Le marché du blé, engagé dans une course-poursuite entre les États-Unis et l’Union européenne, voit encore ses prix baisser cette semaine alors que l’orge semble avoir atteint un plancher temporaire. Le colza bénéficie, lui, des déboires que la Chine impose aux canolas canadiens.
Nouvel affaissement du blé
Même si les variations sont moins marquées que la semaine dernière, les prix ont encore reculé cette semaine, les valeurs françaises abandonnant environ 2 €/t sur le marché physique à 181,5 €/t rendu Rouen ou 173,75 €/t Fob Creil (base : juillet). La chute a été un peu plus importante sur Euronext (–4 €/t, à 187 €/t).
Ce nouveau décrochage, combiné pourtant à une chute de l’euro face au dollar, fait perdre 8 $/t aux blés français sur le marché mondial (215 $/t Fob Rouen). Dans le même temps, les blés américains de qualité moyenne (SRW) chutent de 20 $/t cette semaine à 201 $/t Fob Gulf, après une phase de stabilité au cours des dernières semaines.
Les prix des blés américains HRW (bonne qualité meunière) avaient, quant à eux, déjà décroché. Dans ce contexte la Russie suit le mouvement : ses blés perdent aussi 7 $/t pour ne pas laisser leur écart avec le blé français s’accroître au-dessus de 10 $/t.
Course-poursuite
Étant donné que les exportations américaines et de l’Union européenne, excepté vers l’Algérie, ont démarré tardivement cette année, après une première moitié de campagne dominée par la Russie, le marché perçoit qu’il est nécessaire que l’Union européenne comme les États-Unis assurent une bonne compétitivité sur la fin de campagne pour garantir des exportations suffisantes afin que les stocks ne finissent pas trop élevés. Les blés américains et européens sont donc au coude à coude et dans une course-poursuite à la baisse afin de parvenir à s’exporter.
Cette baisse peut-elle s’arrêter ? La première chose à surveiller est le rapport du ministère américain de l’Agriculture (USDA) de ce soir : si les exportations américaines sont revues à la baisse et le stock en hausse, cela peut contribuer à entretenir la baisse des prix. À l’inverse, des prévisions de stocks plus bas aux États-Unis que ce qu’attend le marché pourraient stopper la baisse.
Ensuite, les statistiques d’exportation qui vont être publiées dans les semaines à venir pourraient aussi constituer un autre élément de nature à stopper la baisse : si, comme on peut l’attendre, ces statistiques viennent confirmer un démarrage à l’exportation très dynamique, dans l’Union européenne et aux États-Unis, cela rassurera les opérateurs sur le fait que le rythme élevé des ventes, nécessaire pour atteindre les objectifs prévus, est réaliste sur la fin de la campagne, et cela sera un support pour le marché.
Toutefois, il est important de noter que le comportement actuel du marché est un mélange de mouvements techniques, en partie de panique et de prise en compte vraiment très précoce de la bonne récolte à venir. Il reste néanmoins de la demande à alimenter d’ici à juin et les stocks ne seront pas lourds en Europe, et en nette baisse aux États-Unis. Dans ce contexte, la météo et d’éventuels dégâts sur les rendements de la récolte à venir sera aussi à surveiller de près.
Quasi-stabilisation en orge
Contrairement à ceux du blé, les prix de l’orge se sont stabilisés à Rouen cette semaine (à 158 €/t, base : juillet). Néanmoins, le prix de la céréale française continue de baisser sur le marché mondial (–3 $/t, à 190 $/t Fob Rouen) à cause de la chute de l’euro face au dollar. L’orge argentine évolue dans le même sens (–11 $/t, à 192 $/t Fob) et l’orge russe s’affaisse doucement (–2 $/t, à 213 $/t Fob).
Le point clef de la semaine semble être le rebond qui s’amorce du côté de l’Australie. Les orges fourragères se sont renchéries de 11 $/t cette semaine dans ce pays (à 218 $/t) alors qu’elles avaient été les premières à entraîner tout le complexe à la baisse il y a plusieurs semaines à la suite de la menace chinoise de taxer les orges australiennes. L’issue de ce différend n’est pas encore connue, mais la remontée des prix australiens pourrait signifier que ses conséquences pourraient être moindres que prévu.
