriMer. Les conditions restent toutefois très bonnes pour les orges d’hiver comme pour les orges de printemps, et le retour annoncé des pluies rassure un peu plus encore les acteurs du marché. Du côté de l’exportation, l’activité française vers les pays tiers se résume au chargement d’un bateau à destination du Qatar.
Maïs : forte compétition entre les différents exportateurs mondiaux
L’érosion se poursuit cette semaine, faute d’éléments haussiers : le Fob Rhin perd 2 €/t (à 148 €/t, base juillet) et le Fob Bordeaux presque 1 €/t (à 159,25 €/t). Sur la scène internationale, la plus forte baisse de la semaine concerne les maïs argentins (–4 $/t) car la récolte progresse et les rendements obtenus jusqu’à présent se maintiennent à un niveau historiquement élevé.
Les maïs ukrainiens suivent le mouvement (–3 $/t) car les stocks sont encore importants même si presque 19 Mt ont déjà été exportées de ce pays entre octobre 2018 et mars 2019. Du côté du Brésil, les prix cèdent 2 $/t alors que les maïs de la seconde récolte continuent de bénéficier de bonnes conditions de développement. Les maïs US résistent le mieux à la pression baissière cette semaine, n’abandonnant « que » 1 $/t, car les pluies annoncées font craindre un nouveau retard des semis de maïs.
La compétition entre ces différentes origines va rester forte jusqu’à la fin de la campagne (et même au-delà) étant donné les stocks élevés attendus chez ces principaux exportateurs et les quantités importantes qui restent à expédier. L’Argentine et le Brésil sont déjà très agressifs sur les mois d’été, ce qui tire vers le bas les autres prix mondiaux.
Dans l’UE, le rythme d’arrivée des maïs importés, bien qu’inférieur au début de l’année, reste soutenu, car les relations de compétitivité montrent un avantage conséquent pour les maïs pays tiers jusqu’à la fin de la campagne.
Le colza français tiré par les perspectives de la nouvelle campagne
Mouvements opposés cette semaine pour les prix du colza sur le marché canadien d’une part et le marché européen d’autre part : les prix du canola canadien sont de nouveau en baisse (–3 $/t, à 333 $/t, sur le rapproché et –8 $/t, à 343 $/t, sur l’échéance de novembre 2019). Cette baisse s’explique par les stocks très élevés qui se profilent pour la fin de la campagne en cours au Canada et par le blocage des échanges entre le Canada et la Chine. Ce nouvel affaissement ne reflète pas du tout en revanche la forte chute des intentions de semis que Statcan a publiée cette semaine (–7 %), ce chiffre restant toutefois à prendre avec précaution car il est encore très provisoire.
En France au contraire, les prix augmentent de nouveau cette semaine de 3 €/t, à 359 €/t rendu Rouen et 366,5/t Fob Moselle ; l’échéance de mai d’Euronext gagne par ailleurs 4 €/t à 367,75 €/t à la mi-journée ce vendredi. Avec le temps sec en février et mars sur une partie de l’Europe de l’Ouest, de l’Est et du Centre, les pertes de surfaces sont importantes dans l’UE, malgré le retour des pluies sur la première quinzaine d’avril, trop tardif pour certaines parcelles. Le risque de perte de rendement est maintenant élevé sur le printemps, qui devra absolument apporter des pluies régulières pour que les récoltes prévues puissent être atteintes.
Les inquiétudes pour la prochaine récolte et le risque d’une grande tension pour le bilan de la prochaine campagne (nous prévoyons maintenant une chute de plus de 1 Mt pour la récolte de colza européenne) se reportent sur les prix de l’ancienne et la baisse de l’euro face au dollar a renforcé le mouvement. Les prix du colza n’ont plus de potentiel de baisse désormais, les stocks s’annonçant dans une situation d’équilibre, voire assez bas en France pour la fin de juin 2019. En effet, les bonnes marges de trituration soutiennent l’activité industrielle sur la fin de la campagne.
Le tournesol ne suit pas le colza
Contrairement à l’évolution en colza, les prix du tournesol s’affaissent cette semaine en France sous la concurrence des graines argentines d’une part et à cause de la dégradation des marges de trituration qui avait résulté de la hausse des cours lors des semaines passées.
Le soja et les tourteaux toujours sous pression
Les perspectives de production sont très bonnes en Amérique du Sud, avec des rendements qui s’annoncent à un niveau record en Argentine. Cela vient peser sur les cours de la graine de soja d’autant plus que les achats chinois de soja US restent faibles et ceux de graine brésilienne moins importants qu’attendu. Enfin, le renforcement du dollar par rapport au réal brésilien et au peso argentin a aussi pesé sur les cours de la fève en dollar qui abandonne cette semaine, sur le marché à terme de Chicago, 8 $/t sur l’échéance de mai et 6 $/t sur l’échéance de novembre 2019.
Faisant suite à ces derniers replis, le prix des graines de soja pourrait se stabiliser à court terme surtout si les négociations sino-américaines finissent enfin par aboutir (il semble probable qu’un accord soit possible en mai entre les deux nations). Les prix devraient rester bas toutefois à cause de l’ampleur des stocks mondiaux.
Du côté des tourteaux, on observe une petite remontée à Chicago cette semaine (+3 $/t, à 337 $/t). Il s’agit d’une part d’un mouvement de correction après les fortes baisses récentes mais aussi, d’autre part, d’un petit signe d’inquiétude face aux conditions humide aux USA qui repoussent tous les semis et pourraient finir par faire chuter les potentiels de rendement.
Néanmoins, les prix restent bas, comprimés par la révision en hausse des perspectives de production en Argentine et la forte baisse de la consommation chinoise. À Montoir, les prix perdent 11 €/t, à 317 €/t, ne reflétant pas encore la petite reprise de Chicago.
Le prix du pois fourrager reste lui aussi déprimé par la concurrence du tourteau de soja et la baisse du prix du blé : il perd 3 €/t sur la semaine à 185 €/t départ Marne.
À SUIVRE : conditions climatiques en Europe, déroulement des semis de printemps aux USA et au Canada, concrétisation des précipitations en Australie, avancement des récoltes sud-américaines, négociations US-Chine.