Les prix des céréales ont perdu du terrain cette semaine à cause des craintes liées au redéploiement de la pandémie mais d’autres facteurs, concernant l’hémisphère Sud surtout, sont rentrés en jeu aussi. Le mouvement de baisse n’a pas affecté aussi fortement le complexe oléagineux.
Forte correction baissière en blé
La semaine a été marquée par un net retrait des prix du blé sur le marché français, européen et mondial avant une correction à la hausse jeudi qui n’a pas compensé la chute du début de la semaine. Les prix repartaient d’ailleurs en baisse ce vendredi sur Euronext. Aujourd’hui en milieu d’après-midi, le blé tendre est coté à 286,75 €/t pour l’échéance de décembre et à 294 €/t pour l’échéance de mars. Cela représente des baisses respectives de 12,5 et de 8,75 €/t sur la semaine. Sur le marché physique, les prix ont chuté aussi de 16 €/t par rapport à vendredi dernier (à 289,25 €/t rendu Rouen), mais se retrouvent toutefois en légère hausse après un plus bas de 282 €/t au milieu de la semaine. Les prix français valent maintenant un peu moins de 340 $/t sur le marché mondial (−15 $/t en une semaine). Les prix US se sont affaissés du même ordre de grandeur tandis que les prix de la mer Noire ont chuté plus modérément (−7 $/t seulement pour le blé russe à 12,5 % de protéines Fob Novorossiysk à 341 $/t).
La semaine a pourtant commencé sur les chapeaux de roues avec un achat d’une taille inhabituelle (600 000 tonnes) de la part de l’Égypte, achat servi par des blés de la mer Noire (Roumanie, Ukraine et Russie). L’Égypte semble avoir voulu profiter de l’affaissement des prix pour boucler une quantité importante. Elle a été suivie par la Tunisie (175 000 tonnes, origine optionnelle), la Jordanie (120 000 tonnes, blé roumain). De son côté, l’Arabie vient de lancer hier un appel d’offres pour 535 000 tonnes, arrivée en mai-juin pour des blés à 12,5 % de protéines.
Le Covid inquiète à nouveau mais ce n’est pas le seul facteur baissier
Les prix ont baissé pour plusieurs raisons : la montée en puissance du nouveau variant Covid Omicron et les craintes de ralentissement économique que cela a tout de suite suscité ont contribué à la baisse. Le prix du pétrole a fortement « dévissé », poussant aussi celui des céréales vers le bas. Néanmoins, le Covid ne nous semble pas être le principal facteur derrière cette correction baissière : les prix avaient atteint des niveaux très élevés, dans la crainte de fortes pertes en Australie dues aux pluies récentes. Or l’office australien de la statistique Abares a publié au début de la semaine une estimation très élevée de la récolte australienne (34,4 millions de tonnes contre 32,6 millions de tonnes dans son estimation de septembre). Cette publication est venue apporter une bouffée d’air même s’il convient de rester prudent pour l’estimation de la récolte australienne, encore affectée par les pluies ; une partie des volumes récoltés dans ce pays ne répondra pas aux exigences meunières et cela pousse actuellement les prix des blés meuniers vers le haut en Australie, en très forte prime de 40 $/t par rapport aux blés fourragers.
Aujourd’hui, le Canada vient de publier une nouvelle estimation de sa récolte et le détail de cette dernière est instructif : la production totale reste presque stable par rapport à l’estimation précédente (en forte baisse par rapport à 2020 mais cela était déjà connu) ; en revanche, la production de blé dur y est réduite de 900 000 tonnes (énorme volume pour une production qui était déjà estimée très basse) et celle de blé tendre revue en hausse d’autant. Le chiffre du blé tendre de StatCan (19 millions de tonnes) va conduire beaucoup d’opérateurs à revoir en hausse leurs estimations du blé tendre et cela constitue un facteur plutôt baissier pour le blé tendre (mais explosif pour le blé dur).
En Argentine enfin, le gouvernement vient d’annoncer un plan agricole pour les deux prochaines années, qui sera présenté aux producteurs la semaine prochaine : ce plan pourrait aider à faire baisser les tensions entre les producteurs et le gouvernement au sujet notamment des limites imposées aux exportations. Il s’agit aussi d’un facteur d’apaisement.
Inflexion des prix français d’orge après quelques mois de hausse
En fin de semaine dernière et en début de semaine, le variant Omicron et sa détection en France ont semé un vent de panique sur les marchés. Les prix de l’orge rendu Rouen se sont nettement contractés cette semaine face aux inquiétudes sur un éventuel renforcement des mesures sanitaires, dans le sillage des autres matières premières agricoles. Ils sont descendus jusqu’à 253 €/t mercredi, avant de remonter à 263 €/t au 2 décembre (-13 €/t par rapport à la semaine dernière).
