Le blé mène la danse en céréale et voit son prix grimper de nouveau fortement avec les coupes drastiques apportées aux récoltes russes et américaines. Tension en orge aussi avec des prix qui s’envolent, sur le créneau brassicole particulièrement.
Les prix du blé s’envolent
Les prix du blé ont de nouveau fortement grimpé cette semaine, gagnant encore près de 10 €/t à 228,25 €/t rendu Rouen (base juillet). La progression a été moins marquée à la Pallice (+4 €/t seulement à 225,25 €/t) comme sur Euronext pour l’échéance septembre (+4,5 €/t à 227,75 €/t en milieu d’après-midi ce vendredi).
Cette progression reflète deux éléments :
- la lenteur et les déboires qualitatifs de la récolte française d’une part
- la confirmation de la dégradation des récoltes en Russie et Amérique du Nord d’autre part.
66 % de la récolte française était engrangée au 2 août 2021 selon FranceAgriMer ; cela représente une progression par rapport aux 47 % du 26 juillet 2021. Il reste cependant un fort retard par rapport aux 97 % déjà récoltés de l’an passé à la même date. La récolte française aurait donc 11 jours de retard par rapport à la moyenne des 5 dernières années selon Reuters.
On peut estimer que l’avancée de la moisson aura été assez faible cette semaine à cause des pluies fréquentes. Face à ce retard et à la grande hétérogénéité qualitative des lots récoltés, la tâche est ardue pour les opérateurs qui tentent de réunir les quantités nécessaires, à l’export notamment vers l’Algérie, et cela fait monter les prix.
Soutien de la mer Noire et de l’Amérique du Nord
Les blés français sont par ailleurs soutenus par les blés de la mer Noire qui viennent de gagner 15 $/t pour les blés russes à 12,5 % de protéine (268 $/t Fob) et 24 $/t pour les blés ukrainiens à 11,5 % (264 $/t Fob). Ces hausses s’expliquent par la révision en baisse de la récolte russe ces dernières semaines, par des problèmes logistiques d’accès aux ports, par la rétention de certains producteurs et une forte demande turque et iranienne.
Dans le même temps, les blés US tirés par les énormes dégâts sur les blés de printemps, ont augmenté de 10 $/t à 327 $/t Fob Gulf pour le blé HRW.
Le Canada attire tous les regards : la production Canadienne est en effet sans cesse réviséé à la baisse au fur et à mesure des semaines. Elle risque de chuter de 40 % par rapport à 2020 ! Avec l’effondrement des récoltes de printemps aux États-Unis (USA) et au Kazakhstan, la situation s’annonce explosive pour les blés de très haute qualité.
Malgré la dégringolade des perspectives de récolte mondiale en blé, la demande reste forte à cause d’une reprise des utilisations meunières (même si ces dernières seront moins élevées que prévu à cause du variant Delta du Covid-19). L’Égypte a ainsi acheté 60 000 tonnes de blé roumain cette semaine, le Pakistan 220 000 tonnes, la Turquie 245 000 tonnes et l’Algérie 300 000 tonnes, pour un chargement du 1er août au 30 septembre pour ce dernier pays. La Tunisie vient aussi de boucler un achat de blé tendre qui avoisine les 100 000 tonnes aujourd’hui.
La tension sur le bilan de blé (en particulier en blé dur et blé de printemps à haute teneur en protéine) commence à alerter certains pays importateurs : l’Égypte vient ainsi d’annoncer cette semaine sa volonté de relever le prix du pain subventionné : il s’agit de la première tentative en ce sens depuis 1977. À cette époque, l’essai lancé par le président du moment Anouar el-Sadate avait été infructueux et s’était soldé par de graves perturbations urbaines.
Progression des cours de l’orge fourragère et flambée en brasserie
Comme dans le cas du blé, l’orge fourragère a vu son prix augmenter sur la semaine (+4 €/t rendu Rouen à 221,25 €/t). Les chargements récents vers la Chine soutiennent les prix français de même que le niveau catastrophique envisagé pour la récolte canadienne (-30 % environ de récolte par rapport à l’an passé à cause du manque de précipitations et des températures extrêmes).
L’effondrement canadien indique que ce pays ne pourra pas exporter autant que prévu alors qu’il figure parmi les quelques heureux élus autorisés à exporter vers la Chine. Même si la France n’est pas la seule en Europe à répondre à la demande chinoise — elle le fait en tandem avec l’Ukraine — cela vient renforcer la pression haussière sur les orges françaises.
Les besoins importants du Proche-Orient, où les récoltes ne sont pas bonnes, sont aussi un facteur de tension. La Turquie a déjà acheté presque 800 000 tonnes d’orge depuis le début de la campagne (achat du 12 juillet et du 24 juin) ; elle recherchait 515 000 tonnes cette semaine, qu’elle a achetées avant de se retourner et d’annuler cet achat. Cela illustre l’énorme besoin de ce pays cette année mais aussi le fait que les prix des orges sont très élevés et que cela repousse les importateurs.
Côté brassicole, c’est la flambée : Fob Creil, les orges d’hiver ont gagné 13 €/t à Creil à 234 €/t base juillet et les orges de printemps ont augmenté de 19 €/t à 253 €/t. Les déboires qualitatifs (France) et quantitatifs (Allemagne) viennent tendre encore plus un bilan brassicole qui s’annonçait déjà difficile à équilibrer.