Par ailleurs, l’Iran est en train d’importer des quantités d’orge plus importantes qu’anticipé auparavant et l’Arabie est encore attendue sur le marché mondial pour la finalisation de ses achats 2018-2019. Ces éléments sont sans doute de nature à venir stopper la chute des prix français à court terme.
Un bilan en maïs très lourd
Les prix du maïs s’affaissent encore cette semaine de 1 à 3 €/t selon les places en France (–1 €, à 160,5 €/t base juillet Fob Rhin, –3 €/t, à 159 €/t à La Pallice). Le marché européen continue de suivre le marché mondial qui repart en nette baisse cette semaine avec une forte compétition entre l’Ukraine, les États-Unis et l’Amérique du Sud.
L’Europe a quelque peu ralenti ses importations des pays tiers après les énormes stocks accumulés au cours des mois passés. Cela relâche la demande qui s’adressait au maïs ukrainien (première source de l’Union européenne actuellement) si bien que les maïs ukrainiens se battent maintenant sur d’autres débouchés face à des maïs sud-américains arrivant en larges volumes sur le marché.
Le conflit Canada-Chine soutient le colza européen
Le canola canadien enregistre un recul de plus de 14 $/t depuis la semaine dernière en raison d’une mise à l’arrêt des exportations de canola canadien vers la Chine. Cette dernière interdit dorénavant les importations en provenance du Canada sous prétexte de problèmes sanitaires, alors que les deux pays se livrent une bataille diplomatique depuis l’arrestation au Canada d’un haut cadre de l’entreprise Huawei.
Les prix européens ont suivi le plongeon des cotations canadiennes jusqu’à mercredi (351,4 €/t sur Euronext) avant de rebondir fortement jeudi pour finalement afficher une quasi-stabilité par rapport à la semaine dernière. À ce stade, il apparaît probable que des achats chinois de colza européen soient la principale cause de ce rebond, même si cela reste à confirmer.
L’impact de la peste porcine en Chine à suivre de très près
Depuis la semaine dernière, le soja sur le CBOT (marché à terme de Chicago) enregistre une baisse de 4 $/t sur le rapproché comme sur l’échéance de mai en raison de ventes américaines toujours décevantes. Le marché redoute par ailleurs une forte révision à la baisse de la demande chinoise en soja lors de la parution du rapport mensuel de l’USDA (ce soir).
Cette révision est anticipée en raison des proportions alarmantes de la propagation de la peste porcine en Chine, et maintenant au-delà de ses frontières au Vietnam. Dans ce contexte, même les rumeurs de nouveaux achats de soja des États-Unis par la Chine, qui pourraient atteindre 1 Mt à 2,5 Mt selon les sources cette semaine, ne sont pas parvenues à soutenir la cotation de la fève sur la journée du 7 mars.
Le tourteau de soja, quant à lui, résiste au recul de la fève et affiche un niveau de prix équivalent à celui de la semaine dernière à Chicago comme à Montoir. Il trouve notamment du soutien faisant suite à des ventes hebdomadaires élevées aux États-Unis, à cause de la réduction des disponibilités triturables en Argentine.
Malgré tout, l’effet combiné d’une bonne récolte attendue en Amérique du Sud, malgré les pertes dues à la sécheresse au Paraguay et au Brésil, et d’une demande chinoise en tourteau probablement fortement affectée par la fièvre porcine, pourrait considérablement peser sur les cours des tourteaux et du complexe soja dans les mois à venir.
Après sa stabilité de la semaine dernière, le pois ne peut résister cette semaine sous la pression du blé et perd 6 €/t, à 195 €/t départ Marne.
Discrète hausse des cours du tournesol
Le tournesol à Saint-Nazaire gagne un peu de terrain sur la semaine (+2,5 €/t), dans le sillage de l’huile. Les prix demeurent globalement soutenus par le dynamisme de la demande industrielle.
À suivre : rythme des exportations hebdomadaires des États-Unis et de l’Union européenne, différend entre l’Australie et la Chine sur l’orge, impact de la peste porcine, intentions de semis de maïs aux États-Unis, climat du printemps et son impact sur le colza, récoltes de soja dans l’hémisphère Sud, poursuite des discussions entre la Chine et les États-Unis, exportations américaines de soja, exportations de colza du Canada et de l’Union européenne.