À l’exception du soja et des tourteaux, tous les prix grimpent de nouveau. Pour les céréales et le colza, les situations sont très tendues pour l’offre et la demande dans le monde et dans l’Union européenne. La faiblesse de l’euro face au dollar vient renforcer les hausses, de même que l’envolée du coût de l’énergie.

Les prix du blé grimpent encore fortement

L’orientation est restée très nettement haussière cette semaine pour les prix du blé. Le contrat de décembre sur Euronext a dépassé cet après-midi le niveau de 265 €/t, avant de redescendre plus près de 263 €/t (+10 €/t par rapport à la clôture de vendredi dernier). Sur le marché physique, le blé meunier rendu Rouen atteint 260 €/t en base juillet, soit une progression de 10 €/t par rapport à la semaine dernière. Bien qu’il se situe plus bas, le blé fourrager est également affecté par ce mouvement de hausse, à près de 240 €/t rendu Rouen (+9 €/t).

 

Cette hausse continue de s’inscrire dans le cadre d’une situation mondiale tendue qui implique que toutes les disponibilités européennes exportables devraient être effectivement captées par le marché mondial d’ici à la fin de la campagne.

 

Néanmoins, plusieurs facteurs particuliers sont venus accroître la tension ces derniers jours.

  • Jeudi 30 septembre 2021, la production américaine a été revue à la baisse par l’USDA, ministère américain de l’Agriculture, à 44,8 millions de tonnes, soit une chute de 1,4 million de tonnes par rapport à l’estimation de l’organisme en août. Certes, la récolte américaine sera basse cette année, mais cette révision est venue enfoncer le clou.
  • Jeudi aussi, l’USDA a publié ses chiffres sur les stocks au 1er septembre. Ces derniers sont venus confirmer une très forte réduction (de presque 20) par rapport à 2020. Dans ce contexte, le blé SRW à Chicago est remonté à son plus haut niveau depuis un mois.

Les décisions russes sont à suivre de près

Les rumeurs et conjectures portant sur le niveau des exportations russes sont aussi de nature à soutenir les prix. Toute la question est de savoir à quelle hauteur le gouvernement russe voudra-t-il limiter les ventes de blé du pays.

 

Un niveau proche de 31 millions de tonnes est actuellement envisagé, alors que le marché mondial aurait bien besoin d’au moins 3 ou 4 millions de tonnes de plus. L’éventuelle limitation (par des quotas possiblement à la seconde moitié de la campagne) reste donc un facteur à suivre de très près. Elle influence plus les prix des autres origines que les prix russes eux-mêmes, qui se sont plutôt stabilisés ces deux dernières semaines, mais à un haut niveau.

 

En parallèle, le pays a annoncé son plan d’aide au transport intérieur afin d’assurer un volume suffisant pour les industriels locaux. Ce plan pourrait aussi venir limiter les exportations au profit de la consommation intérieure.

 

Enfin, pour compenser les taxes à l’exportation qui limitent le revenu des producteurs, la Russie vient d’annoncer aujourd’hui un programme de subvention à la production, mesure probablement destinée à encourager les semis dans un contexte où les coûts de production augmentent très fortement et où les taxes risquent de dissuader certains producteurs. Il s’agit d’une nouvelle plutôt baissière… Mais pour la récolte prochaine.

Forte hausse de l’énergie et des intrants, sans impact sur les échanges de blé

Les prix de l’énergie s’envolent, et avec eux le coût des intrants et de l’azote en particulier. La conséquence sur les assolements pourrait être amoindrie par le niveau élevé des prix des céréales, mais la réponse des producteurs sera à suivre de près. Cette situation vient ajouter un facteur haussier supplémentaire. Enfin, les prix européens et français en euros sont soutenus ces derniers jours par l’affaissement de l’euro face au dollar (−2,5 % en un mois).

 

L’énergie chère influence aussi les coûts de transport, maritimes notamment. Cela n’empêche pas l’activité de se poursuivre sur le marché mondial, avec encore de gros volumes contractés cette semaine par le Pakistan (près de 550 000 tonnes) à un prix proche de 380 $/t à l’arrivée contre légèrement moins de 370 $/t il y a dix jours. L’Algérie, de son côté, a acheté 550 000 tonnes à un prix voisin de 365 $/t à destination. Ce prix, supérieur au calcul que l’on peut faire pour le blé français arrivé en Algérie, indique que les achats ont sans doute porté sur des blés de plus haute qualité en provenance du nord de l’Union européenne notamment. La Tunisie, quant à elle, vient d’acheter le vendredi 1er octobre 2021, 100 000 tonnes.

Les prix d’orge progressent encore

L’orge suit la hausse du blé mais de manière un peu plus modérée. Rendu Rouen, les orges fourragères françaises valent 238 €/t en base juillet, soit 6 €/t de plus que la semaine dernière. Avec la baisse de l’euro face au dollar, elles ne gagnent que 4 $/t sur le marché mondial, à 282 $/t Fob Rouen.

 

Comme les orges de la mer Noire n’ont pas vu leur prix varier beaucoup cette semaine, les orges européennes se renchérissent face à leurs concurrentes qu’elles dépassent maintenant de 20 $/t. Les prix grimpent légèrement aussi en Australie (+5 $/t, à 260 $/t) à la suite des gelées récentes.

 

Après l’achat de la semaine dernière, la Turquie revient encore « au marché » cette semaine avec un appel d’offres de 310 000 tonnes d’orge fourragère, ce qui illustre son énorme déficit cette année. La Tunisie vient d’acheter 50 000 tonnes. Ces achats réguliers soutiennent les prix, dans un contexte mondial extrêmement tendu.

