Les prix des grains repartent en hausse à la suite d’achats importants, d’inquiétudes climatiques, de conflits politiques et de montée du prix du gaz.

Les prix du blé remontent

Les prix du blé viennent de rebondir nettement cette semaine après la forte chute enregistrée au cours de la première quinzaine de décembre.

 

Les blés français à Rouen ont ainsi regagné 17 €/t depuis vendredi dernier à 278,75 €/t en base juillet et l’échéance de mars d’Euronext augmente de 11,25 €/t (à 289,75 €/t en milieu d’après-midi ce jeudi). La hausse des prix français a accompagné celle des prix US (+20 $/t) alors que, dans le même temps, les prix ont continué de s’affaisser au départ de l’Argentine, de l’Australie et de la Russie (−2 à −4 $/t).

 

On observe donc que les prix des blés de l’hémisphère Sud restent comprimés par l’arrivée massive des récoltes et l’ampleur des volumes à dégager. En Argentine, les résultats de la moisson restent très bons et la récolte pourrait encore être revue à la hausse. Par ailleurs, le gouvernement a confirmé des quotas d’exportation à 12,5 millions de tonnes pour le blé de la récolte de 2021. Le plafond annoncé est élevé et, avec les blés de l’ancienne récolte exportés avant décembre, le potentiel d’exportations de l’Argentine pour l’ensemble de la campagne de 2021-2022 est donc haut.

Inquiétudes climatiques aux États-Unis et achats chinois en blé

Aux États-Unis (USA) en revanche, les prix ont grimpé, poussés par les inquiétudes découlant du manque sérieux de précipitations sur les plaines de blé d’hiver. La situation n’était guère meilleure l’an dernier à la même date et elle s’est ensuite améliorée au point de conduire à de bons rendements. Il est donc trop tôt pour prévoir maintenant de mauvais rendements d’hiver aux USA mais la situation n’est pas optimale.

 

En France, la compétitivité des prix du blé a attiré de nouvelles de ventes à la Chine (environ 300 000 tonnes) et cela vient s’ajouter aux 500 000 tonnes (entre 360 000 et 600 000 tonnes) vendues il y a deux semaines. Il s’agit d’un volume important.

 

Nous avions prévu que la Chine reviendrait sur le marché français après son achat d’environ 1,6 million de tonnes cet automne. Cela n’est donc pas une surprise mais le volume acheté dépasse légèrement la prévision. Cela peut contribuer à réduire les stocks français — de blé de basse qualité — qui s’annonçaient élevés.

Réactions politiques en série

Parmi les réactions politiques aux prix actuels, on peut souligner l’attitude de l’Inde qui a stoppé le fonctionnement de ses contrats à terme, sur le blé notamment. En l’absence d’outil d’arbitrage, les opérateurs risquent de réduire leurs opérations. Comme l’Inde est un gros pays exportateur cette année, cela pourrait freiner ses ventes.

 

Ces éléments ont donc contribué à la hausse récente des prix US et français. En outre, en Ukraine, l’association des meuniers réclame un quota d’exportations pour les blés meuniers en seconde moitié de campagne, de crainte que le marché intérieur ne soit en déficit. La réaction du gouvernement ukrainien, en janvier, sera à suivre de près.

 

Il est intéressant de noter la différence de comportement entre les prix russes, argentins, australiens d’une part (à la baisse) et ceux des blés US et européens. Les blés argentins restent très compétitifs sur les destinations de la Méditerranée et ceux de l’Australie sur l’Asie et cela constitue un facteur de modération à venir.

Orges : la demande chinoise tire les prix français vers le haut

Après la forte baisse des prix de la semaine dernière, la compétitivité des orges françaises vers la Chine a largement progressé. Le prix de l’origine France n’est supérieur que de 4 $/t à celui de l’origine ukrainienne. Cette dernière est plus compétitive. Cependant, ses disponibilités sont à présent très faibles après une première partie de campagne avec des exportations élevées.

