Les prix des orges et des blés ont maintenu leur orientation haussière sous l’impact des chargements ou ventes à l’exportation. Le colza reste orienté en hausse mais la manière dont le Canada va réagir à l’arrêt des achats chinois est à suivre de près.
Consolidation de la petite hausse
La remontée débutée la semaine dernière s’est poursuivie, bien que modestement. Les prix des blés de l’ancienne récolte ont gagné entre 1 et 2 €/t sur le marché physique, à 184 €/t rendu Rouen et 173,50 €/t Fob Moselle en base juillet. La nouvelle récolte, quant à elle, a vu ses prix s’affaisser au contraire de 1 €/t, à 171,5 €/t rendu Rouen.
Il n’y a pas eu de nouveaux gros achats cette semaine qui pourraient concerner l’origine française mais on note que l’Asie continue d’acheter des blés, fourragers et meuniers, en origine optionnelle. Ces achats porteront sur des blés de la nouvelle campagne, de la mer Noire principalement. L’Éthiopie vient de lancer un appel d’offres pour 400 000 tonnes (qui pourrait concerner des blés de l’ancienne campagne) et la Jordanie recherche 120 000 tonnes pour chargement à partir de septembre.
Les ventes bouclées précédemment vont entraîner des gros volumes de chargement au départ des ports français au cours des prochaines semaines et cela devrait continuer de soutenir les cours dans un contexte où les blés russes, soutenus par une appréciation du rouble, sont repartis eux-mêmes en hausse (+4 $/t, à 229 $/t Fob) comme les blés américains (+6 $/t, à 214 $/t pour le blé SRW Fob Gulf).
Les prix américains ont été particulièrement soutenus cette semaine par un accord entre les États-Unis et le Brésil sur un quota de 750 000 tonnes de blé américain qui pourra entrer au Brésil sans droit de douane. En effet, les pays de Mercosur peuvent exporter sans droit d’importation vers le Brésil, mais les blés ne provenant pas de cette zone subissent, quant à eux, un droit de 10 % à l’arrivée au Brésil.
Cette exemption, faisant suite à une rencontre entre les présidents Trump et Bolsonaro, a été perçue comme haussière pour les blés américains. Néanmoins, elle a fait plonger les blés argentins de 15 $/t en deux jours, ces derniers devant s’efforcer de rester compétitifs vers le Brésil. Toutefois, les ventes hebdomadaires restent assez basses aux États-Unis et cela pourrait venir limiter prochainement la hausse des prix américains.
Temps sec au Maroc et en Australie
En Méditerranée, deux points importants à souligner actuellement : il continue de faire sec au Maroc et c’est inquiétant pour les cultures. Malgré tout, la probabilité d’achats supplémentaires à ce qui est déjà prévu de la part du Maroc est faible à cause du fort inverse entre les prix de l’ancienne et de la nouvelle récoltes.
Par ailleurs, on note cette semaine l’envoi d’un container russe de blé vers l’Algérie afin que ce pays puisse tester cette origine. Cela rend de plus en plus probable la prise de parts de marché algérien par la Russie, à moins que la qualité russe ne convienne pas à l’Algérie, comme cela s’est passé avec l’Irak il y a quelques semaines.
Sur le front de la météo, le bureau australien de météorologie voit se renforcer la probabilité du phénomène El Niño pour 2019. Cela est à suivre de près, en raison de l’impact très négatif que ce phénomène peut exercer sur les blés australiens, dans une situation aujourd’hui déjà très sèche, et peu favorable aux semis.
Les orges rebondissent
L’orge vient de gagner 12 €/t à Rouen (à 170 €/t) cette semaine et 6 €/t en Fob Moselle (à 164 €/t), en base juillet. Cette hausse se traduit par une appréciation des orges françaises de 16 $/t sur le marché mondial (à 207 $/t Fob Rouen) alors que, dans le même temps, les prix australiens abandonnaient 7 $/t et les prix russes 18 $/t !
Les prix français ont réagi aux achats des dernières semaines et au retour de l’Arabie sur le marché mondial. Ce pays a en effet lancé hier un appel d’offres de 720 000 tonnes pour livraison mai juin. Faisant suite à leur appréciation récente, les orges françaises n’apparaissent plus guère compétitives face à leurs concurrentes de la mer Noire mais l’on peut penser que des achats avaient déjà été menés sur le marché français en prévision de cet appel d’offres et que l’origine française fera partie des orges exportées vers l’Arabie.
Sur le segment brassicole, les prix de l’ancienne récolte ont grimpé aussi à la suite des valeurs fourragères, de 8 €/t pour les variétés d’hiver (à 168 €/t) et de 5 €/t pour les variétés de printemps (à 172 €/t). Les orges de la nouvelle campagne ont vu leurs prix soutenus également en raison des achats importants et du fait que l’origine anglaise ne peut, actuellement, répondre à la demande à cause des incertitudes liées au Brexit.