 

Sur le marché brassicole, l’orge d’hiver a gagné 11 €/t à 267 €/t cette semaine, tandis que l’orge de printemps a gagné 10 €/t à 290 €/t. Les primes brassicoles s’élèvent donc encore un peu plus à cause du manque de disponibilités européennes.

Le maïs reste soutenu par le blé

Les prix du maïs grimpent nettement cette semaine, avec une progression de 15 €/t Fob Rhin, à 244 €/t, en base juillet et de 12 €/t Fob Bordeaux, à 239 €/t. Cette hausse est poussée par la baisse de l’euro face au dollar, mais le maïs est également dopé par la lenteur de la récolte en Ukraine et les déceptions concernant les rendements dans le centre-sud de l’Union européenne.

 

Aux États-Unis, l’USDA a publié jeudi 30 septembre 2021 les stocks de maïs au 1er septembre : ces stocks sont en baisse de 36 % par rapport à ceux de 2020. Il s’agit d’un bas niveau, toutefois légèrement supérieur à ce que plusieurs opérateurs prévoyaient. Pas de grosse variation des prix américains ou sud-américains cette semaine. Cela indique que la hausse française est surtout un phénomène européen lié, d’une part, au net regain d’attractivité du maïs français dans les aliments pour animaux après les fortes hausses de prix du blé et, d’autre part, à la compétitivité des maïs français face aux autres maïs européens ou ukrainiens à destination du sud ou du nord de l’Union européenne.

Nouveaux sommets pour les prix des colzas français

Ces dernières semaines, la récolte de canola au Canada a pu progresser rapidement grâce à des conditions climatiques favorables et touche à sa fin. Au 28 septembre 2021, 92 % des canolas étaient récoltés dans le Saskatchewan et 94 % dans le Manitoba. Cependant, les premiers échos confirment bien les rendements du premier exportateur mondial à un niveau extrêmement faible, limitant les exportations et la trituration. Ainsi, cette semaine, les prix du canola ont encore augmenté de 10 $/t, à 701,4 $/t, sur novembre.

 

Les prix des colzas en France ont, quant à eux, augmenté de 20 €/t rendu Rouen et 22 €/t en Fob Moselle, atteignant respectivement 637 €/t et 642 €/t. Cette forte hausse a notamment été soutenue par une forte demande en huile du secteur du biodiesel (notamment de colza, largement utilisée dans le secteur de l’énergie dans l’Union européenne) ainsi que par une nouvelle hausse du prix du pétrole cette semaine.

 

En effet, le pétrole s’est renchéri à New York et à Londres car une forte demande (à laquelle l’offre ne pourrait pas répondre) est attendue sur le marché avec la reprise économique post-Covid. Tout cela apporte du soutien aux prix des huiles, déjà en augmentation à cause des faibles disponibilités canadiennes en canola, mais également à cause de la baisse de production d’huile de palme en Malaisie et en Indonésie (manque de main-d’œuvre avec la pandémie de Covid-19).

Les graines et les tourteaux de soja continuent de baisser

Le soja américain a perdu 10 $/t à Chicago cette semaine. Soutenu momentanément jeudi 30 septembre 2021 par les perspectives d’une remontée des exportations américaines à la suite de la reprise d’activité des ports, il a vite retrouvé son orientation baissière. En cause, la publication des chiffres de l’USDA montrant des stocks au 1er septembre 2021 et une production en 2021 supérieures aux attentes du marché. L’USDA estime maintenant la récolte américaine à 114,6 millions de tonnes (contre 112,4 millions de tonnes attendues).

 

Les nouvelles chinoises, avec des chiffres hebdomadaires de trituration au plus bas depuis 5 mois ont aussi pesé sur les prix. Néanmoins, la baisse a été modérée par l’envolée du pétrole qui a atteint son plus haut depuis 3 ans au moment où la Chine a ordonné à ses entreprises du secteur de l’énergie de sécuriser leurs besoins quel qu’en soit le prix.

 

Le retrait des fèves a entraîné les tourteaux en baisse aux États-Unis (-11 $/t) ainsi qu’à Montoir où l’évolution est toutefois restée assez modérée (−4 $/t, à 411 €/t). Les tourteaux argentins accusent plus nettement le coup avec une baisse de 19 $/t sur la semaine.

Nouvelle hausse pour le prix du tournesol

Les prix du tournesol ont poursuivi leur hausse cette semaine notamment dans le sillage de l’huile. Les prix de cette dernière restent soutenus par les faibles disponibilités sur le marché européen et la mer Noire. La trituration de tournesol est au ralenti dans plusieurs pays en raison des retards pris dans la récolte, en plus d’une forte rétention des agriculteurs qui s’attendent à de nouvelles hausses des prix de la graine. Ainsi, l’offre en huile de tournesol est très limitée alors que la demande (surtout des pays émergents) demeure assez dynamique compte tenu de la bonne compétitivité de cette huile.

 

Ainsi, en France, le prix de tournesol à Saint-Nazaire remonte de 20 €/t pour la qualité standard et de 5 €/t pour le tournesol oléique. Les deux qualités sont désormais à parité (à 560 €/t). De même, le Fob moyen en mer Noire gagne 25 $/t, à 607,5 $/t.

 

À suivre : décisions de la Russie concernant son volume d’exportation de blé, impact des prix élevés des céréales sur la demande et les échanges, conditions climatiques pour les céréales dans l’hémisphère Sud, semis de soja en Amérique du Sud, moissons nord-américaines (maïs, soja, canola), européennes et en mer Noire (tournesol), prix du pétrole et de l’énergie en général.