Nouvelle hausse cette semaine pour la plupart des produits à la suite de Chicago et des retards très importants affectant les semis de maïs US. Le retard et la perte de surface concernent également le soja dont les prix remontent des profondeurs abyssales atteintes suite au différend sino-américain. Cela a un impact sur les oléagineux français.

Pertes de surfaces de maïs colossales aux USA

Le temps est resté très humide aux USA cette semaine et cela n’a pas permis d’avancée majeure des semis de printemps (soja et maïs). Ainsi les surfaces semées en maïs n’atteignaient-elles, au 26 mai, que 58 % des intentions par rapport à un niveau moyen de 90 % à cette date. Le retard enregistré est énorme même si les farmers ont pu reprendre les semis à l’ouest du Mississippi ces derniers jours ; à l’est, les conditions sont restées trop humides.

 

À cause de pluies incessantes au cours des deux derniers mois, de vastes étendues n’ont pu être ensemencées et il apparaît peu probable qu’elles le soient désormais avant le 5 juin, date butoir par rapport aux assurances récolte (si les producteurs plantent au-delà de la date, les paiements reçus diminuent en fonction du dépassement de date). Les prévisions météo s’annoncent toutefois plus clémentes pour la semaine qui arrive et cela permettra sans doute de limiter les dégâts dans certaines régions.

 

Néanmoins, les agriculteurs vont hésiter car ils doivent maintenant semer des variétés à cycle plus court et au rendement potentiel plus faible que la normale. Certains seront tentés de jouer le jeu avec la perspective de prix en hausse mais d’autres risquent de ne pas semer du tout ou de basculer vers du soja dont le prix a grimpé récemment mais qui reste une culture à risque à cause du différend sino-US qui s’éternise.

Un impact encore incertain

Difficile d’y voir clair encore concernant l’ampleur des pertes de surfaces. Néanmoins, une chose est sûre : ces pertes seront très élevées. Au milieu de la semaine, il était question sur le marché US de 10 millions d’acres (environ 5 millions d’hectares qui ne seraient pas semés en maïs (soit un peu plus de 10 % des intentions). Si tel était le cas, cela, combiné à des rendements plutôt bas à cause de semis assez tardifs, conduirait à une chute de la récolte américaine proche de 50 millions de tonnes, de nature à faire fortement chuter les stocks US et mondiaux. Il semble toutefois qu’avec les derniers semis qui auront lieu la semaine prochaine, la situation ne sera pas aussi grave mais les pertes seront sérieuses quand même.

 

Cette situation a fait grimper le prix du maïs au plus haut depuis trois ans à Chicago et celui-ci a entraîné à sa suite les autres céréales. En France, la hausse reste toutefois modérée : les prix du maïs Fob Rhin ont gagné 8 €/t pendant la semaine, à 160 €/t, et la progression s’est située entre 2 et 5 €/t sur les autres places. Dans le même temps, le maïs US a gagné presque 20 $/t (à 185 $/t Fob Gulf) entraînant le maïs argentin dans son sillage ainsi que l’ukrainien (mais de manière limitée).

Le blé suit malgré les bonnes perspectives EU et mer Noire

La question qui se pose est de savoir si le prix du maïs peut continuer à grimper et tirer encore le blé. Ce dernier a pris entre 15 et 20 $/t cette semaine au départ des USA (à 225 $/t Fob Gulf pour le blé US). Cela s’est reporté sur les blés européens (+15 $/t pour les blés français à 213 $/t Fob Rouen et les blés de la mer Noire (+5 $/t, à 200 $/t Fob pour le blé russe à 12,5 % de protéine en nouvelle campagne). En euros, le blé français se retrouve à 178 €/t rendu Rouen (+5 €/t sur la semaine).

 

Les variations de prix des origines de la mer Noire ont été beaucoup plus modérées que celles des USA en raison des bonnes perspectives de récolte dans cette région du monde où les semis de printemps ont bien progressé cette semaine. Quelques légères inquiétudes montent toutefois actuellement concernant le temps sec dans le sud de la Russie dans les semaines à venir. En Europe, les perspectives restent très bonnes.

 

Toute la question maintenant est de savoir si le prix du maïs US peut continuer à grimper au point d’entraîner celui du blé en nette hausse ? Cela dépendra évidemment de l’ampleur de la perte de surface aux USA, ampleur qui pourrait finalement se révéler un peu moins marquée que les chiffres qui circulaient cette semaine. Par ailleurs, les disponibilités de maïs sont élevées en Amérique du Sud. Étant donné que le maïs a déjà perdu beaucoup de demande potentielle au profit du blé, et que le bilan mondial du blé peut s’accommoder sans problème de cette demande additionnelle, le potentiel de hausse des prix du blé devrait donc rester modéré. Toutefois, tout mouvement de panique encore aux USA n’est pas à exclure avec un impact possible sur le prix du blé.