Le maïs français ne suit pas le mouvement
Sur le marché mondial, les maïs se sont renchéris cette semaine de 2 à 5 $/t selon les origines à la suite des inondations dans le Midwest américain, qui laissent craindre des problèmes pour les semis à venir. Et surtout à la suite de rumeurs selon lesquelles la Chine aurait acheté quelques quantités de maïs américain, ce qui apparaît positif quant à l’issue des négociations en cours.
Toutefois, le maïs français est resté de marbre voire a vu ses prix baisser de 1 €/t, à 163,25 €/t Fob bordeaux par exemple, concerné par des stocks potentiels importants en fin de campagne et un manque de compétitivité face aux maïs importés des pays tiers dans le nord de l’Union européenne.
Le colza français en légère hausse
Les colzas français se sont légèrement appréciés (+1, à 2 €/t) cette semaine à 352 €/t rendu Rouen et 360 €/t Fob Moselle. La hausse du prix du pétrole et la légère appréciation des graines de soja a contribué à cette évolution ainsi que la pression haussière provenant de la Chine qui a besoin d’importer plus d’huile de colza que prévu il y a quelques semaines. Enfin, la confirmation par l’organisme allemand DRV d’une forte baisse des surfaces (–25 %) pour la récolte de 2019, même si cela n’était pas une surprise, est venue contribuer à la hausse des prix.
Aujourd’hui, la Chine a annoncé qu’elle stoppait tous les achats de canola canadien, pas seulement ceux livrés par la société Richardson. Le canola était à la baisse cette semaine et cela risque d’amplifier le mouvement. L’impact de cette situation est double : d’un côté, la Chine doit chercher des colzas ailleurs ou acheter plus d’huile que prévu (facteur haussier pour les prix du colza) mais d’un autre côté, le Canada se retrouve avec des quantités importantes de canola pour lesquelles il faut trouver des débouchés alternatifs (facteur baissier).
Les colzas de la nouvelle récolte restent cotés en prime par rapport à ceux de l’ancienne en France (+4 €/t à Rouen) ; cela reflète les perspectives d’une récolte qui sera basse à l’échelle de l’Union européenne. Néanmoins, cette prime devrait disparaître vu la forte hausse attendue des productions mondiales en 2019-2020 (Canada, Australie mais aussi Mer Noire).
Le tournesol stable
Le tournesol standard est de nouveau resté stable cette semaine à 325 €/t, les achats récents de la Turquie contribuant à soutenir les prix malgré la baisse des prix en Fob mer Noire. En effet, les tournesols ukrainiens abandonnent 5 $/t (à 365 $/t), à la suite des graines en Argentine où la récolte est en cours et les résultats très bons.
Les tourteaux américains boostés par les achats chinois de viande porcine
Les cours du soja sur le marché à terme de Chicago se sont légèrement renchéris cette semaine (+3 $/t, à 333 $/t) sous l’impact des rumeurs, à la fin de la semaine, d’achats de maïs américain par la Chine et des récents achats chinois de viande porcine américaine. Ces éléments ont redonné espoir au marché (y compris pour le soja) d’une éventuelle accélération des négociations entre la Chine et les États-Unis.
Par ailleurs, à la suite du ministère de l’Agriculture la semaine dernière au Brésil, Abiove, l’association des producteurs brésiliens d’huile végétale a revu elle aussi son estimation de récolte brésilienne en légère baisse. Malgré tout, les prix du soja ne peuvent s’envoler actuellement, avec l’arrivée de la récolte argentine : les premiers rendements engrangés sont très bons et viennent conforter le fait que la récolte sera cette année nettement supérieure à celle de 2018.
Les tourteaux de soja, en ce qui les concerne, affichent une nette hausse à Chicago cette semaine (+15 $/t, à 348 $/t). Ils ont été tirés par le maïs à la fin de la semaine mais la principale explication de leur appréciation provient sans doute des achats importants de viande de porc américaine par la Chine. Ces achats soulignent les gros dégâts que la peste porcine africaine est en train de faire en Chine.
Le cheptel reproducteur chinois de porcs recule de 15 % et le prix de la viande grimpe. Cette situation est baissière pour la demande de tourteaux de la Chine mais haussière en revanche pour les États-Unis qui pourraient avoir à nourrir plus d’animaux que prévu.
La hausse de Chicago ne s’est pas encore reportée sur les prix français, la cotation des tourteaux restant assez stable à Montoir (proche de 323 €/t). L’appréciation de l’euro face au dollar, après la décision de la FED de geler les taux d’intérêt américains pour l’ensemble de l’année 2019, a contribué à atténuer la hausse des prix français en euro.
Le pois, quant à lui, a gagné 3 €/t cette semaine (à 195 €/t départ Marne) tiré par l’évolution du blé.
À suivre : météo en Afrique du Nord et en Australie, conditions de développement des cultures d’hiver et semis de printemps, ventes hebdomadaires des États-Unis et de l’Union européenne en blé, parité euro/dollar, ventes de canola canadien, poursuite des discussions entre Chine et les États-Unis, récolte de l’hémisphère Sud.