Nouvelle érosion du prix du blé de la récolte de 2019 et décrochage du colza cette semaine. Malgré tout, le blé de l’ancienne récolte tire bien son épingle du jeu, et le maïs remonte nettement à la suite des prix américains.
Nouvelle baisse en nouvelle récolte
L’ancienne et la nouvelle récoltes n’ont pas évolué de concert cette semaine : les prix du blé tendre de la récolte de 2018 se sont raffermis en raison de la poursuite des chargements d’une part et sous l’influence de Chicago d’autre part. Après une chute vertigineuse ces dernières semaines, les prix américains ont légèrement rebondi ces deux derniers jours suite à des mouvements de couverture et aussi en raison des pluies et du froid dans le nord du pays qui font monter l’inquiétude concernant les semis de blé de printemps.
Le rendu Rouen regagne ainsi 2 €/t cette semaine, à 177,5 €/t (base juillet), alors que le prix à La Pallice grimpe de 4 €/t (à 178 €/t). L’échéance de mai d’Euronext, proche de sa clôture le 10 mai, gagne de son côté 4 €/t à 187,50 €/t sous l’impact surtout de mouvements techniques.
Toutefois, cette remontée en ancienne récolte n’est pas parvenue à stopper la baisse des prix de la récolte de 2019 : ceux-ci s’affaissent de 1 €/t à Rouen et sur la façade atlantique, à 165,75 €/t et 166,25 €/t. Les pluies des derniers jours, presque partout en Europe sauf sur les pays baltes, y sont pour beaucoup, calmant les inquiétudes et les dégradations même si de nouvelles précipitations sont encore nécessaires sur l’ensemble de l’Union européenne.
Des cultures prometteuses
FranceAgrimer mantient ainsi cette semaine sa notation inchangée pour l’état des blés français à 79 % en condition bonne ou excellente (contre 78 % l’an dernier à la même date). Outre Atlantique, le « crop tour » effectué dans le Kansas indique un potentiel de rendement excellent, bien supérieur au niveau récolté l’an passé et à la moyenne des dernières années.
Ces résultats aux États-Unis ont fait plonger les prix au début de la semaine. En Australie, la situation s’est bien améliorée, y compris dans l’est du pays : les semis s’y déroulent donc dans des conditions moins sèches que prévues mais des inquiétudes demeurent tout de même en ce qui concerne les prochains mois.
En mer Noire, les plantes se développent dans de bonnes conditions : malgré quelques poches d’inquiétudes, les perspectives d’une récolte russe nettement supérieure à celle de l’an dernier se renforcent de jour en jour.
Baisse de mercure en vue en Europe
Attention toutefois aux températures prévues pour les jours qui viennent en Europe jusqu’à l’ouest de la Russie : ces dernières s’annoncent plus basses que la normale sur la prochaine décade (en Scandinavie notamment). Il conviendra d’en suivre l’impact sur le développement du blé qui va rentrer dans les phases d’épiaison puis de floraison.
Ce souci lié aux températures basses rejoint les inquiétudes américaines où de la neige est annoncée ce week-end dans l’est et le nord du pays. De manière générale, les perspectives restent lourdes pour la campagne de 2019-2020 en raison d’une très forte demande mondiale à l’horizon mais les récoltes ne sont pas encore garanties ; comme les stocks de l’ancienne récolte sont faibles, tout accident grave pourrait susciter une réaction haussière rapide.
Peu d’affaires à mentionner cette semaine à l’exception du gros achat de l’Arabie Saoudite lundi dernier pour 620 000 tonnes de blé qui doivent arriver dans le pays entre juillet et septembre. L’origine Europe figurait parmi les origines possibles mais cela pourrait porter sur des blés baltes, allemands ou polonais et non français.
L’Arabie aux achats
En orge, le lancement d’un appel d’offres par l’Arabie constitue l’événement de la semaine. Ce pays recherche 840 000 tonnes d’orge pour livraison en juillet-août. Cela a conduit en légère hausse le prix des orges de la nouvelle récolte à Rouen à 154,25 €/t. Les orges françaises, proches de 180 $/t Fob, sont toutefois au coude à coude avec les orges de la mer Noir. La compétition s’annonce rude et devrait empêcher les prix français de monter beaucoup plus. Peu d’évolution sur le créneau brassicole où les orges d’hiver ont perdu 1 €/t à Creil, à 174 €/t, alors que les orges de printemps ont gagné 1 €/t, à 191 €/t.
Retard des semis américains de maïs
Comme en blé, les prix de la récolte de 2018 rebondissent cette semaine de 1 à 2 €/t plaçant le Fob Rhin à 149 €/t et le Fob Bordeaux à 160,25 €/t (en base juillet). Toutefois, contrairement au cas du blé, les prix des maïs de la nouvelle récolte grimpent aussi et beaucoup plus nettement. Ils gagnent 9 €/t, à 165 €/t Fob Rhin et 170 €/t Fob Bordeaux.