L’orge très demandée

Comme le blé, l’orge a vu son prix grimper de nouveau cette semaine, sous l’effet du prix du maïs d’une part. Les orges fourragères françaises ont gagné 6 €/t rendu Rouen (à 167,75 €/t) comme en Fob Moselle (à 157,5 €/t). Sur le marché mondial, l’appréciation a concerné toutes les origines, mer Noire (+6-8 $/t), australienne (+11 $/t) et française (+7 $/t). En deux semaines, les orges françaises ont grimpé plus nettement que les orges de la mer Noire et cela peut sans doute être relié à de grosses ventes à destination de la Chine (qui restent à confirmer).

 

Sur le créneau brassicole, les prix sont restés beaucoup plus stables (+2 €/t seulement) à 176 €/t Fob Creil pour les orges d’hiver et 187,5 €/t pour les orges de printemps. Les perspectives de récolte s’annoncent bonnes en Europe à la suite des pluies du mois de mai et cela limite les hausses de prix.

Forte remontée des cours mondiaux du soja sur fond de « weather market »

Depuis le début de la semaine, les difficultés historiques que rencontrent les agriculteurs du Midwest américain pour leur semis de printemps a entraîné une hausse draconienne des cours du soja sur le marché de Chicago. La probabilité que l’ensemble des surfaces de printemps, dont le maïs et le soja, recule, est de plus en plus forte vue la faible progression des travaux des champs. Cela a entraîné, entre le 23 et le 30 mai, une remontée de 25 $/t du soja US de l’ancienne récolte et de 17 $/t sur l’échéance de novembre 2019.

 

Ces mouvements de prix très violents sont toutefois à relativiser : en effet, le soja US retrouve tout juste son niveau atteint à la mi-avril, avant que les tensions diplomatiques accrues entre les États-Unis et la Chine et la lenteur des avancées dans leurs pourparlers commerciaux n’envoient le soja à son niveau le plus bas de la dernière décennie (le soja de l’ancienne campagne est maintenant 3 $/t au-dessus de sa cotation du 18 avril, et le soja de la nouvelle campagne est même 8 $/t en dessous).

 

Bien que les pertes de surfaces par rapport à l’an passé soient d’ores et déjà actées (nous estimons que la surface de soja US pourrait perdre presque 10 % par rapport à l’an dernier), des stocks colossaux de soja sont encore prévus aux USA pendant encore au moins deux campagnes. La faiblesse de la demande chinoise liée à la chute du cheptel porcin chinois sur les derniers mois (d’environ 30 %) pèsera en effet durablement sur le marché mondial de la fève.

 

Il faudrait une catastrophe climatique engendrant un recul de surface US de soja de 15 à 20 % pour que cela change véritablement le panorama du bilan mondial du soja pour la prochaine campagne. Ainsi les avancées des semis aux USA sur les prochaines semaines seront cruciales pour les prix de l’ensemble du complexe oléagineux des mois à venir. Les prévisions météorologiques des sept prochains jours sont pour l’instant relativement sèches par rapport à la normale : les agriculteurs US pourraient profiter de ce court répit pour avancer au maximum leurs travaux des champs.

 

Les tourteaux voient leur prix grimper à la suite du soja cette semaine : ainsi, le tourteau de soja à Montoir gagne 9 €/t cette semaine. Le prix du pois ne réagit pas pour l’instant, son cours étant reconduit cette semaine, mais il pourrait réagir assez rapidement à la hausse.

Le colza grimpe à la suite du soja

Dans les prairies de l’Ouest canadien, le temps sec des dernières semaines a au contraire favorisé les semis, qui sont pratiquement terminés. Le retour des précipitations devient urgent pour une bonne émergence des jeunes plants. Les prévisions météorologiques ne sont pour l’instant pas très favorables, et cela incite les agriculteurs canadiens à limiter leurs ventes. En Australie aussi la situation devient préoccupante.

 

Les semis de canola sont pratiquement finis, mais un temps sec semble s’installer dans l’ouest (zone de production principalement destinée à l’exportation). Ainsi le canola à Vancouver augmente-t-il de 11 $/t sur la semaine. Le prix du colza français réagit à la hausse, et progresse de 3,5 €/t à Rouen et en Fob Moselle (prix du mercredi 29 mai). Sur Euronext, le colza était coté en hausse de presque 9 €/t sur la semaine au 30 mai.

Toujours pas de mouvement pour le tournesol

Avec de bonnes conditions de développement en France et une production française prévue à un bon niveau en 2019, le prix du tournesol est le seul à résister à la hausse généralisée. Son cours à Saint-Nazaire est stable sur la semaine (à 330 €/t). En revanche, dans la zone de la mer Noire, la remontée du soja fait grimper le cours du tournesol (+10 $/t, à 365 $/t Fob). En Ukraine, le retard des semis est aujourd’hui pratiquement rattrapé, après un début ralenti par les pluies et le temps frais.

 

À SUIVRE : semis de printemps aux USA (maïs, soja), conditions climatiques en Europe, au Canada, en Australie et dans la zone de la mer Noire (blé, colza, tournesol), conflits commerciaux, développement de la fièvre porcine.