Les prix des céréales à paille sont repartis à la baisse avec une chute de l’activité en cette fin d’année juste avant le petit sursaut dû à l’achat égyptien. Les graines oléagineuses demeurent en revanche très soutenues par le pétrole, le manque de canola canadien et les inquiétudes pour la récolte de soja en Amérique du Sud.

Baisse des prix du blé

Les prix du blé ont rechuté cette semaine malgré le rebond enclenché hier après l’achat égyptien. Rendu Rouen, le blé a perdu 15 €/t entre jeudi dernier et ce mercredi avant de regagner 3 €/t aujourd’hui, à 276 €/t. Sur Euronext, l’échéance de mars a perdu plus de 8 €/t par rapport à jeudi dernier, à 281,25 €/t actuellement.

 

Depuis le 24 décembre 2021, les prix physiques des blés français ont suivi Euronext et Chicago à la baisse en raison de prises de bénéfices en cette fin d’année et d’une activité en berne à cause des fêtes de fin d’année.

Premier achat de la campagne de blé français par l’Égypte

L’Égypte a alors profité de ce moment pour lancer un appel d’offres portant sur 300 000 tonnes et a acheté 120 000 tonnes de blé ukrainien, 60 000 tonnes de blé roumain à 361,25 $/t Caf (arrivée à destination), 60 000 tonnes de blé ukrainien à 359,6 $/t Caf et 60 000 de blé français à 363 $/t Caf. Le blé français était le moins cher en prix Fob mais il se retrouve tout de même plus onéreux que les blés de la mer Noire à l’arrivée à cause des coûts de transport.

 

La France n’avait pas vendu à l’Égypte depuis février dernier. Cet événement a suscité un sursaut des prix sur le marché français ; il vient illustrer le regain de compétitivité des blés français et le fait que plusieurs origines (la Chine la semaine dernière, l’Égypte cette semaine) peuvent en partie remplacer des volumes perdus à destination de l’Algérie. Cet achat souligne aussi l’absence de compétitivité des blés russes dont les prix sont restés stables cette semaine.

 

En cette fin de semaine, le marché des céréales voit d’un bon œil également la discussion d’aujourd’hui entre les présidents Biden et Poutine et le fait que les officiels des deux pays se rencontreront le 10 janvier pour discuter des différends en Ukraine. Enfin, la hausse des prix du pétrole et la tension sur le gaz restent des éléments haussiers sur le court terme.

 

En conclusion, la semaine reste marquée par une belle rechute des prix, cohérente avec la situation de l’offre et de la demande (il y a en effet assez d’offres sur le marché mondial pour répondre à la demande) mais la situation est fragile car cette demande est forte et plusieurs pays contrôlent leurs exportations (Russie, Argentine notamment). Le petit rebond récent illustre cette fragilité même si la tendance de fond reste plutôt baissière.

Orges : le blé pousse les orges en baisse

Au début de la semaine, le prix rendu Rouen de l’orge fourragère française ont stagné autour de 265 €/t, en l’absence d’activité en cette période de fêtes de fin d’année. Ensuite, les prix ont nettement baissé le mercredi 29 décembre après la hausse qui a démarré la semaine dernière, descendant jusqu’à 255 €/t rendu Rouen (−11 €/t par rapport au niveau de jeudi dernier), se rapprochant de leur plus bas niveau des deux derniers mois observé à la mi-décembre à 250,5 €/t.

 

Cela fait chuter le prix Fob des orges françaises en dessous de 300 $/t sur le marché mondial. En effet, des prises de bénéfices sur les marchés à terme du blé à Chicago et Paris ont entraîné à la baisse les cotations du blé, ce qui s’est répercuté sur les prix physiques du blé et des autres céréales à paille, dont l’orge fourragère.

 

Il est à noter toutefois que les prix de l’orge repartaient à la hausse aujourd’hui, le jeudi 30 décembre 2021 (+2 €/t), tirés par le léger redressement de ceux du blé après l’achat de blé français par l’Égypte. Du côté des concurrents de la mer Noire, les prix de l’orge évoluent peu cette semaine, en légère hausse de 1 $/t, à 288,5 $/t, pour les orges russes et stables, à 292,5 $/t, pour les orges ukrainiennes, dont le disponible exportable a déjà été écoulé.

 

Les orges françaises restent néanmoins plus chères que les orges de la mer Noire, à destination du Proche-Orient notamment. La Jordanie avait lancé un appel d’offres pour 120 000 tonnes d’orge cette semaine mais elle vient de l’annuler, sans achat.

 

Les orges de brasserie ont suivi modérément la baisse au milieu de la semaine (pour descendre à 370 €/t, −5 €/t) mais se redressent aujourd’hui si bien qu’elles retrouvent leur prix de jeudi dernier, à 375 €/t Fob Creil pour les variétés de printemps. Le manque de disponibilités européennes en orges brassicoles de printemps limite nettement la chute de leurs prix. La prime brassicole des orges de printemps retrouve donc ce qu’elle avait perdu la semaine dernière (près de 10 €/t).

Peu d’évolution pour les prix du maïs sur une semaine

Le maïs Fob Bordeaux s’affiche à 248 €/t (base : juillet), en stabilité d’une semaine sur l’autre. À l’international, les prix ont également peu changé avec 262 $/t pour le maïs Fob Argentine, 278 $/t pour le maïs US Fob Gulf et 272,5 $/t pour le maïs Fob Ukraine.

 

Du côté des éléments haussiers pour le maïs, nous pouvons noter la poursuite de la hausse des cours du pétrole, et ce, malgré les inquiétudes liées au variant Omicron du Covid-19. Cette hausse est principalement alimentée par le contexte aux États-Unis où les restrictions sanitaires ne se durcissent pas pour le moment.