Ces derniers mois, l’orge française a été peu compétitive sur les marchés internationaux comme l’Afrique du Nord ou le Moyen-Orient, à l’exception de la Chine. Or, la demande chinoise est moins élevée cette année que sur la campagne 2020/21. Les exportations françaises ont donc été pénalisées depuis le début de la campagne.
Cette semaine, les prix de l’orge fourragère de l’hexagone ont diminué de 10 $/t pour atteindre 307,5 $/t FOB Rouen. À l’inverse, les prix ukrainiens et australiens ont marqué une progression sur la même période : les orges australiennes gagnent ainsi 12 $/t à 295 $/t, tandis que les prix des orges ukrainiennes augmentent de 5 $/t à 302,5 $/t. L’écart de prix entre les différentes origines se resserre donc.
La demande reste présente en orge
Du côté des importateurs, la Tunisie a profité des mouvements de baisse des prix des céréales cette semaine pour lancer plusieurs appels d’offres mercredi, dont un en orge qui s’est soldé par un achat de 100 000 tonnes d’orge fourragère le lendemain. La Jordanie a également acheté 60 000 tonnes, après un appel d’offres lancé la semaine dernière. La livraison est prévue pour la toute fin de campagne, ce qui indique que les achats jordaniens pour la campagne 2021-2022 sont probablement terminés. L’orge française doit donc gagner en agressivité sur les marchés d’Afrique du Nord et vers les autres pays du Moyen-Orient. Les prix français ont amorcé cette semaine le travail de regain de compétitivité nécessaire pour ne pas terminer la campagne avec des surplus trop importants. Ce regain de compétitivité devrait se poursuivre en deuxième moitié de campagne face à l’arrivée de la concurrence des orges de l’hémisphère Sud dans les ports.
La baisse des cours brassicoles a été plus mesurée cette semaine, puisque l’orge de printemps a perdu 5 €/t à 360 €/t et celle d’hiver n’a reculé que de 1,5 €/t à 340 €/t. Le marché brassicole étant moins liquide, les prix brassicoles sont un peu moins réactifs à la baisse des prix fourragers.
Les prix du maïs français chutent nettement
Comme le blé et l‘orge, le maïs a vu son prix chuter nettement cette semaine. En France, il perd 7 €/t Fob Rhin à 256 €/t et 16 €/t Fob Bordeaux à 247 €/t. Cela conduit à une chute de 15 $/t des prix français sur le marché mondial, chute beaucoup plus marquée que celle des autres origines mondiales (-4 $/t au Brésil, -1 $/t aux USA, -5 $/t en Ukraine).
Le maïs a lui aussi subi l’impact des craintes de redéploiement de l’épidémie de coronavirus, sensible à tout ralentissement de l’activité dans les transports qui peut entraîner une chute des utilisations d’éthanol.
Néanmoins, à l’échelle mondiale, les prix du maïs ont beaucoup moins baissé cette semaine que ceux du blé et cela peut s’expliquer par le fait qu’ils étaient restés plus cohérents avec la situation de l’offre et de la demande que cela n’était le cas en blé. En Europe et en France toutefois, le maïs venait potentiellement de gagner beaucoup de demande animale aux dépens du blé. Cela avait très fortement soutenu les prix du maïs au cours des semaines passées ; ce soutien du blé diminuant, le maïs français a dû suivre.
Soja : correction à la baisse des cours mondiaux
Grâce à des conditions propices pour la fin des récoltes aux USA et aux semis au Brésil, dans de bonnes conditions, les prix à Chicago ont perdu 8 $/t sur le rapproché et 11 $/t sur l’échéance de mai 2022. Alors que les dernières parcelles étaient récoltées cette semaine aux USA, les prix ont trouvé un peu de support le 30 novembre avec de nouvelles ventes US vers la Chine. Les exportations américaines restent à des niveaux inférieurs à ceux de l’année dernière, et devraient le rester tout au long de la campagne, avec une demande accrue des industriels US pour alimenter les lignes de trituration, et une offre brésilienne plus abondante.