Le maïs en berne
Le marché du maïs a été plus calme cette semaine que celui des céréales à paille. Les prix hexagonaux de l’ancienne récolte ont gagné 2,5 €/t Fob Rhin pour l’ancienne récolte (à 270 €/t) mais ils ont perdu 2 €/t à Bordeaux (à 257 €/t) ; ceux de la nouvelle récolte se sont affaissés de 3 €/t Fob Rhin (à 221 €/t) et de 0,5 €/t Fob Bordeaux à 214,5 €/t.
Cet affaissement de la nouvelle récolte découle des bonnes perspectives pour la récolte française : le service statistique du ministère de l’agriculture a publié sa première estimation de la récolte de maïs français cette semaine à 12,9 millions de tonnes, en baisse de 3,2 % par rapport à celle de 2020.
Cela signifie le maintien d’une bonne performance par rapport aux mauvais résultats de 2018 et de 2019 ; nous prévoyons de notre côté une production de maïs français plus élevée, en hausse de 3 % par rapport à 2020 vu les bonnes conditions pluviométriques.
Les prix français ont été influencés aussi par ceux des maïs US : ces derniers ont perdu 20 $/t au cours de la semaine à cause de la stabilisation des conditions météorologiques (pluies bénéfiques aux USA) et de perspectives revues en baisse pour les utilisations pour les biocarburants à cause du variant delta et de ses impacts sanitaires. Par ailleurs, les perspectives de récolte de maïs demeurent bonnes en Ukraine.
Le colza évolue en ordre dispersé sur la semaine
Les cours du colza ont évolué en hausse sur le marché d’Euronext, malgré la baisse des cours du soja et du pétrole. Ils ont gagné 7,75 €/t sur l’échéance de novembre (à 539,5 €/t). La progression des prix du colza est à mettre en partie sur le compte du repli de 1 % de la devise européenne face au dollar. Sur le marché physique les prix n’ont pas suivi le même mouvement, en cédant 1 €/t (à 544 €/t) en Fob Moselle, alors qu’à Rouen ils ont progressé de 1 €/t (à 541€/t).
Outre-Atlantique, les cours du canola à Winnipeg ont reculé légèrement de 1 $/t sur la semaine (à 703 $/t). Les conditions climatiques sèches continuent à apporter du soutien aux prix du canola. Des pluies sont attendues mais elles sont toutefois un peu tardives pour améliorer l’état des cultures.
Baisse du soja dans un contexte climatique favorable aux USA
Le prix du soja a perdu 12 $/t par rapport à la semaine dernière à Chicago et affiche désormais 515 $/t sur le rapproché. Sur l’échéance novembre, les prix perdent 18 $/t (à 488 $/t). En effet, les précipitations des dix derniers jours sur le Midwest ont été assez bénéfiques pour les cultures.
Les notations de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) du début de semaine faisaient état de 60 % de la surface dans un état bon à excellent, en hausse de 2 % par rapport à la semaine précédente. Ce niveau n’a finalement guère évolué depuis un mois, et les fortes précipitations attendues dans les dix prochains jours devront définitivement balayer le risque de stress hydrique pour la fin du cycle (86 % de surfaces sont en fleur et 59 % en remplissage des gousses).
Les prix de la fève ont également subi la pression baissière des huiles, notamment en huile de soja. Les cotations ont en effet reculé à la suite des inquiétudes grandissantes concernant le variant delta laissant entrevoir une reprise moins ferme que prévu de la demande en pétrole et biocarburants.
Montée du cours du tourteau en Argentine
Le prix du tourteau de soja à Montoir a baissé de 3 €/t par rapport à la semaine dernière (à 400 €/t). A Chicago, le prix n’évolue pas et demeure au voisinage des 357 $/t. En revanche, le tourteau de soja argentin augmente de 22 $/t, à 402 $/t. Cela résulte des difficultés logistiques persistantes liées aux niveaux d’eau extrêmement bas du fleuve Parana qui se traduisent par une diminution des capacités d’export et un ralentissement des chargements. Les navires ne peuvent actuellement charger qu’environ 75 % de leur capacité habituelle.
Le rebond des prix a été accentué par la fermeture d’une usine de trituration appartenant au groupe Bunge à la suite de l’effondrement d’un silo en début de semaine. Cela pourrait impacter sur le court terme la production et la livraison de tourteaux de soja.
Le prix du pois fourrager a augmenté de 7 €/t sur la semaine à 270 €/t départ Marne. Une récolte médiocre tant en volume qu’en qualité en France soutient les cours.
Hausse des cours de la graine de tournesol
Les tournesols ukrainiens de la nouvelle récolte se sont nettement valorisés à l’export cette semaine en gagnant 22 $/t (à 537 $/t) dans le sillage de l’huile de tournesol. Les acheteurs asiatiques et du Proche-et-Moyen-Orient sont en effet restés bien présents sur le marché en profitant de prix de l’huile de tournesol plus attractifs que ceux de l’huile de soja.
Dans le sillage des prix en mer Noire, les prix du tournesol à Saint-Nazaire se sont raffermis sur la semaine (+10 €/t à 515 €/t).
À suivre : résultats des moissons en France, dans l’UE, en Russie et Amérique du Nord pour le blé, l’orge et le colza, climat sur le Midwest US, comportement des grands pays importateurs de blé et d’orge, demande mondiale en huiles des pays émergents, situation sanitaire, prix du pétrole