Les semis de maïs ont pourtant bien progressé : FranceAgrimer les estime réalisés à 68 % contre 57 % l’an passé à la même date. En fait, ce sont surtout les inquiétudes américaines qui ont fait remonter l’ensemble du complexe maïs : toutes les origines voient cette semaine leur prix regagner entre 2 et 5 $/t à cause du retard des semis américains qui ne fait que s’accumuler à la suite des très fortes intempéries dans l’est du pays. Des récoltes superbes arrivent cependant sur le marché en provenance de l’Amérique du Sud et cela devrait rapidement limiter le mouvement haussier.
Le soja et ses tourteaux s’effondrent
Les cours de soja américain ont reculé pour la troisième semaine consécutive. Ils perdent 10 $/t, à 305 $/t, sur l’échéance de mai et 12 $/t, à 318 $/t, pour les contrats de novembre. Plusieurs éléments sont à l’origine de cet affaissement. Outre la faible demande chinoise, la forte concurrence sud-américaine continue de peser sur les cours à Chicago. Les récoltes qui s’annoncent très bonnes en Argentine et au Brésil en plus de la baisse du réal brésilien et du peso argentin par rapport au dollar américain ont tiré le prix en dollar vers le bas.
Le regain de compétitivité des graines sud-américaines durant les dernières semaines s’est confirmé par le rapport hebdomadaire de l’USDA indiquant des ventes américaines décevantes en soja. À cela se rajoute l’excès hydrique qui retarde les semis de maïs aux États-Unis. En fait, les semis de soja qui arrivent un peu après ceux du maïs pourraient profiter de ce retard. La récolte américaine pourrait donc ne pas baisser autant que prévu.
Du côté du conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, les opérateurs restent circonspects. Les négociations n’ont jusqu’à présent conduit à aucun accord concret mais les rencontres entre les responsables chinois et américains devraient s’enchaîner pendant les semaines à venir. D’ici là, le marché reste sous la pression de ses fondamentaux plutôt baissiers.
Le tourteau de soja a perdu du terrain cette semaine. À Chicago, les cours ont chuté de 15 $/t, à 322 $/t, en raison du recul de la fève ainsi que de la forte baisse de la demande à l’exportation. Les ventes hebdomadaires sont en baisse de 76 % par rapport à la semaine dernière. Ce ralentissement s’explique par les stocks importants chez les éleveurs. Les acheteurs ne se sentent pas pressés, ils s’attendent à un nouveau recul des cours avec l’expiration de l’échéance de mai. À Montoir, le tourteau de soja cède 6 €/t, à 311 €/t, dans le sillage de l’origine américaine.
Le canola sous pression, le colza français ne résiste plus
Le recul du prix du canola canadien s’est intensifié cette semaine dans un contexte des tensions commerciales entre le Canada et la Chine. Les exportations de canola et de ses produits de trituration vers cette destination restent bloquées. En outre, le rythme de trituration actuel montre une baisse par rapport à la campagne précédente à la même période.
Le bilan canadien apparaît exceptionnellement lourd. Les stocks de fin de campagne devraient également alourdir la situation en nouvelle campagne malgré la chute des intentions de semis annoncée par Statcan la semaine dernière. Ainsi, les cours cèdent 11 $/t, à 322 $/t, sur le rapproché et 11 $/t, à 332,7 $/t, sur l’échéance de novembre.
Le colza français recule légèrement d’environ 1 €/t rendu Rouen (à 385 €/t) et en Fob Moselle (à 367 €/t) mais reste stable sur Euronext sur l’échéance d’août, à 366,25 €/t. Jusqu’au début de la semaine, les prix sont restés soutenus par les conditions climatiques défavorables dans la majorité des pays de l’Union européenne malgré le récent retour des pluies.
Ensuite, les cours ont suivi la tendance baissière de l’ensemble du complexe oléagineux : en plus du soja et du canola, les cours de l’huile de palme affichent un niveau très bas en raison des stocks élevés et du rythme d’exportations insuffisant pour les écouler. Du côté de l’or noir, un recul est à noter aussi cette semaine de 4 $ le baril.
Léger recul du tournesol à Saint-Nazaire
En lien avec la baisse générale du complexe oléagineux, le prix du tournesol cède 5 €/t à 330 €/t à Saint-Nazaire, une baisse due à l’affaissement des marges de trituration. À l’inverse, le cours a légèrement augmenté à Bordeaux à 325 €/t. De manière générale, les cours du tournesol restent assez soutenus par la forte demande industrielle et la baisse des disponibilités chez les principaux exportateurs. Le Fob mer Noire reste stable à 330 €/t. Les travaux de semis se sont légèrement ralentis en Ukraine en raison des dernières pluies mais le temps devrait s’améliorer rapidement.
À suivre : conditions climatiques en Europe et aux États-Unis, avancement des récoltes sud-américaines, conflits commerciaux entre la Chine et les État-Unis et entre la Chine et le Canada.