Au Brésil, le prix Fob sur le rapproché a suivi les prix US, et perd 6 $/t en une semaine. Après la fin des semis dans de très bonnes conditions au Mato Grosso la semaine dernière, ils se sont terminés au Paraná, deuxième État producteur. À l’échelle nationale, c’était 92 % des semis qui étaient réalisés au 27 novembre, en nette avance par rapport à l’année dernière. Cette semaine, le temps sec et chaud du sud du Brésil (zone frontalière avec l’Argentine) a éveillé la vigilance sur le développement des parcelles de soja. Enfin, toujours au Brésil, le revirement des autorités quant au taux d’incorporation de biodiesel dans le diesel (il est maintenu à 10 % pour 2022, alors qu’une hausse était prévue à 14 % en mars 2022 dans la loi Renovabio) a pesé sur les prix. Les industriels ne cachent pas leur mécontentement, étant donné que des investissements sont engagés depuis plusieurs années dans la perspective d’un objectif initial du gouvernement d’atteindre un taux d’incorporation de 15 % en mars 2023. Ainsi, les négociations à ce sujet vont sûrement se poursuivre dans les prochains mois, d’autant plus si la récolte record se concrétise.
En Argentine, les semis progressent mais les inquiétudes sur le climat sec sont toujours de mises. Le sud du bassin de production est toujours plus affecté que le nord (États de la Pampa et de Buenos Aires). Quelques pluies devraient toutefois permettre au semis de se poursuivre dans ces régions. Au total, l’écart par rapport à l’année dernière dans le calendrier est limité : 39 % des surfaces sont semées contre 41 % à la même période l’année dernière.
Les prix du tourteau de soja se maintiennent aux USA, mais baissent dans l’Union européenne
Les cours du tourteau de soja à Chicago n’ont pas suivi le mouvement baissier du soja, et terminent la semaine sur une stabilité à 395 $/t. De bonnes ventes hebdomadaires US de tourteau à l’exportation ont empêché la baisse des prix de la protéine de soja. Au contraire des cotations américaines, les prix des tourteaux de soja à Montoir sont en léger déclin sur la semaine (−4 €/t) à 413 €/t. La petite accélération de la production locale de tourteau de soja, soutenue par de très bonnes marges de trituration, et par le déclin des disponibilités en colza, pèse un peu sur les prix.
Le prix du pois ne cesse de se renchérir
Le pois fourrager, quant à lui, continue de voir son prix grimper : départ Marne, il progresse de nouveau de 8 €/t sur une semaine à 338 €/t un nouveau record. Il profite de la tension sur le marché mondial du pois et de la demande à l’exportation soutenue. En effet, les exportations françaises de pois vers les pays tiers suivent un très bon rythme. Les faibles disponibilités au départ du Canada renforcent l’intérêt de l’origine française.
Colza : des prix secoués, mais finalement en légère baisse
Au début de la semaine, un vent de panique a soufflé sur les marchés à la suite de l’annonce de la détection du nouveau variant Omicron en Europe, et des risques de nouvelles restrictions pouvant pénaliser les demandes énergétiques et alimentaires en huiles. Cela a entraîné à la baisse les cours du pétrole et des huiles. Le colza rendu Rouen a également fortement chuté (de 30 €/t) entre le 26 et 30 novembre. Il était aussi sous l’influence des très bonnes récoltes australiennes de canola arrivant sur les marchés et de pluies bénéfiques sur les sojas sud-américains. Cependant en cette fin de semaine, les prix du colza ont remonté, l’inquiétude sur le variant commençant à s’atténuer (le pétrole a bien rebondi, de 3 $, à 68,5 $ le baril à New York entre le 1er et le 3 décembre). De plus, un renchérissement a été observé sur les cours d’huile de palme (forte demande de l’Inde auprès de la Malaisie à la suite de la hausse des taxes à l’exportation indonésienne).
Finalement, cette semaine les cours du colza rendu Rouen et en Fob Moselle ont légèrement reculé, de respectivement 7 €/t (à 683 €/t) et de 6 €/t (à 694 €/t).
Le tournesol sous pression
La pression des récoltes (finalisées tardivement cette année) continue de peser sur les prix de tournesol. Ces derniers ont été également tirés vers le bas par la dépréciation des cours de l’huile de tournesol et de la graine de colza. Les producteurs de tournesol se remettent à la vente progressivement, incités par les prix de vente très rémunérateurs. La commercialisation des tournesols reste toutefois relativement faible au vu des récoltes records en Europe et en mer Noire, ce qui limite le recul des cours. À Saint-Nazaire, le prix du tournesol français cède 5 €/t, à 595 €/t. La perte a été plus marquée sur le marché mer Noire où le prix Fob moyen recule de 15 $/t, à 652,5 $/t.
À suivre : évolution de la pandémie du coronavirus, prix du pétrole, récoltes et qualité des céréales à paille dans l’hémisphère Sud, comportement de l’Argentine à l’exportation pour le blé, profil (substitution blé/maïs) des formules animales, prix du pétrole, conditions climatiques au Brésil et en Argentine (soja), demande mondiale en huile végétale.