 

Cette semaine, quatre voire cinq bateaux d’orges françaises ont été achetés par la Chine, soit 260 000 à 320 000 tonnes. Cet appétit chinois soutient les prix des orges fourragères françaises, qui ont gagné 9 $/t en prix Fob depuis vendredi dernier à 302 $/t.

 

De plus, la progression des cours du blé sur les marchés américains et européens a stimulé la hausse des prix physiques de l’orge fourragère française, désormais à 266 €/t rendu Rouen (+15 €/t sur la semaine).

 

En l’absence d’éléments nouveaux, les prix brassicoles n’ont pas varié depuis vendredi dernier. La prime brassicole perd donc 9 €/t cette semaine, à 43 €/t pour l’orge brassicole d’hiver et 73 €/t pour l’orge brassicole de printemps.

Les prix du maïs en légère hausse

Sur une semaine, le maïs s’est renchéri presque partout. En France, le maïs a gagné 4 €/t sur le Rhin et Fob Bordeaux à 256 €/t et 248 €/t (base juillet). Au niveau international également, les prix ont grimpé sur la semaine, avec de légères hausses de 5 à 7 $/t pour les maïs brésiliens et US à 279 $/t, ainsi que pour les maïs argentins à 263 $/t. Seuls les maïs ukrainiens sont restés impassibles, sous l’ampleur d’une forte récolte.

 

Plusieurs éléments viennent soutenir les prix nord et sud-américains. Le temps sec se poursuit dans le sud-est du Brésil et le nord de l’Argentine et continue à réduire les potentiels de rendement dans ces régions. Les dernières données de l’USDA réduisent par ailleurs les estimations de surfaces consacrées au maïs aux USA de 0,4 %, ce qui diminue légèrement l’estimation de production pour ce pays.

 

A contrario, plusieurs nouvelles viennent modérer ces éléments haussiers. En Argentine en effet, la Bourse de Buenos Aires a revu ses estimations de production de maïs à la hausse, à 57 millions de tonnes, contre 55 lors de la dernière estimation, en raison d’une hausse de la prévision de surface consacrée au maïs. Dans une autre région du monde, la récolte ukrainienne de maïs pourrait battre le record de 2019 de 36 millions de tonnes, d’après le ministère ukrainien de l’Agriculture. Les récoltes sont avancées à 98 % et atteignent déjà 40 millions de tonnes.

 

Du côté des échanges internationaux, l’Iran vient d’acheter 300 000 tonnes de maïs pour chargement en janvier-février.

Le temps sec en Amérique du Sud soutient le soja

Les cours mondiaux du soja ont fortement rebondi cette semaine, des pertes de surfaces étant entérinées dans le sud du Brésil, au Paraguay et en Argentine. Le cours du soja a bondi de 21 $/t sur l’échéance de mai 2022 à Chicago et de 19 $/t sur le rapproché.

 

Au Brésil, les cours ont évolué dans le même sens (+19 $/t sur mai 2022). Dans une grande majorité des zones de production du Paraná et du Rio Grande do Sud au sud du Brésil, et au Paraguay, le cumul des précipitations n’a atteint que 50 % de la normale sur novembre-décembre, alors que la période de semis battait son plein.

 

Dans l’est de l’Argentine (région de Buenos Aires et d’Entre Rios) et en Uruguay, la situation est également préoccupante, avec un déficit hydrique de 25 à 50 % depuis le début de novembre. Les intentions de semis n’ont pas pu être atteintes partout. Les hausses de surfaces attendues dans ces régions en raison de la forte attractivité du soja (prix historiquement élevés, coûts des intrants plus faibles que pour le maïs) seront probablement bien plus limitées que prévu, voire inexistantes.

 

De plus, sur les deux prochaines semaines, le temps s’annonce sec sur l’ensemble de l’Argentine, au sud du Brésil, en Uruguay et dans l’est du Paraguay. Les températures maximales devraient largement dépasser les normales de saison, de 3 à 5 degrés par endroits. De nouvelles pertes de potentiel sont ainsi à craindre, notamment dans les champs où les plants ont été fragilisés par un temps sec lors de l’implantation.