 

Il est à noter également que la première récolte de maïs au Brésil a débuté dans le sud du pays (Rio Grande do Sul) avec des craintes de rendements amoindris par la sécheresse alors que plus au nord ce sont au contraire les pluies très abondantes qui soulèvent des craintes sur les volumes. Du côté des éléments baissiers, le ministère américaine de l’Agriculture (USDA) a publié des chiffres de cheptel de bétail aux États-Unis. Ainsi au 1er décembre 2021, il est en très léger retrait par rapport à l’an dernier et donc légèrement en dessous des attentes du marché. Il est à noter aussi que le marché a été calme sur la semaine du point de vue des échanges internationaux.

 

Globalement, les prix du maïs restent élevés en cette fin d’année, soutenus par les prix de l’énergie (pétrole et gaz), des engrais azotés et par des prévisions de hausse seulement modérée des stocks de maïs au niveau mondial (les stocks restant donc à un niveau relativement bas) pour la fin de campagne de 2021-2022.

Le pétrole et le déficit mondial soutiennent le colza

Cette semaine, les cours du pétrole ont bondi de plus de 5 %. Le cours du brut a bénéficié d’une forte demande aux États-Unis, où les stocks ont fortement diminué en une semaine (selon la publication hebdomadaire de l’EIA, le département américain de l’Énergie). Par ailleurs, le cours du pétrole bénéficie d’un fort report de demande des opérateurs du marché de l’énergie, délaissant le gaz naturel, en raison d’un contexte de prix historiquement élevé. Le gaz naturel vaut actuellement sur le marché européen 10 fois son prix de l’an dernier !

 

Cette situation historique est due à la combinaison d’une forte déconnexion entre l’offre (insuffisante, restreinte par les problèmes de logistiques et de recrutements consécutifs à la pandémie) et la demande (très soutenue en raison de la reprise économique mondiale) et de la crise diplomatique qui oppose la Russie, principal fournisseur de gaz de l’Europe, et ses partenaires européens. Le prix du colza a ainsi bondi sur le marché français, grimpant de plus de 30 €/t en rendu Rouen, atteignant 739,50 €/t, un nouveau record historique pour clôturer l’année 2021.

 

Le prix en Fob Moselle a lui augmenté de 22 €/t, à 784 €/t, là aussi un record pour ce marché. La très forte tension sur le marché du colza, due à une chute de plus d’un tiers de la production de canola au Canada en 2021, contribue aussi fortement à ces records de prix.

Le soja grimpe avec l’énergie et le sec en Argentine

Le prix du soja à Chicago a été entraîné à la hausse par ce contexte haussier pour l’énergie, mais également par les conditions climatiques sèches touchant le sud du Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay. Ainsi, il a clôturé en hausse de 10 $/t sur la semaine au 30 décembre sur l’échéance de janvier 2022. Sur l’échéance de mai 2022, le soja a augmenté de 14 $/t, pour atteindre 506 $/t, soit 8 $/t de plus que pour des livraisons rapprochées !

 

Cette situation est particulièrement inhabituelle, les prix pour des livraisons en mai étant en général en début d’année plus bas que les prix pour des livraisons en janvier-février, étant donné que les moissons des régions sud de l’Amérique latine battent leur plein en avril-mai. Cela indique les fortes craintes de pertes sur les récoltes qui animent les marchés actuellement. Ces craintes sont consécutives à la publication de la bourse de Rosario. Cette dernière a réduit de 16 points les champs notés comme bons à excellents en Argentine, à 71 %, en l’espace d’une semaine, le 23 décembre 2021.

 

Bien que cela indique toujours une récolte prometteuse, la forte dégradation de l’état des cultures en une semaine a marqué les esprits, d’autant plus que les prévisions météorologiques ne sont pas très rassurantes pour les semaines à venir. Au Brésil, les semis sont désormais terminés. Certaines zones de production dans les régions du Sud commencent à montrer des signes de stress hydrique, comme en Argentine.

Progression du tourteau de soja

Le tourteau de soja a suivi le rebond enclenché par la dégradation de l’état des plants de soja ; il est aussi soutenu par une demande forte, notamment sur le marché chinois. Le tourteau a grimpé de 13 $/t sur le marché de Chicago, entre le 23 et le 30 décembre 2021, et celui à Montoir de 20 €/t en une semaine, à 460 €/t.

Le prix du pois suit

La forte hausse des prix des tourteaux de soja entraîne un report de demande des fabricants d’aliments vers le pois fourrager (entre autres). Ce dernier voit ainsi son prix monter de 5 €/t en une semaine, à 345 €/t, un nouveau record en cette toute fin d’année 2021.

Le tournesol se stabilise

Seul le prix du tournesol semble imperméable à l’influence des marchés de l’énergie et des incertitudes climatiques. L’afflux de tournesol de la mer Noire sur le marché explique la stagnation des cours : aux prix actuels (620 €/t à Saint-Nazaire pour la qualité oléique, et 637,50 $/t Fob mer Noire), les agriculteurs sont en effet vendeurs.

 

Les offres disponibles sont ainsi suffisantes pour couvrir la demande, temporairement réduite par les festivités de la fin de l’année dans les pays de la mer Noire.

À suivre : compétitivité des céréales françaises, climat en Amérique du Sud (soja et maïs), développement des colzas en Europe et mer Noire, marchés de l’énergie, relations diplomatiques Russie-Otan, demande en huiles des pays émergents, situation sanitaire mondiale.