Progression du tourteau de soja

Le tourteau de soja a lui aussi fortement rebondi dans ce contexte climatique, le principal exportateur mondial de tourteau de soja, l’Argentine, étant fortement exposé au risque de sécheresse.

 

Le tourteau a grimpé de plus de 32 $/t sur le marché de Chicago, et le prix Fob Argentine a bondi de 25 à 26 $/t en une semaine, retrouvant ainsi les niveaux élevés du mois de mai 2021. Le prix à Montoir augmente plus modérément, de 4 €/t, à 440 €/t, le cours français ayant été touché en milieu de semaine par une chute de la demande.

Le prix du pois se stabilise

Les cours du pois se stabilisent en France à un niveau historiquement élevé. L’activité reste limitée par les prix élevés du pois fourrager, qui poussent les fabricants d’aliments vers d’autres sources de protéines, et par de moindres achats en cette période festive. La récente flambée des cours des tourteaux pourrait redonner de l’intérêt aux pois sur le début de l’année 2022.

Le colza soutenu par l’énergie et le soja

Cette semaine, les prix des colzas français ont été alimentés par de nouvelles secousses sur les marchés de l’énergie. Le prix du pétrole a rebondi au milieu de la semaine à la suite d’une chute des réserves américaines, mais surtout le prix du gaz en Europe a atteint des niveaux historiques, soutenu par la chute des températures, et par les relations diplomatiques chaotiques entre la Russie, un des principaux fournisseurs en gaz de l’Union européenne, et ses partenaires.

 

La sécheresse persistante dans le sud de l’Amérique latine a étalement soutenu les cours mondiaux et européens du colza. Ainsi, le prix du colza a grimpé de presque 25 €/t en Fob Moselle et atteint 762 €/t un nouveau record.

 

Sur Euronext les prix ont encore augmenté de 24 €/t sur l’échéance de février et de 18 €/t sur mai 2022. A Rouen, les prix ont aussi flambé, passant au-dessus des 700 €/t (+18 €/t en une semaine à 709 €/t le 22 décembre).

 

L’état des cultures est plutôt correct pour le colza dans l’Union européenne.

Le tournesol remonte un peu

Malgré l’agitation des marchés oléagineux concurrents cette semaine, les prix du tournesol n’augmentent que légèrement cette semaine (+5 €/t pour le tournesol oléique à Saint-Nazaire). Le prix Fob mer noire est lui stable (à 637,50 €/t). Cela découle d’une baisse du prix de l’huile de tournesol.

 

Actuellement, l’offre en tournesol est plus généreuse avec notamment un retour des agriculteurs de la mer Noire à la vente. La demande en graines des triturateurs reste soutenue, mais elle est modérée par la forte concurrence que l’huile de soja fait subir à l’huile de tournesol.

 

Par ailleurs, l’Inde a pris deux décisions d’importance cette semaine afin de contenir l’inflation sur le prix des denrées alimentaires.

  • D’une part, le gouvernement indien a ordonné la suspension des contrats à terme sur sept matières premières cotées par le National Commodity and Derivatives Exchange pendant un an, à effet immédiat, et cela concerne l’huile de palme brute, les graines, huile et tourteaux de soja ainsi que le colza, ses huiles et tourteaux.
  • D’autre part, il a réduit les taxes à l’importation sur l’oléine de palme raffinée dans le but de maîtriser l’inflation des cours intérieurs.

 

Ces deux décisions ont eu pour effet de tempérer les cours des huiles sur le marché mondial. Le prix de l’huile de tournesol Fob mer Noire a ainsi reculé de 27,50 $/t en une semaine. Cela a contribué à modérer la hausse des cours du tournesol en France.

À suivre : climat en Amérique du Sud (soja), développement des colzas en Europe et mer Noire, marchés de l’énergie, relations diplomatiques Russie-Otan, demande en huiles des pays émergents, situation sanitaire mondiale, décision de l’Ukraine pour ses exportations de blé.